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Toute une ville derrière son président d’acier

- Frédéric Arnould

Située à 6 heures de route au sud-est de Kiev, la capi‐ tale, Kryvyï Rih est l’un des poumons économique­s de l’Ukraine grâce à son indus‐ trie métallurgi­que.

Une ville qui ne peut renier son histoire minière. Il suffit de contempler les longues cheminées des nombreuses aciéries qui semblent défier le temps.

Certaines parties de cette longue ville ressemblen­t à des villages ruraux en ruines, avec des maisons en briques et des bâtiments aux allures nette‐ ment soviétique­s. Peuplée de plus de 600 000 habitants, la municipali­té a ce petit côté un peu gris des villes sidérur‐ giques, mais a aussi surtout cette volonté dure comme l’acier de se défendre pour sa survie.

Une forteresse métal‐ lurgique

Lorsque les Russes ont tenté de prendre la ville na‐ tale du président Zelensky avec une colonne de chars dans les premiers jours de la guerre, ils ont obtenu une ré‐ ponse typique d’une ville d’acier : la piste de l'aéroport a été bloquée par de gros ca‐ mions et la route menant à la ville voisine de Mykolaïv a été fermée grâce à des camions miniers géants, environ 40 mi‐ nutes avant l'arrivée d'un convoi russe.

Le genre de réaction qui ne surprend guère les rési‐ dents de Kryvyï Rih, des gens d’honneur, de parole et d’ac‐ tion, explique Sergey Milutin, tout comme l’enfant chéri de la ville, le président ukrainien, ajoute-t-il.

Il sait de quoi il parle, il a rencontré Volodymyr Zelens‐ ky pour la première fois à l'âge de 17 ans en 1996, alors qu’ils se mesuraient tous deux dans un concours populaire d'im‐ provisatio­n télévisée et d'écri‐ ture comique. Une compé‐ tition amicale que le futur pré‐ sident a remportée.

Un président très aimé Le solide gaillard, qui est devenu aujourd’hui le maire adjoint de la Ville, reconnaît les caractéris­tiques d’un homme qui vient d’une ville ouvrière. Pour être un bon leader, vous devez asseoir votre autorité et vous obtien‐ drez le respect; et c’est ce que le président a toujours fait au long de sa vie, d’abord dans son métier de comédien et ensuite de politicien.

Dans le quartier où le pré‐ sident ukrainien a grandi, le district 95, il suffit de pronon‐ cer le nom de Zelensky pour que les passants n’en disent que du bien.

Tetiana, une trentenair­e qui habite dans le quartier,

l’admire parce qu'à l’inverse d’autres présidents, Zelensky est resté au pays lorsque l'in‐ vasion russe a commencé. Il fait de son mieux dans cette guerre et je crois qu’il méritera un deuxième mandat après la fin de la guerre. Une guerre dont elle est persuadée que l’Ukraine sortira victorieus­e.

Et quand on demande à Vladlena, un jeune barbier de la ville, s’il trouve des défauts à son président, il répond né‐ gativement : Aucun, c’est une bonne personne. Il reconnaît lui-même que le patriotism­e en temps de guerre explique probableme­nt cette confiance aveugle dans son président.

Zelensky, étudiant co‐ mique et rassembleu­r

Pour en savoir davantage sur la personnali­té du pré‐ sident, un détour par l’univer‐ sité qu’il a fréquentée s’im‐ pose. Dans l’édifice de l’Insti‐ tut d’économie de Kryvyï Rih, le passage de Volodymyr Ze‐ lensky a marqué ses condis‐ ciples.

Andrii Shaikan se tient de‐ bout près d'un banc d’école en bois, tout de bleu royal peint, que l’école a conservé en l’honneur de l’acteur très connu d’abord et du pré‐ sident qu’il est ensuite deve‐ nu. Il se souvient de son col‐ lègue de cours de droit et de finance. Si vous regardez la personnali­té de Zelensky, cer‐ tains pensent qu’il est tou‐ jours en train de jouer la co‐ médie parce que c’est un ac‐ teur, dit-il. Or, c'est surtout gestionnai­re, en plein contrôle des affaires. Comme il l’était au temps de sa scolari‐ té ici. Et il avait un humour très subtil.

Même son de cloche de la part de la professeur­e Natalia Volosheniu­k qui a enseigné la finance et l’économie au jeune Volodymyr dans les an‐ nées 1990. Les qualités dont il faisait preuve à l'époque sont les mêmes aujourd'hui. Il se distinguai­t même dans ces jeunes années par sa décence, son honnêteté et son désir d'atteindre ses objectifs. C’était déjà un leader, car il sa‐ vait comment rassembler et unir le monde autour de lui.

Une ville ciblée par les Russes

Après avoir essuyé un échec il y a quelques se‐ maines dans sa prise de contrôle de la ville de Zelens‐ ky, la Russie pourrait essayer à nouveau de prendre cette ville et les ressources qu'elle produit, selon une rumeur persistant­e. Une menace qui n’effraie pas du tout les rési‐ dents. Ce serait un prix sym‐ bolique et stratégiqu­e pour le président russe Vladimir Pou‐ tine de capturer le lieu de naissance de son ennemi ukrainien.

À ce sujet, Oleksandr Vil‐ kul, chef de l'administra­tion militaire de la Ville, ne s'in‐ quiète pas trop. Avec son bonnet vert qui a la même forme que celui porté par une de ses idoles, Jacques-Yves Cousteau, il aime tracer la ligne de front actuelle entre l'Ukraine et la Russie, à une quarantain­e de kilomètres au sud de Kryvyï Rih. Personne ne peut dire qu’il est en sécu‐ rité aujourd’hui à cause de l’envahisseu­r russe, mais ici, en ville, nous avons des troupes prêtes à intervenir dans toutes les situations.

Vilkul est persuadé que son président, homme fort de son pays et de sa ville natale, réussira à mener ses troupes à la victoire. Il faut juste que les pays étrangers nous en‐ voient le plus vite possible des munitions et de l’équipe‐ ment militaire pour pouvoir mettre fin à la guerre.Quand en avez-vous besoin? lui de‐ mande-t-on. "Hier", répond-il sans ambages.

Malgré tous ces éloges, n’essayez pas de chercher une statue ou des affiches gran‐ deur nature du président à Kryvyï Rih. Même avec un soutien aussi indéfectib­le. Le géant barbu qu’est son col‐ lègue de concours, Sergey Mi‐ lutin, offre une réponse toute prête. Nous n’avons pas de statue à son effigie, mais nous avons quelque chose de plus cool encore, il est dans nos coeurs et il représente la fier‐ té de cette ville et de ce pays.

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