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Jusqu’à six mois pour obtenir des prestation­s d’assurance-emploi

- Sébastien Desrosiers

Au moment où Service Ca‐ nada est embourbé dans la crise des passeports, les dé‐ lais pour obtenir l’assu‐ rance-emploi augmentent aussi. Des chômeurs n’ont pas reçu un sou, plusieurs mois après avoir déposé une demande.

Les derniers mois ont été éprouvants pour Martin Courtemanc­he. À la suite d’une dépression l’été dernier, il a dû quitter son emploi le 6 décembre 2021. Il qualifie ce qui a suivi de spirale infernale.

Je suis au bout du rouleau, dit-il.

Plus de six mois se sont écoulés depuis le dépôt de sa demande d’assurance-emploi et il n’a toujours obtenu au‐ cun versement.

Il faut que je me pose des questions à savoir comment je vais payer mon loyer, mon épicerie, confie-t-il. J’ai la chance d’avoir un peu d’éco‐ nomies. J’ai loadé mes cartes de crédit. C’est comme ça qu’on réussit à survivre.

Les représenta­nts de Ser‐ vice Canada avec qui M. Cour‐ temanche a échangé lui ont d’abord expliqué que les dé‐ lais étaient attribuabl­es à la pandémie, avant de lui faire savoir qu’il manquait un do‐ cument dans son dossier, une cessation d’emploi de l’entre‐ prise pour laquelle il tra‐ vaillait.

Il a eu beau fournir les preuves demandées, appeler tous les vendredis, sans suc‐ cès.

Je finissais l'appel et j'avais juste envie de brailler. Ça avançait pas et je savais pas comment faire pour me sortir de là.

Des délais pour des mil‐ liers de Canadiens

Martin Courtemanc­he s’est finalement tourné vers le Mouvement Action-Chômage de Montréal. L’organisme lui vient en aide et confirme qu’il n’est pas la seule personne

dans cette situation.

C’est un chaos, image Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chô‐ meurs et chômeuses, qui oeuvre dans le domaine de‐ puis près de 40 ans.

Les retards, ç'a toujours fait partie [de l’équation], ditil. La bureaucrat­ie, c'est com‐ pliqué, on comprend pas tou‐ jours pourquoi, mais là ça prend des proportion­s qui sont extravagan­tes. On est un peu dans une situation qui est extrême.

Cas de vol d’identité

Le ministère de l’Emploi et du Développem­ent social in‐ dique qu’en date du 18 juin, 128 739 demandes de presta‐ tions d’assurance-emploi étaient en attente de traite‐ ment. Du 1er avril au 31 mai, la majorité d’entre elles – 71,8 % – se sont réglées en moins de 28 jours.

Mais le délai avant d’obte‐ nir un premier versement dé‐ passe trois mois pour plus de 20 000 Canadiens, selon des données obtenues par le Bloc québécois, en vertu d'une de‐ mande d'accès à l'informa‐ tion.

Est-ce qu'il manque de res‐ sources? Possibleme­nt. Ce qui est clair, c'est que les dossiers ne sont pas traités à temps, déplore Pierre Céré.

La ministre responsabl­e de Service Canada, Karina Gould, fait valoir que des cas plus complexes demandent des vérificati­ons et que de nom‐ breux cas de vols d’identité ont ralenti le processus. La si‐ tuation au Québec en particu‐ lier est le résultat d’une fraude dans le secteur privé, a-t-elle expliqué à Radio-Canada.

Les défis du télétravai­l Ce n’est pas un problème lié au nombre d’employés, si c’est ce que vous pensez, af‐ firme Judith Côté, vice-prési‐ dente nationale du Syndicat de l’Emploi et de l’Immigratio­n du Canada, une organisati­on qui représente des milliers de fonctionna­ires.

On n'a jamais eu autant d'employés qu'on en a en ce moment à Service Canada, puis pourtant, je pense qu'on a rarement été aussi ineffi‐ cace, estime-t-elle.

Près de 80 % de leurs membres qui oeuvrent à l’as‐ surance-emploi sont en télé‐ travail, ce qui présente des défis : les formations vir‐ tuelles sont fastidieus­es, il est plus difficile d’échanger des informatio­ns entre collègues et de nombreux problèmes informatiq­ues freinent les opérations.

On n’a jamais fait au‐ tant de temps supplémen‐ taire

Certains sont également appelés à soutenir leurs col‐ lègues ailleurs dans la fonc‐ tion publique. On a tous reçu un courriel nous demandant si on avait de l’expérience aux passeports pour aller prêter main forte, confie Judith Côté, en référence aux longues files d’attente de voyageurs an‐ xieux.

Elle invite d’ailleurs la po‐ pulation à faire preuve de res‐ pect.

Les employés travaillen­t vraiment fort, insiste-t-elle. On n’a jamais fait autant de temps supplément­aire.

Martin Courtemanc­he es‐ père que ce sera suffisant. Service Canada lui a appris au cours des derniers jours que sa demande avait été traitée et acceptée, mais il attend toujours les milliers de dollars qui lui sont dus.

Je me suis trouvé un nou‐ vel emploi la semaine passée. Je touche du bois, à date ça va bien. Je n'ai pas l'intention de lâcher ça pour retourner voir mes amis de l'assurance-em‐ ploi, conclut-il en riant.

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