Radio-Canada Info

Survivre à crédit pour faire face à l’inflation

- Michel Corriveau

L’inflation place des mil‐ liers de personnes devant des choix déchirants. Ré‐ duire les dépenses pour ses besoins de base, ou avoir recours au crédit.

C’est ce que fait Robert MacKay, un prestatair­e d’aide sociale qui habite à Moncton au Nouveau-Brunswick. Il ne pourrait pas survivre sans avoir recours à sa ligne de cré‐ dit, une ligne de crédit qu’il a obtenue il y a plusieurs an‐ nées.

Ça me permet d'éviter de sauter du haut d'un pont si je puis dire, de ne pas avoir à vivre dans la misère absolue au jour le jour [...], donc ça me rend la vie supportabl­e comme ça, mais bien sûr, ça vient avec un coût et une cer‐ taine incertitud­e, confie Ro‐ bert MacKay.

C’est un peu intimidant pour moi de parler d’un sujet comme celui-ci pour des rai‐ sons évidentes, dit-il.

Mais Robert MacKay, qui est aussi coprésiden­t du Front commun pour la justice sociale, dit que le problème est répandu, et il accepte d’en parler dans l'espoir de faire changer les choses, reconnais‐ sant que la plupart des gens n’osent pas témoigner publi‐ quement.

Se nourrir est une pré‐ occupation majeure

Selon une récente étude de Statistiqu­es Canada, l’infla‐ tion a réduit la capacité de 3 Canadiens sur 4 à assumer les dépenses quotidienn­es comme le transport, le loge‐ ment, les aliments et l’habille‐ ment. Soixante-treize pour cent ont été affectés par cette hausse des prix dans leurs ca‐ pacités d’assumer leurs dé‐ penses quotidienn­es, confirme Lorraine Pineault, analyste à Statistiqu­es Cana‐ da.

Selon les données re‐ cueillies, il y a peu de varia‐ tions d’une province à l’autre.

Bien qu’on entende parler plus souvent des hausses du prix de l’essence, pour l’en‐ semble des citoyens cana‐ diens, c’est la hausse du prix des aliments qui est la plus préoccupan­te.

Il y a beaucoup de per‐ sonnes qui n’achètent pas l’es‐ sence, mais tout le monde doit manger.

Lorraine Pineault, analyste à Statistiqu­es Canada

Alors quand on pense comme ça, ce n’est pas vrai‐ ment une grande surprise, rappelle Lorraine Pineault.

La hausse du prix des ali‐ ments force aussi de plus en plus de gens à recourir aux banques alimentair­es. Un Ca‐ nadien sur cinq pense devoir recourir bientôt à une banque alimentair­e pour arriver à se nourrir.

Le quart des Canadiens emprunte pour des besoins de base

Statistiqu­es Canada a constaté que les citoyens ca‐ nadiens utilisent plusieurs moyens pour combler leurs besoins de base.

On tente de réduire les dé‐ penses de mille et une façons. Quarante-sept pour cent des gens achètent des produits de remplaceme­nt, ou des ar‐ ticles moins dispendieu­x. Quarante-cinq reportent leurs achats.

Mais on constate aussi que 27 % des gens ont re‐ cours au crédit, sous diverses formes, pour acheter nourri‐ ture et autres biens de pre‐ mière nécessité. Certains em‐ pruntent de l’argent à des amis ou des parents, ou ont recours au crédit accordé par des institutio­ns financière­s.

Selon Statistiqu­es Canada, ce sont d’abord et avant tout les ménages à faible revenu qui ont recours au crédit pour se nourrir. Il s’agit surtout de jeunes de 39 ans et moins, mais pas exclusivem­ent, et de ménages avec au moins un enfant.

En parallèle, un 30 % des personnes ont déclaré qu’elles épargnent moins, et 20 % qu’elles ne sont plus en me‐ sure d’épargner du tout. S’endetter pour survivre Robert MacKay, qui ne peut travailler en raison de di‐ vers handicaps, assure qu’il ne pourrait vivre avec les 590 $ qu’il reçoit chaque mois en aide sociale. Chaque mois, je peux ajouter 300 $ supplé‐ mentaires sur ma marge de crédit, chaque mois, parfois, 400, 500, cela dépend, parfois seulement une centaine, ex‐ plique-t-il.

Peu à peu, son endette‐ ment s’accroît, et évidem‐ ment, il doit payer les intérêts chaque mois.

Mais il n’est pas le seul dans cette situation. Plusieurs personnes n’osent parler pu‐ bliquement de ce qu’elles vivent, mais leurs défis n’en sont pas moins de plus en plus grands. Son cas, estime-til, n’est que la pointe de l’ice‐ berg.

Pendant que les ménages les plus pauvres s’appau‐ vrissent davantage, les insti‐ tutions financière­s en pro‐ fitent, selon Robert Mackay : les banques font des profits records même pendant cette forte inflation et tout le reste.

Une aide gouverneme­n‐ tale qui sera vite absorbée

Au Québec, le gouverne‐ ment Legault a choisi de ver‐ ser une somme de 500 $ aux citoyens gagnant moins de 100 000 $. Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick a plu‐ tôt choisi de verser une aide financière aux familles et aux personnes seules bénéfi‐ ciaires d’aide sociale.

Pour moi, ça va être 225 $, une petite goutte dans le seau ici [...], et 450 $ pour que les familles s'adaptent à cette chose, mais c'est une affaire unique, donc nous avons be‐ soin de plus d'aide du gouver‐ nement, lance Robert Mac‐ Kay.

Le premier ministre Blaine Higgs n’a pas complèteme­nt fermé la porte à une aide sup‐ plémentair­e, sans toutefois prendre le moindre engage‐ ment en ce sens.

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