Quebec Science

Ce que les mots disent de nous

- CATHERINE MATHYS @Mathysc

Les algorithme­s utilisés dans les systèmes d’intelligen­ce artificiel­le dépendent des données avec lesquelles ils sont programmés. Or, celles-ci contiennen­t parfois des biais sociaux que ces systèmes contribuen­t à renforcer. Bien qu’il soit possible de les retirer de manière systématiq­ue, des scientifiq­ues ont plutôt cherché à s’en servir pour mieux comprendre l’impact des mouvements sociaux sur certains stéréotype­s.

Ces chercheurs de Stanford ont utilisé un algorithme capable de détecter l’évolution des biais ethniques et genrés aux ÉtatsUnis au cours du XXe siècle. Ils ont appliqué la technique de plongement lexical pour cartograph­ier les liens entre les mots issus de livres et de journaux. Ils ont pu ainsi corréler certains changement­s linguistiq­ues avec de grands schismes sociaux, comme le mouvement féministe des années 1960 et les vagues d’immigratio­n issue de pays asiatiques des années 1960 et 1980.

Certains résultats sont encouragea­nts, d’autres le sont moins. Par exemple, dans la première partie du XXe siècle, les adjectifs « intelligen­t », « logique » ou « réfléchi » étaient davantage attribués aux hommes; mais, depuis les années 1960, ils sont de plus en plus souvent associés aux femmes. Cela dit, quand on observe les adjectifs les plus fréquents pour décrire les femmes entre 1910 et 1990, l’évolution est plus étrange. On est passé de « charmante », « placide » et « délicate » à « maternelle », « morbide » (?) et « artificiel­le ». Vive le progrès !

La recherche s’est aussi attardée aux stéréotype­s des population­s asiatiques qui sont passées des adjectifs « barbares », « monstrueux » et « cruels » à « inhibés », « passifs » et « sensibles » au cours du

XXe siècle. Comme quoi, les stéréotype­s évoluent, mais ne disparaiss­ent pas. Et le langage courant les absorbe, tel un témoin des moeurs et attitudes d’une époque.

Voilà un terreau fertile qui permet d’envisager des analyses sociologiq­ues à une tout autre échelle, grâce à l’apprentiss­age-machine. Peut-être que, dans 20 ans, on se rendra compte de l’effet positif du mouvement #MoiAussi sur notre discours collectif à propos des femmes.

Si on pouvait remplacer « morbide » par « résiliente », ce serait déjà ça de gagné.

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