La construction et la rénovation de 6000 logements sociaux en péril à Montréal
Une mésentente entre Québec et Ottawa concer‐ nant les paramètres d'un programme de finance‐ ment retarde la construc‐ tion et la rénovation de près de 6000 logements so‐ ciaux à Montréal. La mai‐ resse Valérie Plante sonne l'alarme dans une lettre envoyée au gouvernement Legault, dont Radio-Cana‐ da a obtenu copie.
La missive, envoyée le 24 mai dernier à la présidente du Conseil du Trésor et mi‐ nistre des Relations cana‐ diennes, Sonia LeBel, presse Québec de s'entendre avec Ottawa au sujet des para‐ mètres du Fonds national de co-investissement pour le lo‐ gement (FNCIL), créé en 2018.
Quatre ans plus tard, les deux gouvernements négo‐ cient toujours au sujet des « gabarits de base » qui vont régir l'octroi des fonds, qui proviennent des coffres du gouvernement fédéral, mais qui sont dépensés en habita‐ tion, une compétence provin‐ ciale. De nombreux projets de logements sociaux pour les‐ quels du financement a déjà été promis sont touchés.
Ces délais pèsent lourd et leurs impacts menacent mal‐ heureusement la viabilité ain‐ si que la réalisation de cer‐ tains projets à brève échéance.
Extrait de la lettre de Valé‐ rie Plante, mairesse de Mont‐ réal
Selon l'administration Plante, des projets visant la construction de 1207 loge‐ ments sociaux et la rénova‐ tion de 4700 unités dans la métropole n'ont pas encore reçu le financement annoncé dans le cadre du FNCIL et ne peuvent voir le jour en raison des discussions qui s'éter‐ nisent entre Québec et Otta‐ wa.
Ainsi, sans l'adoption pro‐ chaine de ces gabarits, les projets, qui doivent desservir une première cohorte de 383 ménages montréalais à faible revenu, ne pourront re‐ cevoir le versement du finan‐ cement du FNCIL, déplore la mairesse.
Valérie Plante affirme que la situation pourrait avoir une incidence marquée sur les fi‐ nances de certains projets de logements sociaux. Hélas, les délais encourus ont déjà des conséquences sur le niveau d'abordabilité des projets et entraînent, par exemple, des loyers et des coûts de finan‐ cement plus élevés.
Montréal réclame une en‐ tente rapide entre les deux gouvernements ainsi qu'un mécanisme de traitement ac‐ céléré pour certains projets qui doivent actuellement ob‐ tenir le feu vert de Québec, à la pièce, afin d'accéder aux fonds fédéraux.
À l'aube du 1er juillet et dans le contexte de crise du logement, il importe de régler rapidement la situation.
Extrait de la lettre de Valé‐ rie Plante, mairesse de Mont‐ réal
Appelé à commenter la lettre obtenue par Radio-Ca‐ nada, le vice-président du co‐ mité exécutif de la Ville, Be‐ noit Dorais, ne cache pas son exaspération, et qualifie la si‐ tuation de surréaliste et de ré‐ voltante. Il ne comprend pas pourquoi Québec et Ottawa sont incapables de s'entendre sur un processus qui accélére‐ rait l'octroi du financement.
Qu'on libère l'argent. Il faut trouver un mécanisme avec lequel l'argent va rapidement arriver dans les organismes, et puis que ça débloque. Après ça, ils s'entendront sur les virgules, lance-t-il. Les gens ne veulent pas savoir qui a tort et qui a raison. Ils veulent savoir que l'argent s'en vient.
Benoit Dorais fait valoir que les délais font grimper les coûts de construction, sur‐ tout dans le contexte infla‐ tionniste actuel, et que les lo‐ cataires finiront par éponger la facture. Si l'argent n'atterrit pas, les organismes n'auront pas le choix, les logements vont être plus chers.
Exaspération générali‐ sée
Le Fonds national de co-in‐ vestissement pour le loge‐ ment est doté d'un budget de 13,2 milliards de dollars sur 10 ans en prêts et en subven‐ tions visant la construction de 60 000 logements et la réno‐ vation de 240 000 unités au pays.
À l'extérieur du Québec, les fonds sont administrés par la Société canadienne d'hypo‐ thèques et de logement. Mais dans la province, les orga‐ nismes publics et les projets financés à plus de 50 % par Québec doivent obtenir l'ap‐ probation du gouvernement provincial pour recevoir le fi‐ nancement du FNCIL.
L'Association des groupes de ressources techniques du Québec a déterminé 12 pro‐ jets de logements sociaux dans la province pour les‐ quels il est « urgent » que le Conseil des ministres adopte un décret permettant de mettre la main sur les deniers fédéraux. Elle craint que ces décrets ne soient pas adoptés avant les élections provin‐ ciales du 3 octobre prochain.
L'organisme Bâtir son quartier, qui aide des orga‐ nismes et des coopératives à mener à bien leurs projets de logement, déplore aussi la mésentente entre les gouver‐ nements fédéral et provincial.
Ce qu'on souhaite, c'est que le Québec ne règle plus à la pièce et qu'on ait un règle‐ ment global.
Edith Cyr, directrice géné‐ rale de Bâtir son quartier
L'entreprise d'économie sociale gère plusieurs projets qui comptent sur le finance‐ ment du FNCIL, dont celui de la conversion de la Maison des Soeurs de Sainte-Anne, dans l'arrondissement de La‐ chine. Le projet de 270 loge‐ ments sociaux destinés aux aînés pourrait voir ses coûts grimper s'il n'obtient pas de financement fédéral.
Le groupe qui pilote le pro‐ jet devrait aller trouver d'autres subventions ou en‐ core contracter un prêt. Ou on augmente une fois de plus les subventions, puis là on commence à être à court de subventions, ou après ça c'est vers les loyers qu'on se tourne, et on ne veut surtout pas ça, dit Edith Cyr.