Équateur : le Parlement débat d’une procédure de destitution visant le chef de l’État
À l'initiative de l'opposi‐ tion, les députés équato‐ riens débattent samedi d'une procédure de desti‐ tution du président conser‐ vateur Guillermo Lasso, après presque deux se‐ maines de violentes mani‐ festations indigènes, contre la hausse du coût de la vie.
À la demande de députés soutenant l'ancien président socialiste Rafael Correa (20072017), le Parlement monoca‐ méral se réunira en soirée. Après les débats, les députés auront 72 heures pour voter. Une majorité de 92 voix sur 137 est nécessaire pour que la procédure de destitu‐ tion soit adoptée.
Même si l'opposition est divisée, elle est majoritaire dans le Parlement. Elle accuse le président Lasso d'être res‐ ponsable de la grave crise po‐ litique qui secoue le pays de‐ puis le 13 juin, avec des mani‐ festations et blocages de rue quotidiens.
Au pouvoir depuis un an, le président Lasso pourra prendre la parole devant les députés, même s'il n'a pas été précisé sous quelle forme, parce qu'ayant été récem‐ ment diagnostiqué positif à la COVID-19.
Près de 14 000 manifes‐ tants indigènes, dont 10 000 dans la capitale [Quito,] sont mobilisés dans l'ensemble du pays pour protester contre la hausse du coût de la vie et exiger notamment une baisse des prix des carburants, d'après la police.
Les violences ont fait six morts et des dizaines de bles‐ sés. Quito est en grande par‐ tie paralysée et ses accès blo‐ qués par de nombreux bar‐ rages routiers.
Le président parle de coup d'État
Le président a accusé ven‐ dredi le chef de la Confédéra‐ tion des nationalités indi‐ gènes (Conaie, puissant syndi‐ cat et fer de lance des mani‐ festations), Leonidas Iza, de vouloir renverser son pou‐ voir.
Le but de toutes ces vio‐ lences est de perpétrer un coup d'État.
Guillermo Lasso, président de l'Équateur
Il s'en est pris aussi au res‐ ponsable syndical en quali‐ fiant de criminelles ses ac‐ tions. Iza ne contrôle plus la situation. Il n'a plus aucun contrôle sur les manifesta‐ tions et la criminalité que ses actions irresponsables ont gé‐ nérées, a accusé le président qui a reçu récemment le sou‐ tien de l'armée.
Les accusations du pré‐ sident n'ont pas tempéré l'ar‐ deur des manifestants indi‐ gènes.
Samedi matin, des cen‐ taines de femmes indigènes ont organisé un rituel tradi‐ tionnel dans le nord de Quito, avant de défiler avec des slo‐ gans hostiles au gouverne‐ ment.
Le panier alimentaire de base est très cher et nos pro‐ duits agricoles [...] ne valent rien, a expliqué Miguel Taday, 39 ans, producteur de pommes de terre à Chimbora‐ zo.
Nous continuerons à nous battre ici, jusqu'aux dernières conséquences, a déclaré Wil‐ mer Umajinga, 35 ans, qui ma‐ nifeste dans la capitale depuis lundi.
À Quito, des habitants font part de leur lassitude face aux magasins fermés et aux pénu‐ ries de certains produits. Des contre-manifestations ont été organisées aux cris de Iza, de‐ hors!.
Les premières négocia‐ tions
Avant l'ouverture des dé‐ bats parlementaires, une pre‐ mière tentative de dialogue a eu lieu samedi à Quito entre manifestants indigènes et gouvernement équatorien, au treizième jour du mouvement de contestation contre la vie chère dans le pays.
Une réunion à laquelle ont participé Leonidas Iza, des di‐ rigeants d'autres organisa‐ tions indigènes et plusieurs ministres du gouvernement, sous les auspices du pré‐ sident du Parlement Virgilio Saquicela.
Nous avons demandé l'ou‐ verture d'un dialogue, a décla‐ ré à la presse M. Saquicela, à l'issue de cette rencontre de médiation, la première depuis le début des manifestations.
Ce dialogue a commencé, il n'y a pas eu d'engagement quelconque, mais simplement la décision de la Conaie […] de consulter sa base pour dési‐ gner une commission pour entamer ce dialogue.
Virgilio Saquicela, le pré‐ sident du Parlement de l'Équateur
Nous espérons que dans les prochaines heures, une commission sera mise en place et qu'ils pourront s'as‐ seoir à la table des négocia‐ tions. […] C'est un pas en avant, un début, a-t-il estimé.
Le gouvernement s'est montré ouvert au dialogue, pour lequel l'Église catholique, l'ONU et les universités ont proposé leur médiation, tou‐ jours selon M. Saquicela.