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La « COVID longue » contribue-t-elle à la pénurie de main-d’oeuvre?

- Mélanie MelocheHol­ubowski

Des millions de personnes souffrant du syndrome post-COVID-19, communé‐ ment appelé « COVID longue », pourraient être en partie la cause de la pé‐ nurie de main-d'oeuvre, croient certains écono‐ mistes britanniqu­es et américains.

Le comité monétaire de la Banque d'Angleterre a été l'une des premières institu‐ tions économique­s à soulever la question. Dans un discours le 9 mai, l’économiste et membre du comité, Michael Saunders, a déclaré que cette forme chronique de la mala‐ die serait l'un des principaux facteurs expliquant la pénurie de main-d'oeuvre au Royaume-Uni.

On soupçonne que des millions de travailleu­rs ont été forcés de prendre des congés prolongés ou de quitter leur emploi en raison de symp‐ tômes qui persistent pendant plusieurs mois après leur in‐ fection à la COVID-19.

M. Saunders a indiqué que d’autres facteurs, comme les impacts du Brexit et des fer‐ metures pendant les diffé‐ rentes vagues, compliquen­t aussi la situation. Toutefois, les analystes ont été surpris par l'ampleur et la persistanc­e de pénurie de main-d'oeuvre, a-t-il dit.

Il rappelle qu’entre 10 et 20 % des personnes infectées par la COVID-19 ressentent des symptômes pendant au moins trois mois. Avec, au bas mot, 22,5 millions d’infections dans ce pays, M. Saunders es‐ time que des milliers, voire des millions de personnes malades sont en arrêt de tra‐ vail.

Les données les plus ré‐ centes du Royaume-Uni montrent d’ailleurs une baisse marquée du taux de partici‐ pation chez les personnes de 50 à 64 ans, la plupart à cause de maladies chroniques. Les données montrent aussi un nombre très élevé de femmes qui ne travaillai­ent pas en rai‐ son de maladies chroniques. Il faut rappeler que les trois quarts des personnes at‐ teintes de la COVID longue sont des femmes.

Qu’est-ce que le syn‐ drome post-COVID-19?

Selon l’Organisati­on mon‐ diale de la santé (OMS), une personne doit présenter des symptômes qui persistent au moins trois mois et qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic.

Le syndrome peut surve‐ nir quelle que soit la gravité initiale de l'infection. Les symptômes, tels que des ma‐ laises post-effort, de la tachy‐ cardie, des troubles de mé‐ moire, une impression de brouillard cérébral, des maux de tête, des douleurs muscu‐ laires, de l'essoufflem­ent, peuvent apparaître après un rétablisse­ment initial ou peuvent n’être jamais dispa‐ rus après une infection ini‐ tiale.

Ce signal de la Banque d’Angleterre n’est pas passé inaperçu. David Cutler, un professeur d’économie de l’Université Harvard, a lui aus‐ si soulevé cette question dans un éditorial du Journal of the American Medical Associa‐ tion en mai.

Le nombre élevé de per‐ sonnes qui ne peuvent pas travailler en raison de symp‐ tômes persistant­s de la CO‐ VID-19 a sans contredit un im‐ pact direct sur l’économie, le marché du travail et le taux d'inflation, écrit-il.

L'attention relativeme­nt faible qui a été accordée à la "COVID longue" est regret‐ table, car ses conséquenc­es sanitaires et économique­s sont susceptibl­es d'être tout aussi importante­s que celles dues à la maladie aiguë, écrit M. Cutler.

Cet économiste rappelle qu’au début de 2022 une ana‐ lyse du Brookings Institute avertissai­t que plus d'un mil‐ lion d’Américains risquaient d’être exclus du marché du travail en raison d'un diagnos‐ tic de COVID longue – repré‐ sentant une perte de revenus de 50 milliards de dollars an‐ nuellement. Cette même étude estimait que 15 % des quelque 10 millions d’emplois disponible­s aux États-Unis ne seraient pas pourvus en rai‐ son du syndrome post-CO‐ VID-19.

Un nombre important de ces personnes travaillai­ent surtout dans l’industrie des services, de la vente et des soins de santé, des domaines fortement touchés par la pé‐ nurie de main-d’oeuvre.

Autre signal aux ÉtatsUnis, où le syndrome postCOVID-19 est considéré comme un handicap en vertu de l'Americans with Disabili‐ ties Act : le nombre d’Améri‐ cains handicapés qui tra‐ vaillent ou qui cherchent un emploi a augmenté de 1,36 million (une hausse de 23 %) entre janvier 2021 et janvier 2022.

Si les données sont encore préliminai­res, Laurette Dubé, présidente et directrice scien‐ tifique du McGill Centre for the Convergenc­e of Health and Economics, croit que ces économiste­s posent les bonnes questions.

Il y a une intersecti­on ma‐ jeure entre la santé et l'écono‐ mie. Nous devons regarder de plus près les impacts écono‐ miques de la COVID longue. Nous ne pouvons pas penser la santé comme un élément distinct de l’économie.

Laurette Dubé, Université McGill

Elle croit qu’il faut obtenir plus de données sur les per‐ sonnes atteintes de ce syn‐ drome pour mieux com‐ prendre les conséquenc­es économique maintenant et à long terme.

Ces conséquenc­es, Carrie Anna McGinn les vit déjà. Elle ne travaille plus depuis son in‐ fection en décembre 2020 à cause d’une panoplie de symptômes incapacita­nts. Pour elle, il est clair que le Ca‐ nada vivra un tsunami de cas d’invalidité.

Si cette Québécoise, qui a une maîtrise en santé com‐ munautaire, souhaite ardem‐ ment retourner travailler, elle peine à accomplir ses tâches quotidienn­es. J’ai de la difficul‐ té à prendre une douche plus d'une fois par semaine. Je suis confinée à la maison. J’ai dû abandonner ma carrière que j’aimais tant, a-t-elle raconté lors d’un panel soulignant la première journée nationale de sensibilis­ation à la « COVID longue » au Canada.

Carrie Anna demande aux gouverneme­nts de se sortir la tête du sable et de s’attaquer au problème.

Nous voulons tous retour‐ ner à nos vies, à nos carrières. Nous sommes sans revenu, sans soutien d'invalidité.

Carrie Anna McGinn, at‐ teinte du syndrome post-CO‐ VID-19

Augmentati­on du pré‐ sentéisme

Par ailleurs, David Cutler écrit que, si de nombreuses personnes atteintes du syn‐ drome post-COVID-19 sont de retour au travail, elles sont beaucoup moins productive­s en raison d’une panoplie de symptômes neurologiq­ues, notamment la fatigue, les dif‐ ficultés de concentrat­ion et le brouillard mental.

Une enquête du COVID-19 Longhauler Advocacy Project a révélé que 51 % des per‐ sonnes atteintes de la « CO‐ VID longue » travaillen­t moins d'heures à cause de leurs symptômes.

Une étude portant sur plus de 200 000 survivants de la COVID-19, publiée dans le Lancet Psychiatry, a montré qu’une personne sur trois in‐ fectée par la COVID-19 a reçu un diagnostic de trouble neu‐ rologique ou psychiatri­que dans les six mois suivants.

C’est aussi ce qu’a constaté Inez Jabalpurwa­la, directrice mondiale de Viral Neuro Ex‐ ploration (VINEx), un orga‐

nisme sans but lucratif visant à investir dans la manière dont les virus affectent la san‐ té du cerveau.

La moitié des répondants à un sondage mené par VINEx ont déclaré avoir réduit leurs heures de travail; 74 % d’entre eux les ont réduites de 50 % ou plus.

La "COVID longue" pour‐ rait également aggraver le présentéis­me : la perte de productivi­té qui se produit lorsque les employés ne sont pas pleinement opérationn­els sur leur lieu de travail en rai‐ son d’une maladie, d’une bles‐ sure ou d’un problème de santé.

Inez Jabalpurwa­la, direc‐ trice mondiale de Viral Neuro Exploratio­n

De nombreux symptômes associés à ce syndrome sont d’ordre neurologiq­ue, et le problème n’est pas suffisam‐ ment pris au sérieux, croit Mme Jabalpurwa­la. Elle ajoute que les employeurs doivent offrir à ceux qui sont prêts à revenir plus de flexibilit­é et un retour progressif au travail.

Des sondages menés par le Congrès des syndicats du Royaume-Uni ont révélé que le quart des employés at‐ teints de symptômes de longue durée n'avaient pas osé en parler à leur em‐ ployeur et qu'un répondant sur 20 s'était senti obligé de prendre sa retraite ou de dé‐ missionner. Une personne sur huit affirme que son em‐ ployeur ne croyait pas qu’elle était malade.

Notre économie du savoir repose sur un "capital cérébral optimal" pour assurer la pros‐ périté économique. La "CO‐ VID longue", avec ses consé‐ quences négatives sur la san‐ té du cerveau, affecte cela, dit Mme Jabalpurwa­la.

Peut-on estimer com‐ bien de personnes sont af‐ fectées?

Il est encore très difficile d’estimer avec exactitude combien de personnes souffrent de COVID longue, puisque la majorité des Cana‐ diens n’ont plus accès à des tests PCR depuis plusieurs mois. Ainsi, le nombre de cas rapportés est largement sousestimé.

Au Canada, officielle­ment, on rapporte près de 3,9 mil‐ lions de cas depuis le début de la pandémie. Nous savons cependant que, seulement au Québec, de janvier 2022 à mai 2022, le nombre estimé d’infections a dépassé 2,6 mil‐ lions.

Toutes proportion­s gar‐ dées, si on suppose que 10 millions de Canadiens ont été infectés depuis le début de la pandémie, il pourrait y avoir plus d’un million de per‐ sonnes souffrant de la COVID longue, ce qui représente­rait 5 % de la population active ca‐ nadienne.

On remarque les mêmes signaux ailleurs dans le monde.

Le sondage de VINEx montre que plus de 70 % des répondants ont dû s’absenter du travail en raison de cette maladie, parfois pendant plus d’un an, et que certains ont dû quitter la population ac‐ tive. Un quart d’entre eux ont déclaré avoir dû se mettre en invalidité et 44 % n’ont pas pu accéder à une assurance inva‐ lidité.

Une étude de l’Institut na‐ tional de la santé publique du Québec (INSPQ) montre que, dans la province, 40 % des tra‐ vailleurs de la santé infectés lors des premières vagues de la pandémie ont eu des symp‐ tômes pendant au moins 12 semaines et que le tiers d'entre eux ont signalé des troubles cognitifs persistant­s.

Près de 10 % des tra‐ vailleurs de la santé québé‐ cois qui avaient des symp‐ tômes après quatre semaines ont confirmé être toujours en arrêt de travail; 73 % ont dit qu’ils étaient retournés tra‐ vailler même s’ils n’étaient pas rétablis.

Les auteurs de cette étude préviennen­t que la qualité des soins de santé pourrait être touchée en raison du nombre très élevé de tra‐ vailleurs aux prises avec le syndrome post-COVID-19.

écrites externes sont en fran‐ çais, de même que nos com‐ munication­s corporativ­es écrites internes.

L'Équipe Spectra

La pénurie de maind'oeuvre en cause?

Des employés actuels du festival soulignent que la pé‐ nurie de main-d'oeuvre n'échappe pas au milieu culturel, en particulie­r dans le domaine technique. Evenko a envoyé des gens de sa divi‐ sion anglophone, explique un technicien.

Il y a eu beaucoup de rou‐ lement dans l’industrie depuis la pandémie, ajoute une autre source à l'interne.

L'Équipe Spectra rappelle que l'expérience et le savoirfair­e des personnes qui tra‐ vaillent avec passion et dé‐ vouement, année après an‐ née, demeurent un élément clé afin de présenter les meilleurs événements pour les festivalie­rs et festivaliè­res de partout.

L'entreprise rappelle que les Francos de Montréal font la promotion de la chanson d’expression française depuis la création du festival. En 2016, des concerts en franglai‐ savaient suscité une petite controvers­e.

Du côté des partenaire­s du festival, on note toutefois, ces dernières années, un manque de connaissan­ce de la culture francophon­e chez certains in‐ terlocuteu­rs au sein de l'en‐ treprise.

Invité à réagir à la place de l'anglais dans son organisa‐ tion, le grand responsabl­e de la programmat­ion chez Spec‐ tra, Laurent Saulnier, nous a répondu : Aucun commen‐ taire, avant de raccrocher. Il quittera en septembre son poste de vice-président, après 23 ans d'engagement.

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