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Avis d’ébullition : une Première Nation franchit le cap des 10 000 jours

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10 000 jours. 27 ans et 4 mois. Une génération en‐ tière de la communauté autochtone de Neskanta‐ ga, dans le Nord de l’Onta‐ rio, a grandi sans avoir ac‐ cès à l’eau potable.

Cette Première Nation dé‐ tient le triste record de l’avis d’ébullition le plus ancien en vigueur au Canada.

Comment en sommesnous arrivés là? Manque de volonté politique selon cer‐ tains; difficulté­s techniques et logistique­s selon d’autres.

On ne s’attendait jamais à franchir le cap des 10 000 jours avec un avis d’ébullition de l’eau en vi‐ gueur, confie le chef de Nes‐ kantaga, Wayne Moonias. Personne ne s’attend à ce qu’une communauté soit dans une situation comme celle-ci aussi longtemps.

Services aux Autochtone­s Canada espère que l’avis sera levé avant que la communau‐ té franchisse un autre cap dé‐ plorable. La constructi­on du système de traitement de l’eau est presque terminée, af‐ firme un porte-parole de ce ministère dans un courriel.

L’eau potable devrait cou‐ ler des robinets de Neskanta‐ ga d’ici septembre 2022, si l’équipe responsabl­e du projet termine les travaux selon les échéancier­s actuels, selon Ser‐ vices aux Autochtone­s Cana‐ da.

Brève chronologi­e du dossier de l’eau potable à Neskantaga

1993 : un système de trai‐ tement de l’eau est construit pour traiter l’eau puisée du lac Attawapisk­at qui contient une forte densité de matière orga‐ nique en décomposit­ion

1995 : le système de traite‐ ment de l’eau de la commu‐ nauté s’avère défectueux; un avis d'ébullition entre en vi‐ gueur

1996 : l’avis d’ébullition de l’eau devient permanent

2015 : le gouverneme­nt fé‐ déral promet de lever les avis d'ébullition dans les commu‐ nautés autochtone­s d’ici 2021

2016 : un financemen­t est annoncé pour moderniser l’in‐ frastructu­re du traitement de l’eau à Neskantaga

2018 : Estimant que les tra‐ vaux progressen­t trop lente‐ ment, la communauté congé‐ die l’entreprise embauchée pour compléter la modernisa‐ tion, et exige une enquête ex‐ terne sur ce fournisseu­r

2020 : Une substance hui‐ leuse est découverte dans le système de traitement de l’eau, forçant l’évacuation de la communauté

2020 : le système de traite‐ ment de l’eau modernisé est mis en service, mais d’autres travaux doivent être parache‐ vés avant que l’avis soit levé, et la pandémie retarde les tra‐ vaux

À venir : des analyses de la qualité de l’eau seront effec‐ tuées au cours de l’été 2022; si les résultats sont concluants, l’avis pourrait être levé à l’au‐ tomne 2022.

Une confiance qui pren‐ dra du temps à rebâtir

Au sein même de la Pre‐ mière Nation, plusieurs hé‐ sitent à croire que l’eau po‐ table pourrait revenir prochai‐ nement. Nous avons entendu ce genre de promesses plu‐ sieurs fois au cours du dernier quart de siècle, et rien n’a changé pour autant, explique M. Moonias.

La communauté ne

fait plus confiance au système, au gouverneme­nt et au projet d’eau potable en général.

Wayne Moonias, chef de la Première Nation de Neskan‐ taga

La méfiance du robinet est un réflexe profondéme­nt an‐ cré dans l’esprit des membres de la communauté, selon M. Moonias. Plusieurs per‐ sonnes sont marquées à vie.

Nos jeunes souffrent de problèmes de la peau, comme l'eczéma et les éruptions cuta‐ nées parce qu’ils se sont lavés avec l’eau de Neskantaga, illustre-t-il.

La directrice des services de santé de Neskantaga, Sha‐ ron Sakanee, croit également que la confiance prendra du temps à rebâtir.

Les membres de notre communauté ont tellement l’habitude de se méfier de l'eau que, même quand ils voyagent dans des milieux ur‐ bains, ils se demandent s’ils peuvent consommer l’eau en toute sécurité, relate-t-elle.

Le manque d’eau potable complique également l’accès aux services de santé pour les membres de la communauté.

Un aîné est venu me voir avec des problèmes d’abcès aux pieds. Je ne peux pas lui recommande­r de faire trem‐ per ses pieds dans l’eau pour désinfecte­r, puisque nous n’avons pas d’eau potable, ra‐ conte Mme Sakanee.

Ça fait trop longtemps que nous attendons l’eau. Qu’estce qui prend autant de temps? 27 ans sans eau po‐ table, ce n’est pas acceptable.

Sharon Sakanee, directrice des services de santé de Nes‐ kantaga

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