Survivre à crédit pour faire face à l’inflation
L’inflation place des mil‐ liers de personnes devant des choix déchirants. Ré‐ duire les dépenses pour ses besoins de base, ou avoir recours au crédit.
C’est ce que fait Robert MacKay, un prestataire d’aide sociale qui habite à Moncton au Nouveau-Brunswick. Il ne pourrait pas survivre sans avoir recours à sa ligne de cré‐ dit, une ligne de crédit qu’il a obtenue il y a plusieurs an‐ nées.
Ça me permet d'éviter de sauter du haut d'un pont si je puis dire, de ne pas avoir à vivre dans la misère absolue au jour le jour [...], donc ça me rend la vie supportable comme ça, mais bien sûr, ça vient avec un coût et une cer‐ taine incertitude, confie Ro‐ bert MacKay.
C’est un peu intimidant pour moi de parler d’un sujet comme celui-ci pour des rai‐ sons évidentes, dit-il.
Mais Robert MacKay, qui est aussi coprésident du Front commun pour la justice sociale, dit que le problème est répandu, et il accepte d’en parler dans l'espoir de faire changer les choses, reconnais‐ sant que la plupart des gens n’osent pas témoigner publi‐ quement.
Se nourrir est une pré‐ occupation majeure
Selon une récente étude de Statistiques Canada, l’infla‐ tion a réduit la capacité de 3 Canadiens sur 4 à assumer les dépenses quotidiennes comme le transport, le loge‐ ment, les aliments et l’habille‐ ment. Soixante-treize pour cent ont été affectés par cette hausse des prix dans leurs ca‐ pacités d’assumer leurs dé‐ penses quotidiennes, confirme Lorraine Pineault, analyste à Statistiques Cana‐ da.
Selon les données re‐ cueillies, il y a peu de varia‐ tions d’une province à l’autre.
Bien qu’on entende parler plus souvent des hausses du prix de l’essence, pour l’en‐ semble des citoyens cana‐ diens, c’est la hausse du prix des aliments qui est la plus préoccupante.
Il y a beaucoup de per‐ sonnes qui n’achètent pas l’es‐ sence, mais tout le monde doit manger.
Lorraine Pineault, analyste à Statistiques Canada
Alors quand on pense comme ça, ce n’est pas vrai‐ ment une grande surprise, rappelle Lorraine Pineault.
La hausse du prix des ali‐ ments force aussi de plus en plus de gens à recourir aux banques alimentaires. Un Ca‐ nadien sur cinq pense devoir recourir bientôt à une banque alimentaire pour arriver à se nourrir.
Le quart des Canadiens emprunte pour des besoins de base
Statistiques Canada a constaté que les citoyens ca‐ nadiens utilisent plusieurs moyens pour combler leurs besoins de base.
On tente de réduire les dé‐ penses de mille et une façons. Quarante-sept pour cent des gens achètent des produits de remplacement, ou des ar‐ ticles moins dispendieux. Quarante-cinq reportent leurs achats.
Mais on constate aussi que 27 % des gens ont re‐ cours au crédit, sous diverses formes, pour acheter nourri‐ ture et autres biens de pre‐ mière nécessité. Certains em‐ pruntent de l’argent à des amis ou des parents, ou ont recours au crédit accordé par des institutions financières.
Selon Statistiques Canada, ce sont d’abord et avant tout les ménages à faible revenu qui ont recours au crédit pour se nourrir. Il s’agit surtout de jeunes de 39 ans et moins, mais pas exclusivement, et de ménages avec au moins un enfant.
En parallèle, un 30 % des personnes ont déclaré qu’elles épargnent moins, et 20 % qu’elles ne sont plus en me‐ sure d’épargner du tout. S’endetter pour survivre Robert MacKay, qui ne peut travailler en raison de di‐ vers handicaps, assure qu’il ne pourrait vivre avec les 590 $ qu’il reçoit chaque mois en aide sociale. Chaque mois, je peux ajouter 300 $ supplé‐ mentaires sur ma marge de crédit, chaque mois, parfois, 400, 500, cela dépend, parfois seulement une centaine, ex‐ plique-t-il.
Peu à peu, son endette‐ ment s’accroît, et évidem‐ ment, il doit payer les intérêts chaque mois.
Mais il n’est pas le seul dans cette situation. Plusieurs personnes n’osent parler pu‐ bliquement de ce qu’elles vivent, mais leurs défis n’en sont pas moins de plus en plus grands. Son cas, estime-til, n’est que la pointe de l’ice‐ berg.
Pendant que les ménages les plus pauvres s’appau‐ vrissent davantage, les insti‐ tutions financières en pro‐ fitent, selon Robert Mackay : les banques font des profits records même pendant cette forte inflation et tout le reste.
Une aide gouvernemen‐ tale qui sera vite absorbée
Au Québec, le gouverne‐ ment Legault a choisi de ver‐ ser une somme de 500 $ aux citoyens gagnant moins de 100 000 $. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a plu‐ tôt choisi de verser une aide financière aux familles et aux personnes seules bénéfi‐ ciaires d’aide sociale.
Pour moi, ça va être 225 $, une petite goutte dans le seau ici [...], et 450 $ pour que les familles s'adaptent à cette chose, mais c'est une affaire unique, donc nous avons be‐ soin de plus d'aide du gouver‐ nement, lance Robert Mac‐ Kay.
Le premier ministre Blaine Higgs n’a pas complètement fermé la porte à une aide sup‐ plémentaire, sans toutefois prendre le moindre engage‐ ment en ce sens.