Quebec Science

Arnaquer les robots

- Gabrielle Anctil @_ganctil

« Ça, c’est un code que t’oublieras pas. » Cette phrase, lancée par la gérante du supermarch­é où je venais d’obtenir un poste de caissière – mon premier emploi d’étudiante –, s’est avérée prémonitoi­re. Car deux décennies plus tard, le code des bananes est encore gravé dans ma mémoire : 4011.

Ce souvenir a resurgi lorsque mon épicerie locale a fait installer des caisses libre-service il y a quelques années. Les vieux réflexes me sont rapidement revenus, tout comme un étrange sentiment : n’est-il pas ironique de devoir accomplir gratuiteme­nt des gestes pour lesquels j’ai autrefois été payée ?

Pour certaines personnes, l’arrivée des caisses libre-service est apparue comme une occasion d’économiser à l’épicerie. Le « truc de la banane » est même devenu populaire auprès des adeptes du vol à l’étalage : il suffit d’entrer le code d’un produit moins cher au poids (comme une banane) pour un item au prix plus élevé (comme des raisins). D’autres méthodes du genre se sont ainsi multipliée­s.

Le vol semble d’ailleurs avoir connu une recrudesce­nce coïncidant avec l’installati­on de ces caisses, selon une étude parue en 2017 dans le Security Journal. En fait, « 57 % de ceux ayant admis avoir pris des marchandis­es sans les payer l’ont fait parce qu’ils n’ont pas réussi à scanner un item et qu’ils l’ont donc simplement pris », notaient les deux chercheurs en criminolog­ie derrière l’étude. « Si ça scanne pas, ça doit être gratuit » est une (terrible) blague que j’ai entendue trop souvent pendant ma carrière de caissière. La technologi­e semble lui avoir donné un fond de vérité.

La plupart de ces vols sont motivés par la simplicité de l’action, voire une frustratio­n envers les caisses : « Certains “non-scanneurs” [qui ne paient pas leurs produits] ont l’impression d’avoir un droit : si nous faisons tout le travail, pourquoi ne bénéficion­s-nous pas d’une réduction de prix ? » ajoute le duo.

Dans certains magasins Walmart et Canadian Tire, les multiples problèmes techniques ont eu raison de la technologi­e. Mais en général, les caisses libreservi­ce ont le vent en poupe. Dans un billet de blogue publié en 2023, la chaîne IGA notait qu’elles permettent de multiplier les revenus générés par le personnel, puisque chaque employé gère simultaném­ent plusieurs caisses.

Alors, pour ou contre les caisses libre-service ? La réponse nécessite de la nuance. Ces technologi­es ont des avantages avérés – elles permettent en général de simplifier la procédure pour régler nos emplettes. Mais, comme toujours, il n’existe pas de solution universell­e. Parfois, un humain demeure plus compétent qu’une machine.

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