[Mot de l’info] Comment freiner l’érosion de la confiance?
La confiance à l'égard des nouvelles est à son plus bas niveau depuis 2016 chez les Canadiens francophones, selon la plus récente édi‐ tion du Digital News Re‐ port, publiée cette se‐ maine. Moins de la moitié de la population (47 %) dit faire confiance à la plupart des nouvelles, la plupart du temps. C'est une baisse de 7 points en un an.
La donnée est inquiétante, préoccupante. La santé dé‐ mocratique de nos sociétés est directement liée à la quali‐ té de l’information qui y cir‐ cule. Plus les citoyens doutent de la fiabilité du travail des médias, moins le débat public peut se faire sur des bases saines.
Il faut admettre qu'il peut être difficile de s'y retrouver dans l'abondance des sources d'information. Pour guider les citoyens à travers cette masse d'information, des initiatives internationales de réseaux de collaboration et de sur‐ veillance des standards de production de l'information sont mises en place. En plus de nos Normes et pratiques journalistiques, que nous res‐ pectons scrupuleusement, nous sommes liés à plusieurs de ces projets. Avec CBC, Ra‐ dio-Canada est d'ailleurs de‐ venue, cette semaine, le pre‐ mier diffuseur canadien à être certifié dans le cadre de la Journalism Trust Initiative (JTI) de Reporters sans frontières. Cette norme internationale évalue la fiabilité des médias d’information au moyen d’un audit externe de la firme De‐ loitte. Radio-Canada Info a obtenu la note la plus élevée, soit 100 %. Le rapport d’éva‐ luation détaillé, contenant tous les critères utilisés, est accessible à tous.
Grâce aux Décrypteurs, Ra‐ dio-Canada est aussi membre de l'International Fact-Che‐ cking Network, qui regroupe des équipes de vérification de faits de grands médias, et du Trusted News Initiative, un cadre de coopération entre médias et géants technos pour limiter la diffusion de fausses nouvelles dange‐ reuses.
La baisse de confiance ob‐ servée par l'Institut Reuters est liée à une désaffection à l'égard des institutions en gé‐ néral. Elle s'appuie aussi sur la fragilisation de la notion de vérité, entretenue par des courants philosophiques et politiques, ainsi que sur une polarisation de la société, fla‐ grante aux États-Unis et da‐ vantage mise de l'avant ici de‐ puis la pandémie de COVID19.
Plus pragmatiquement, elle s'explique aussi par une méconnaissance du travail des journalistes, à commen‐ cer par le mélange des genres : un chroniqueur qui donne son opinion ne fait pas le même travail qu'un journa‐ liste qui rapporte des faits. D'autres aspects du travail sont aussi souvent mal inter‐ prétés. Les questions serrées des journalistes en confé‐ rence de presse sont parfois perçues comme une preuve d’insensibilité, voire d’arro‐ gance, alors qu’elles sont né‐ cessaires pour faire émerger des faits ou des déclarations que l’on préférerait laisser dans l’ombre.
Ces réalités sont évidem‐ ment bien connues dans les salles de rédaction, mais il est normal qu'elles ne le soient pas autant parmi les gens qui consultent le contenu média‐ tique.
Favoriser la transpa‐ rence
Pour tenter de mieux faire comprendre notre travail, nous avons mis en place plu‐ sieurs initiatives de transpa‐ rence au cours des dernières années. Ce mot de l'informa‐ tion en est un exemple, tout comme notre section Les cou‐ lisses de l'info. Nous n'hési‐ tons jamais non plus à corri‐ ger nos erreurs avec diligence.
Dans certains cas, comme ce‐ lui des élections municipales à Québec, nous revoyons même nos façons de faire. Nos outils de lutte contre la désinformation, dont Les Dé‐ crypteurs et le Robot contre la désinformation, sont d'autres exemples de ce que nous faisons pour gagner et conserver votre confiance.
De plus, nous multiplions les reportages sur le terrain qui racontent votre réalité et celle d'ailleurs, parce qu'il est important pour nous que vous vous reconnaissiez dans nos contenus et que vous puissiez avoir un regard cana‐ dien sur ce qui se passe sur la planète. C'est une question de connexion entre nous, vous et le monde. Et c’est pour rester bien connectés avec le plus grand nombre que nous multiplions les for‐ mats de nos reportages, comme Rad le fait si bien, ou que nous utilisons les capaci‐ tés des réseaux sociaux pour présenter l’info autrement (les archives de Radio-Canada sur TikTok valent le détour!).
Est-ce assez? Non. Est-ce que ça fonctionne? On ose le croire, car la situation est tout de même meilleure ici qu'ailleurs. En France et aux États-Unis, le taux de confiance est inférieur à 30 %.
Mais ce n'est pas une consolation ni une invitation à rester les bras croisés. D'autres pays réussissent à faire mieux; la Finlande, par exemple, avec un taux de confiance de 69 %.
Nous continuerons donc de chercher de nouvelles fa‐ çons de solidifier et de déve‐ lopper le lien de confiance avec vous. Continuez à com‐ muniquer avec nous en grand nombre, à nous interpeller lorsque vous avez l’impres‐ sion que nous pourrions mieux faire notre travail, à nous encourager aussi dans nos bons coups! Et merci de demeurer exigeants envers votre diffuseur public. Nous ne serons jamais parfaits, mais nous chercherons tou‐ jours à nous dépasser pour être à la hauteur de vos at‐ tentes.
Notes méthodolo‐ giques :
Le Digital News Report est produit chaque année depuis 2012 par l'Institut Reuters. C'est le Centre d'études des médias de l'Université Laval qui recueille et analyse les données pour le Canada. À travers le monde, 93 000 per‐ sonnes ont été sondées dans 46 pays en janvier et février. Au Canada francophone, 1004 personnes ont répondu aux questions du 21 janvier au 21 février 2022. La notion de confiance à l'égard des mé‐ dias a été introduite dans l'en‐ quête en 2016.