La vague de licenciements dans le secteur des technologies ne submerge pas l’Alberta
De nombreuses entre‐ prises nord-américaines de technologie ont gelé leur recrutement et procèdent à des congédiements. Mais l’Alberta, qui compte beau‐ coup sur ce secteur pour se diversifier, semble être pour l’instant immunisée.
Le recrutement est encore la première préoccupation des entreprises de nouvelles technologies de Calgary, ex‐ plique la vice-présidente du centre d'innovation Platform Calgary, Jen Lussier.
La recherche de talents est le problème numéro un, nu‐ méro deux et numéro trois, s’amuse-t-elle.
Pour convaincre, elle n’a qu’à monter du doigt les gens qui l'entourent. Cet incuba‐ teur des entreprises de nou‐ velles technologies a organisé une foire d’emploi. Environ 2000 personnes se sont pres‐ sées aux stands d’une tren‐ taine d’entreprises. Toutes af‐ fichaient des panneaux : nous engageons et nous aimons les stagiaires.
La société Attabotics, qui se spécialise dans l’automati‐ sation des entrepôts, espère ajouter plus de 60 personnes à sa masse d’employés, soit 20 % de plus. Elle ne voit pas de fin à sa croissance.
Calgary a une culture d’in‐ novation et d’entrepreneuriat. Les gens travaillent fort et prennent des risques et nous le voyons aussi dans le sec‐ teur des technologies, estime l’un des directeurs d’Attabo‐ tics, Jeff Smithanik.
Licenciements au menu nord-américain
L’atmosphère à cet événe‐ ment contraste avec le climat de l’industrie à l’échelle nordaméricaine. Les exemples de congédiements se multiplient chaque jour aux États-Unis, mais aussi au Canada.
La compagnie de services financiers Wealthsimple a an‐ noncé le départ de 13 % de ses employés principalement dans les services de technolo‐ gie. L’entreprise vancouvé‐ roise Thinkific a congédié 20 % de ses travailleurs à la fin mars pour accroître son effi‐ cacité et diminuer ses coûts.
Selon un site Internet qui comptabilise les mises à pied dans le secteur : layoffs.fyi, près de 30 000 employés d’en‐ treprises émergentes ont été mis à la porte au deuxième trimestre de cette année, le plus grand nombre depuis le début de la pandémie. Et même des géants des nou‐ velles technologies comme Microsoft, Meta et Uber ont suspendu leur recrutement.
L'industrie des technolo‐ gies était tellement surchauf‐ fée. Il y avait tellement d'ar‐ gent d'investisseurs qui ren‐ traient dans l'industrie et le message était : "engagez, en‐ gagez, engagez". Puis tout à coup, le nouveau message des investisseurs, c'est : "assu‐ rez-vous d’avoir assez d’ar‐ gent pour survivre pen‐ dant 24 à 36 mois, si un gros problème arrive", explique Ni‐ colas Beique, le fondateur d’Helcim, une entreprise de paiement en ligne basée à Cal‐ gary.
Le président-directeur gé‐ néral de l'entreprise de cryp‐ tomonnaie Coinbase l'a avoué dans un courriel public à ses employés. Il est clair que nous avons trop engagé, a écrit Brian Armstrong. L'entre‐ prise a congédié 18% de sa masse salariale pour se prépa‐ rer à une récession qui pour‐ rait durer.
La jeunesse comme bou‐ clier
Si un ralentissement éco‐ nomique s'installe, l’Alberta aura du mal à y échapper, ajoute Nicolas Beique, mais le secteur des nouvelles techno‐ logies y est encore jeune.
C’est surtout des grosses sociétés [qui congédient], des entreprises qui ont engagé des milliers de gens et qui réa‐ lisent qu’elles sont allées trop vite. Mais quand tu penses à Calgary, les entreprises de technologies sont beaucoup plus petites. [...] Il y a encore beaucoup d’espace pour gran‐ dir, même si c’est un peu moins vite, ajoute-t-il.
L’une des directrices de l’entreprise de logiciels Avanti, Joanna Wynn, partage son op‐ timisme. La jeune femme a connu les montagnes russes de l’industrie pétrolière dans son ancienne carrière et elle s’attend aussi à des hauts et des bas dans le secteur des technologies, mais pas pour l’instant.
Il y a encore des tonnes d’occasions de croissance, souligne-t-elle. Nous avons réussi à lever 25 millions de dollars cette année, mais cela n’a pas changé notre fonc‐ tionnement. Nous faisons preuve de discipline dans notre recrutement et dans nos domaines de croissance.
Selon le Conseil de déve‐ loppement économique de Calgary, le secteur pourrait également être moins touché en Alberta parce qu’il se spé‐ cialise moins dans les nou‐ velles technologies, mais dans la numérisation d’autres sec‐ teurs.
Jenn Lussier voit encore de grandes occasions de crois‐ sance dans l’application des nouvelles technologies aux secteurs traditionnels de l’éco‐ nomie albertaine, à savoir l’agriculture et l’énergie.
Peut-être suis-je un peu trop convertie, mais je suis très optimiste, conclut-elle.