Les questions de Rémi Quirion
SCIENTIFIQUE EN CHEF DU QUÉBEC *
Qu’est-ce que l’infirmier apporte au chercheur, et vice-versa ?
L’infirmier apporte un regard unique au chercheur en lui permettant de décrire, de comprendre, d’expliquer, d’explorer ainsi que de prédire des phénomènes peu connus dans la discipline. Le chercheur, lui, aide l’infirmier à améliorer la prise en charge du patient et à développer sa pensée critique au sein de sa pratique sur la base de résultats probants.
Quel serait le message principal que vous aimeriez faire valoir auprès des instances gouvernementales en matière d’humanisation des soins ?
Depuis 40 ans, plusieurs recherches sur les approches humanistes révèlent que les aspects relationnels du soin ont été occultés par des décisions purement économiques et comptables. Ce constat démontre l’urgence de développer une politique provinciale et nationale d’humanisation des services de santé. Je suis d’avis que ce type de politique pourrait aider à résoudre certains problèmes dans le réseau et à améliorer les conditions de travail, la rétention du personnel et les pratiques professionnelles.
Quelles actions entreprendre pour redresser la situation actuelle et accroître l’attractivité du secteur ?
Nous devons mettre en oeuvre de nouveaux modèles d’organisation des soins et de gestion de la charge de travail pour mieux arrimer les compétences infirmières aux besoins des patients et, ainsi, réduire les charges de travail excessives. Ensuite, les organisations de soins de santé doivent investir dans le développement d’une équipe hautement qualifiée pour soutenir le personnel infirmier. Les décideurs doivent également investir dans l’embauche de personnel administratif et de salubrité, afin de réduire les activités non infirmières imposées aux infirmières et leur permettre d’exercer pleinement leur pratique. De plus, il faut que les milieux de soins offrent des moyens pour prévenir l’épuisement professionnel et promouvoir le bien-être : horaires flexibles, congés pour se ressourcer, temps pour intégrer l’autogestion de la santé dans son horaire et accès facilité aux services de santé mentale. On doit garder en emploi les nouvelles diplômées en mettant en place un programme rémunéré de résidence qui faciliterait la transition vers les milieux cliniques. Enfin, il faut planifier et mentorer la relève.
Comment visualisez-vous l’avenir de la profession infirmière dans une philosophie de santé durable ?
Cela passe par le rehaussement de la formation des infirmières au niveau du baccalauréat comme unique porte d’entrée dans la profession au Québec afin que toutes aient les outils en main pour répondre aux besoins en soins de santé, qui se complexifient. Plusieurs études ont révélé que plus les infirmières sont formées, plus elles développent des moyens pour demeurer en santé au travail.
* Le scientifique en chef du Québec conseille le gouvernement en matière de science et de recherche, et dirige les Fonds de recherche.