DES LUNETTES INTELLIGENTES POUR DALTONIENS
La réalité augmentée pourrait permettre aux daltoniens d’enfin percevoir ce qui leur échappe.
Jonathan Sutton aimerait bien porter, au quotidien, les lunettes qu’il met au point avec son équipe. « Pour déterminer si mon poulet est assez cuit, entre autres », dit le doctorant à l’université d’Otago, en Nouvelle-Zélande, rencontré en avril dernier à la Conference on Human Factors in Computing Systems, à Montréal, où ont été dévoilées les ChromaGlasses.
Vous aurez compris que ce jeune chercheur est atteint de daltonisme, une anomalie de la vision qui affecte la perception des couleurs et touche environ 8 % des hommes et 0,5 % des femmes. Certains ne voient aucune couleur alors que d’autres confondent le rouge et le vert ou, encore, le bleu et le jaune. Au-delà des enjeux de cuisson, le directeur du projet de recherche, Tobias Langlotz, rappelle que les daltoniens font face à diverses contraintes, dont l’accès à certaines professions.
Pour remédier à la situation, son équipe s’est tournée vers la réalité augmentée. Vous vous souvenez du jeu Pokémon Go ? Cette application utilisait la caméra des téléphones intelligents pour capter le paysage et y ajouter des personnages colorés, à l’écran. Même principe pour les ChromaGlasses qui sont en fait une version modifiée des lunettes commerciales Epson Moverio BT-300. L’équipe y a notamment ajouté un diviseur de faisceau qui compense le fait que les caméras ne sont pas positionnées exactement au niveau des pupilles. Un logiciel identifie nd ensuite les parties du décor dont les couleurs ne sont pas visibles par l’utilisateur et lui propose une version corrigée.
Le rouge au creux de la chair du poulet peut ainsi apparaître en bleu ! Quoique… « Au début, on changeait ainsi les couleurs par n’importe quelle autre, raconte Tobias Langlotz. Mais on a réalisé que les couleurs ont leur sémantique. On essaie donc de trouver une couleur similaire, mais perceptible par l’individu. »
Le groupe a mené une étude auprès de 19 participants et les résultats sont positifs. L’équipe n’a pas l’intention de commercialiser son invention, mais une entreprise pourrait un jour reprendre le concept « en rendant les lunettes plus sexy », laisse tomber en riant M. Langlotz.
Ces dernières années, les lunettes pour daltoniens EnChroma, conçues aux États-Unis, avaient fait parler d’elles sur les réseaux sociaux. Elles ne sont pas « intelligentes », mais misent plutôt sur des lentilles qui agissent un peu comme des verres fumés. Des chercheurs de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université de Montréal ont récemment évalué ces lunettes pour conclure qu’elles pourraient « présenter un risque sur la route, considérant qu’elles modifient la couleur des lumières de la signalisation et qu’elles bloquent grandement certaines longueurs d’onde ».