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Trump a tout tenté pour se joindre aux émeutiers du Capitole, selon une ex-employée

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François Messier, Yannick Donahue

L'ex-président américain Donald Trump aurait tenté de s'emparer du volant de sa voiture de fonction après s'être fait dire qu'il ne pouvait pas se rendre sur le site du Capitole, alors que ses partisans, qu'il sa‐ vait armés pour certains, s'y dirigeaien­t pour prendre d'assaut le siège du Congrès, le 6 jan‐ vier 2021.

C'est ce qu'a affirmé Cassi‐ dy Hutchinson, une assis‐ tante de l'ex-chef de cabinet de M. Trump, Mark Meadows, lors d'un témoignage devant la commission d'enquête sur l'assaut du Capitole, qui tenait mardi une audition qui n'était pas initialeme­nt prévue à son horaire.

Je suis le foutu [fucking] président. Amenez-moi au Ca‐ pitole, aurait déclaré M. Trump en s'emparant du volant, selon les faits relatés à Mme Hutchinson dans les mi‐ nutes qui ont suivi cet événe‐ ment par l'adjoint de M. Mea‐ dows, Anthony Ornato.

L'histoire a été racontée à Mme Hutchinson par M. Or‐ nato à la Maison-Blanche, en présence du responsabl­e de la sécurité du président, Ro‐ bert Engel, qui avait été pris à partie. Ce dernier, qui avait re‐ fusé de suivre l'ordre du pré‐ sident, n'a pas rectifié les faits rapportés par M. Ornato, lais‐ sant croire à leur authentici­té.

Rapportant les propos d'Anthony Ornato, Mme Hut‐ chinson a aussi dit que Do‐ nald Trump se serait servi de son autre main pour contenir le chauffeur, la posant près de sa gorge pendant qu’il s’em‐ parait du volant de la limou‐ sine.

Monsieur, vous devez reti‐ rer votre main du volant, nous rentrons à la MaisonBlan­che, lui aurait répondu M. Engel.

Or, cette version a été contredite. En soirée mardi, le reporter de NBC News Peter Alexander a publié sur son compte Twitter qu’une source proche du Secret Service lui a révélé que deux témoins de la scène affirment le contraire.

Ainsi, selon ce qu'a rappor‐ té le journalist­e, Robert Engel et le chauffeur de la limousine sont disposés à venir témoi‐ gner sous serment, devant la commission, que le président ne s’est pas jeté sur le volant ni sur personne.

Le président républicai­n voulait se rendre au Capitole après s'être adressé à des par‐ tisans devant la MaisonBlan­che au moment où les ré‐ sultats de la présidenti­elle, qu'il avait perdue face au dé‐ mocrate Joe Biden, étaient sur le point d'être certifiés au terme d'un processus présidé par son ex-vice-président, Mike Pence.

Nous allons nous battre comme des diables. Et si vous ne vous battez pas comme des diables, vous n'aurez plus de pays! avait-il alors lancé à ses fidèles. Ces derniers ont ensuite pris d'assaut le Capi‐ tole devant des policiers dé‐ bordés qui n'ont pu contenir la foule.

Au courant de la pré‐ sence de gens armés

Tandis qu'un responsabl­e de la sécurité mettait en garde contre le fait que cer‐ tains manifestan­ts avaient des armes à feu ou encore des lances au bout de dra‐ peaux, Mark Meadows n'a presque pas réagi et a conti‐ nué à regarder son téléphone, a raconté Cassidy Hutchin‐ son.

Selon Mme Hutchinson, M. Trump était parfaiteme­nt au courant que certains de ses partisans étaient armés. Avant de prononcer son dis‐ cours, il s'était plaint que la foule venue l'entendre était trop clairsemée et il s'était fait dire que des gens refusaient d'entrer dans l'enceinte de fortune pour ne pas devoir se délester de leur arme à feu, comme c'était requis.

Je n'en ai rien à foutre [I don't fucking care] s'ils ont des armes. Ils ne sont pas ici pour me faire mal, a déclaré le président avant de s'adresser à la foule, selon Mme Hut‐ chinson. M. Trump voulait que la sécurité soit assouplie pour que les gens puissent s'approcher de sa tribune, même s'ils étaient armés.

Ils ne vont pas me blesser. Retirez les foutus [fucking] dé‐ tecteurs de métal. Laissez en‐ trer mes partisans [my people]. Ils peuvent marcher jusqu’au Capitole d’ici, aurait lancé Donald Trump, selon ses dires.

Cette jeune femme, qui travaillai­t à quelques pas seulement du bureau ovale, a dépeint un président qui se débattait dans la colère pour rester au pouvoir, prônant même l’usage de la violence et refusant de condamner les émeutiers.

À mesure que ses parti‐ sans en furie se dirigeaien­t vers le siège du Congrès amé‐ ricain, l’ancien président et son chef de cabinet n’ont pas semblé se soucier des appels à pendre Mike Pence, a-t-elle décrit.

Elle a cité son ancien supé‐ rieur voulant que M. Trump croit que Mike le mérite et, de surcroît, à propos des émeu‐ tiers, que le président ne pense pas qu’ils font quelque chose de mal.

D’après Donald Trump, la seule personne qui a mal agi cette journée-là était Mike Pence en ne le soutenant pas, a-t-elle affirmé à la commis‐ sion.

Des dangers connus Mme Hutchinson a aussi relaté que l'avocat de la Mai‐ son-Blanche Pat Cipollone voulait à tout prix éviter que le président Trump se dirige vers le Capitole. Nous allons nous faire accuser de tous les crimes qu'on peut imaginer, lui a-t-il dit le 3 janvier. Il faut s'assurer que ça ne se pro‐ duise pas. Ce serait une idée épouvantab­le.

D'ailleurs, il n'est pas le seul à l'avoir avertie, avant les événements, des dangers en‐ courus. Mme Hutchinson a déclaré que son patron Mark Meadows lui avait dit que les choses pourraient devenir très, très mauvaises le 6 jan‐ vier.

Lorsque la violence a écla‐ té au Capitole, le chef de cabi‐ net de Donald Trump n'a presque pas réagi, a déclaré Mme Hutchinson. Peu après l’entrée des premiers manifes‐ tants dans le Capitole, relatet-elle, l'avocat Pat Cipollone s’est précipité au bureau de M. Meadows pour réclamer une réunion d’urgence avec le président.

Le chef de cabinet lui au‐ rait alors répondu que le pré‐ sident ne voulait pas interve‐ nir. Le conseiller a répliqué : Mark, quelque chose doit être fait sinon des gens vont mou‐ rir et le sang sera sur tes fou‐ tues [fucking] mains, selon Mme Hutchinson.

L'avocat personnel du pré‐ sident Trump, Rudy Giuliani, lui avait plutôt dit quelques jours avant l'assaut du Capi‐ tole : Nous irons au Capitole. Ce sera super. Le président sera là. Il aura l'air puissant, at-elle déclaré.

À mon souvenir, c'est la première fois que j'ai eu peur et me suis sentie nerveuse à propos de ce qui pourrait se passer le 6 janvier, a ajouté Mme Hutchinson.

Elle a également informé la commission d'enquête que Mark Meadows et Rudy Giu‐ liani avaient manifesté leur in‐ térêt à obtenir un pardon pré‐ sidentiel relativeme­nt à leur implicatio­n dans les événe‐ ments du 6 janvier. Selon l'As‐ sociated Press, une source a nié que M. Meadows ait tenté d'obtenir un pardon.

Colère à la

Maison

Blanche

Un mois plus tôt, toujours incapable de faire infirmer le vote de l’élection présiden‐ tielle, Donald Trump aurait été pris de rage en lisant un reportage de l’Associated Press en prenant son repas.

L'article révélait que le se‐ crétaire à la Justice et procu‐ reur général des États-Unis, William Barr, avait reconnu publiqueme­nt ne pas avoir trouvé de preuve de fraude électorale qui aurait pu avoir un impact sur l’issue du scru‐ tin.

Mme Hutchinson raconte que le président républicai­n a été pris d’une terrible colère dans la salle à manger de la Maison-Blanche, si bien qu’il aurait lancé avec fracas son assiette sur un des murs de la pièce.

Ayant entendu du bruit, elle dit être descendue à la salle à manger et avoir constaté que des morceaux de porcelaine jonchaient le sol et qu'il y avait des coulisses de ketchup sur le mur.

Le valet, qui remplaçait la nappe de la table à manger, lui a confié que le président était extrêmemen­t fâché contre M. Barr et qu’il s’était emporté, causant ces dégâts. Une vaste enquête Depuis près d'un an, la commission d'enquête sur l'assaut du Capitole a enten‐ du plus de 1000 témoins, dont deux enfants de l'ancien président, et épluché 140 000 documents pour faire la lumière sur les faits et gestes précis de Donald Trump avant, pendant et après cet événement qui a fait trembler la démocratie améri‐ caine.

Les neuf élus qui en font partie – sept démocrates et deux républicai­ns rejetés par leur parti – déroulent depuis mi-juin, au cours d'auditions publiques, un récit plaçant Donald Trump et son entou‐ rage au coeur d'une tentative de coup d'État.

Vidéos et témoignage­s à l'appui, ils détaillent méticu‐ leusement les pressions exer‐ cées de toutes parts par le milliardai­re pour se maintenir au pouvoir, jusqu'à l'assaut du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021.

Le républicai­n, qui flirte ouvertemen­t avec l'idée de se représente­r à la présidenti­elle de 2024, dénonce avec véhé‐ mence les travaux de la com‐ mission, fustigeant tour à tour une parodie de justice et une chasse aux sorcières.

C'est tordu et faux, tout comme l'ensemble des tra‐ vaux de la commission, a-t-il écrit sur son réseau Truth So‐ cial.

Son parti, qu'il tient encore d'une main de fer, a d'ores et déjà promis d'enterrer les conclusion­s de cette commis‐ sion s'il venait à prendre les rênes de la Chambre des re‐ présentant­s aux législativ­es de mi-mandat, en novembre.

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