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Rappeur et soldat pour défendre l’Ukraine

- Frédéric Arnould

Dans l’un des quartiers de Kiev où l’art visuel s’ex‐ prime surtout par des mu‐ rales et des graffitis, Slava nous accueille dans son pe‐ tit appartemen­t. Sous le nom d'Otoy, il est l’un des plus célèbres rappeurs d’Ukraine. Un art qui lui permet presque d’en vivre et pour lequel il défend une certaine image.

Il y a beaucoup de mar‐ monnements dans le rap au‐ jourd’hui, mais cela ne devrait pas être le cas. Le rap, ça per‐ met de parler de la société et de ses problèmes, ça doit par‐ ler du combat contre les sys‐ tèmes.

Dans les vidéoclips qui illustrent ses chansons reven‐ dicatrices, vous ne trouverez pas de clichés de la culture bling-bling avec des filles pul‐ peuses parfois objectivée­s ni même de passion pour les armes à feu. Enfin, presque pas…

Oui, Slava possède une arme d’assaut semi-automa‐ tique de type AR-15, mais pour une raison bien diffé‐ rente : il est devenu récem‐ ment tireur d’élite dans l’ar‐ mée ukrainienn­e.

Nous avons tué des sol‐ dats lors de fusillades. C’était la première fois que je voyais le corps de l’ennemi. J’ai été dégoûté pendant toute une journée, mais après, c’est as‐ sez facile d’accepter les réali‐ tés de la guerre.

Slava, rappeur ukrainien qui monte au combat

Au déclenchem­ent de l'in‐ vasion russe, il s’est enrôlé dans le régiment Azov, célèbre pour sa défense acharnée de l'usine métallurgi­que Azovstal de Marioupol. Régulièrem­ent, il retourne sur le front. Main‐ tenant, on ramène les corps de nos soldats de Marioupol, mais aussi de Zaporiyja et d'autres zones de combat.

Il en a fait une chanson, Find My Country, qu’il a dé‐ diée à son frère toujours sur la ligne de feu. C’est la pre‐ mière chanson que j’ai écrite après le début de la guerre. Elle parle des sentiments que les soldats et les civils éprouvent en Ukraine.

Outre son engagement personnel au front, il organise des campagnes de finance‐ ment afin de récolter de l'ar‐ gent pour le régiment Azov.

L’engagement de rappeurs comme Slava dans le conflit n’est pas unique, explique Maksym Komliev, rédacteur en chef adjoint du magazine slukh.media. Certains de ces rappeurs sont devenus des guerriers sur le terrain et par‐ fois, quand ils reviennent du front, ils écrivent des chan‐ sons pour s’exprimer sur la guerre. nant.

Emil Lam, lui, n’est pas allé au front. Ce jeune rappeur d’une vingtaine d’années, qui est aussi ingénieur du son pour combler ses fins de mois, utilise son art pour dé‐ noncer l’invasion russe, même si cela ne lui rapporte pas grand-chose pour l’instant. En

C’est assez surpre‐

Ukraine, si tu veux faire de l’ar‐ gent avec ta musique, tu dois faire du commercial. Les ar‐ tistes undergroun­d, les rap‐ peurs qui font du hip-hop ou du old school, ce n’est pas qu'ils veulent de l’argent, c’est une question d’esprit.

Sous le nom de Cloudy Joint, il a écrit Kossak, l’his‐ toire d’un soldat russe qu’il veut défier en duel. Le rap‐ peur se décrit comme un membre des Cosaques, ces guerriers du 16e siècle, qui veut en finir avec l'invasion de Poutine. À défaut d’être au front, il est comme un soldat des mots. Le conflit l’a chan‐ gé, mais n'a pas modifié son style, avoue-t-il. Ma vie a changé peut-être, ma conscience aussi, mais pas mon rap; mon rap, c’est ma vie.

Slava, le rappeur soldat, af‐ firme comme bien des Ukrai‐ niens que son pays sortira vic‐ torieux, mais que la guerre se‐ ra très longue. Je ne sais pas quand va sortir mon nouvel album parce que je sers en‐ core mon pays pour l'instant. Peut-être à la fin de l’été ou l’automne prochain.

Probableme­nt entre deux opérations militaires qu’il mè‐ nera prochainem­ent avec le régiment Azov. Il espère en at‐ tendant que la communauté internatio­nale continuera d’être aux côtés de son pays.

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