Centre aquatique de Rouyn-Noranda : les appels d’offres sont-ils attrayants?
Le type d’appels d’offres de la Ville de Rouyn-Noranda pourrait expliquer pour‐ quoi elle n’est pas arrivée du premier coup à obtenir des soumissions de firmes d’architecture et d’ingénie‐ rie pour la construction de son centre aquatique. La situation entraîne des re‐ tards dans l’avancement du projet.
Le 10 mai, la Ville a dû an‐ nuler l’appel d’offres pour les services d’une firme d’archi‐ tecture, faute de soumissions. Trois semaines plus tard, le 30 mai, l’administration muni‐ cipale a été forcée d’annuler l’appel d’offres visant à trou‐ ver une firme d’ingénierie, pour la même raison.
La directrice générale de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), Lyne Parent, confirme qu’un devis de per‐ formance peut être moins in‐ téressant à réaliser pour une firme d’architecture.
Souvent, [lorsqu’une per‐ sonne] va en architecture, c’est qu’on veut concevoir des bâtiments. [...] Les firmes ont le goût de concevoir, préparer les plans et devis définitifs. De faire le travail de A à Z. [...] De penser un bâtiment et de voir le résultat concret. C’est moins intéressant que de faire le travail au complet, souligne-t-elle.
Selon l’AAPPQ, les orga‐ nismes et entreprises peuvent s’y prendre autre‐ ment que par un devis de per‐ formance afin d’être plus at‐ trayants auprès des firmes d’architecture et de génieconseil. Pour ce qui est de l’entrepreneur général, celui-ci devrait être choisi une fois les plans et devis réalisés par les firmes.
Devis de performance
Un devis de performance, réalisé par une firme d’archi‐ tecture ou de génie-conseil, est un plan directeur avec les différents objectifs de son client en matière de construc‐ tion d’un bâtiment. De cette manière, le constructeur a des critères et objectifs bien éta‐ blis à suivre. L’entrepreneur général embauche par la suite une autre firme d’architecture et de génie-conseil afin de réaliser les plans et devis défi‐ nitifs.
Les contraintes de la Ville
La trésorière et directrice des services administratifs de la Ville de Rouyn-Noranda, Hélène Piuze, explique que le choix d’un devis de perfor‐ mance pour le centre aqua‐ tique est motivé par la sub‐ vention des gouvernements provincial et fédéral.
On doit s’en tenir aux ba‐ rèmes à l’intérieur de la sub‐ vention. L’un des plus impor‐ tants, c’est la convention fi‐ nancière. Dans ce cas-ci, la convention financière va être signée lorsqu’environ 90 % des sommes vont être enga‐ gées, précise-t-elle.
Hélène Piuze ajoute que la Ville a opté pour des devis de performance afin d’obtenir un portrait de la situation sans devoir attendre de longs dé‐ lais, notamment au plan fi‐ nancier.
Le fait d’aller en devis de performance devrait nous amener plus rapidement à avoir le coût de construction de notre site. Avec l’incerti‐ tude dans le marché, il est cer‐ tain qu’on veut avoir une idée des coûts tout de suite, es‐ time Mme Piuze.
Pénurie de maind’oeuvre
En mai, la mairesse sup‐ pléante de Rouyn-Noranda, Samuelle Ramsay-Houle, mentionnait que ce n’était pas la première fois que la Ville ait dû annuler un appel d’offres par manque de sou‐ missions. Elle ajoutait que la situation fait écho au manque de main-d'oeuvre qu’on voit un peu partout.
Le président-directeur gé‐ néral de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG), Bernard Bigras, est d’avis que la pénurie de main-d'oeuvre peut expliquer la difficulté pour les municipa‐ lités d’obtenir des soumis‐ sions de professionnels en in‐ génierie.
L’enjeu de la main-d'oeuvre est une réalité non seulement pour la conception des plans et devis, mais aussi au niveau de la surveillance des travaux, fait-il remarquer.
Bernard Bigras avance que les municipalités qui misent sur le plus bas prix possible lors du choix de l'octroi d’un contrat peuvent démotiver certaines firmes à déposer une offre.
L’enjeu de la qualité est fondamental. La très grande majorité des municipalités ont des règlements de ges‐ tion contractuelle qui misent sur le prix. Les firmes ne peuvent soumissionner si les projets se réalisent de façon déficitaire, signale le pré‐ sident-directeur général de l’AFG.
Dans le cas du centre aquatique, la Ville de RouynNoranda assure avoir établi une grille accordant de l’im‐ portance à la qualité des ser‐ vices d’une firme.
Des critères mal adap‐ tés selon l'AAPPQ
La directrice générale de l’Association des architectes en pratique privée du Qué‐ bec, Lyne Parent, invite les municipalités des régions éloi‐ gnées des grands centres à re‐ voir certains critères.
Un centre aquatique, lors‐ qu’on est en Abitibi, il s’en fait moins souvent que si on est dans le Grand Montréal. [...] C’est peut-être plus difficile pour certaines firmes de ré‐ gion de faire valoir des expé‐ riences pertinentes en centre aquatique, fait-elle observer.
La Ville de Rouyn-Noranda est sûre de recevoir des offres pour ses devis de perfor‐ mance en architecture et in‐ génierie.
Selon nos informations, la Ville a d’ailleurs reçu quelques soumissions pour son deuxième appel d’offres concernant le devis de perfor‐ mance en architecture. Le deuxième appel d'offres pour les services d’ingénierie se conclut quant à lui le 29 juin.
Lorsqu'annoncé en mai 2021, le projet était éva‐ lué à 20 millions de dollars. La participation totale de Qué‐ bec et Ottawa indiquée était de 12,4 millions de dollars.