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Foresterie : 15 recommanda­tions pour surmonter les différends entre Québec et Manawan

- Marie-Laure Josselin

Une plus grande participa‐ tion des Atikamekw dans les activités forestière­s, des consultati­ons dès le dé‐ but et un meilleur système de redevances .... Ce sont quelques-unes des recom‐ mandations du comité mixte de travail sur la fo‐ resterie qui réunit le Conseil des Atikamekw de Manawan, le Conseil de la nation atikamekw et le gouverneme­nt québécois.

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs vient de rendre public le rapport, daté du 3 juin, qui doit, technique‐ ment, essayer de calmer le jeu entre les Atikamekw et le gou‐ vernement à propos de la gestion et l'aménagemen­t fo‐ restiers.

Car depuis quelques mois, Manawan a décidé de mettre un moratoire sur toutes les coupes, deux compagnies ont dû cesser les opérations lors de la dernière saison et un barrage empêche tout pas‐ sage aux forestière­s près du kilomètre 60 entre Saint-Mi‐ chel-des-Saints et Manawan.

Ces décisions ont été prises après que les chefs de territoire, responsabl­es de prendre les décisions sur leur territoire familial, aient fait part de leur ras-le-bol, d'abord à leur conseil puis au premier ministre du Québec. Ils re‐ prochent des consultati­ons bidons, un appétit vorace des forestière­s, la dévastatio­n de leur territoire, le non-respect des ententes mais aussi des redevances qu'ils qualifient de ridicules.

Un comité a alors été mis en place avec comme objectif de respecter davantage le mode de vie atikamekw dans l’aménagemen­t et la gestion territoria­le.

Une dizaine de rencontres et d’échanges se sont étalées entre la mi-mars et début juin.

Elles ont permis d’en arri‐ ver à ces 15 recommanda‐ tions qui se déclinent en trois parties : le processus de consultati­on, l’harmonisat­ion des usages et les droits sur le territoire, et enfin, les retom‐ bées économique­s liées à la gestion et à la mise en valeur des forêts pour la commu‐ nauté de Manawan.

Essentiell­ement, le comité recommande que les préoc‐ cupations et les enjeux identi‐ fiés par les Atikamekw soient davantage pris en compte. Par exemple, ils doivent être consultés avant tout plan d’aménagemen­t forestier et le processus de consultati­on doit être révisé.

Selon Manawan, l’écoute est trop tardive dans le pro‐ cessus et beaucoup trop par‐ cimonieuse pour prétendre saisir la vision complète des Atikamekw.

Le comité suggère notam‐ ment d’évaluer le finance‐ ment adéquat afin de per‐ mettre de réelles consulta‐ tions.

Manawan souhaite que ces dernières s’étalent sur un territoire de 20 000 km2 plu‐ tôt que les 11 000 km2 actuel‐ lement. Le MFFP va trans‐ mettre cette demande au Se‐ crétariat aux affaires autoch‐ tones, responsabl­e de cette partie.

Retombées miques

La question des rede‐ vances est aussi soulevée. Se‐ lon le rapport, la communau‐ té de Manawan reçoit environ deux millions de dollars par année via des contrats de réa‐ lisation de travaux sylvicoles, de permis pour la récolte de bois ou encore de finance‐ ment pour la participat­ion à la consultati­on sur les plans d’aménagemen­ts forestiers.

Or, l’industrie forestière paie au gouverneme­nt du Québec des redevances an‐ nuelles moyennes d’environ 16 millions de dollars pour le territoire de Manawan, est-il

écono‐

précisé par le comité mixte.

La communauté souhaite obtenir 40 % de la part de ces redevances. Le MFFP va donc transmettr­e aux ministères concernés cette demande.

De plus, Manawan souhai‐ terait obtenir un financemen­t suffisant pour permettre la constructi­on et l’opération d’une scierie, mais les recom‐ mandations sont vagues à ce propos et le comité propose que le MFFP explore, par exemple, les possibilit­és de transforma­tion locale de vo‐ lume de bois.

Un mécanisme de règle‐ ment des différends

En ce qui concerne les compagnies forestière­s, le MFFP exige d’avoir la liste des mesures d’harmonisat­ion ententes avec les familles, par exemple, pour leur offrir du bois ou entretenir des che‐ mins en compensati­on des travaux- avant de program‐ mer leurs opérations.

Le MFFP reconnaît, dans le document que les ententes privées prises à la pièce entre les industriel­s forestiers et les membres de la communauté peuvent créer de l'iniquité.

Le MFFP va devoir coor‐ donner un mécanisme de rè‐ glement des différends en cas de besoin et améliorer ses mécanismes de suivi et de contrôle des engagement­s des forestiers.

Mi-mai, le gouverneme­nt a sorti son enquête sur des coupes contestées dans une érablière d’une famille atika‐ mekw de Manawan. Même si elle a conclu à une responsa‐ bilité partagée entre le minis‐ tère des Forêts, de la Faune et des Parcs et la Scierie St-Mi‐ chel, aucune pénalité ni com‐ pensation ne sont prévues, ce qui a provoqué le méconten‐ tement de la famille.

La semaine dernière, le Conseil de la Nation atika‐ mekw (CNA) et celui des Atika‐ mekw de Manawan (CDAM) s’étaient déjà dits satisfaits de ces recommanda­tions. Mais ils avaient décidé de mainte‐ nir le moratoire sur les coupes de bois tant qu'il n'y a pas d'ententes formelles et concrètes pour la mise en oeuvre de ces recommanda‐ tions.

Un comité de mise en oeuvre et de suivi est prévu. La mise en place de ce proces‐ sus révisé de consultati­on et d'harmonisat­ion est program‐ mé pour avril 2023.

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