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Des trentenair­es en pleine introspect­ion dans la comédie dramatique Lignes de fuite

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Après avoir écrit Lignes de fuite pour le théâtre en 2019, Catherine Chabot a coadapté sa pièce pour le grand écran et coréalisé, avec Miryam Bouchard, cette comédie dramatique qui sort vendredi au ciné‐ ma. Mariana Mazza, Léane Labrèche-Dor et Catherine Chabot y jouent Sabina, Va‐ lérie et Audrey, trois tren‐ tenaires amies depuis le se‐ condaire dont les pre‐ mières retrouvail­les depuis un an vont faire renaître des tensions et des remises en question.

La question du futur est au coeur de Lignes de fuite, dont le titre désigne toutes les possibilit­és que l’on a à l’in‐ térieur de nous selon Cathe‐ rine Chabot. Quand elle a commencé à rédiger sa pièce primée en 2019 par l’Associa‐ tion québécoise des critiques de théâtre, l’actrice, scénariste et dramaturge était en plein questionne­ment devant la crise climatique et sociale. Où s’en va le monde? Est-ce qu’on peut changer collective­ment et saisir notre ligne de fuite collective?, explique-t-elle. Car, clairement, le cours ac‐ tuel des choses doit être re‐ pensé.

Sans apporter de ré‐ ponses, cette oeuvre explore donc les lignes de fuite de Va‐ lérie et son conjoint PaulÉmile (Mickaël Gouin), d’Au‐ drey et son amoureux (Maxime de Cotret) ainsi que de Sabina et sa blonde Amber (Victoria Diamond).

Les six personnage­s sont les six voix dans ma tête, ce sont mes lignes de fuite, pré‐ cise Catherine Chabot.

Portrait des trente‐ naires d’aujourd’hui

Écoanxiété, choix de vie personnels et profession‐ nels… Lignes de fuite fait écho aux interrogat­ions et préoccupat­ions de la généra‐ tion Y.

Léane Labrèche-Dor y in‐ carne une pigiste chroni‐ queuse culturelle à Radio-Ca‐ nada, qui cache ses failles der‐ rière un côté acerbe, amer et ironique.

Il y a un point de vue sur les gens de notre génération qui vont se barricader der‐ rière une espèce de bien‐ séance et de vertu, mais qui ne sont pas en synchronic­ité avec [leurs paroles], explique l’actrice.

Une grande faille de ma gé‐ nération est qu’on ne se per‐ met pas l’erreur passée ou fu‐ ture, alors on est juste dans les paroles, poursuit-elle. Et c’est là qu’on fait le plus grand nombre d’erreurs au final, personnell­ement et collective‐ ment. On est un peu à côté de la plaque.

La difficulté des amitiés de longue date à traverser le temps

Lignes de fuite aborde aussi le rapport que la généra‐ tion Y entretient avec l’amitié alors que la vie fait souvent prendre des chemins diffé‐ rents aux membres d’un même groupe, à l’image des trois protagonis­tes du film.

Je pense que ça va ouvrir les yeux sur l’amitié, estime Mariana Mazza, qui pense que sa génération tend à faire perdurer de vieilles amitiés qui n’ont plus trop de sens en raison de souvenirs com‐ muns.

Plus je vieillis et plus je me rends compte que ce n’est pas parce que j’ai été à l’école avec toi que tu es mon ami.

Pour elle, ce film parlera notamment aux filles qui vivent des amitiés féminines. Dans les groupes de filles, il y a de la jalousie cachée, des sous-entendus, des mesqui‐ neries, observe-t-elle. À la place de se dire en pleine face "je n’ai pas aimé ça", on re‐ foule et, à un moment donné, tu finis par le vomir, mais ça arrive toujours trop tard.

C’est d’ailleurs ce qu’a vécu Mariana Mazza dans sa vie personnell­e. Le tournage de Lignes de fuite l’a d’ailleurs poussée à mettre fin à son amitié avec deux personnes avec qui elle formait un trio dans lequel elle ne se sentait pas reconnue.

Le film m’est rentré de‐ dans, je rentrais ébranlée à la maison après les scènes, ra‐ conte-t-elle. La scène où j’ex‐ plose, c’est tout ce que j’aurais voulu dire à mes amies. Mariana Mazza

Un syndrome de l’impos‐ teur pour Mariana Mazza

Même si elle n’avait jamais échangé un baiser avec une fille avant d’embrasser Victo‐ ria Diamond pour les besoins du film, Mariana Mazza s’est grandement identifiée à Sabi‐ na, une femme qui vient d’un milieu modeste et qui réussit sa carrière. Cela n’a pas du tout été difficile de l’incarner, car je ne me suis pas sentie dans un personnage. Je suis allée chercher les bibittes les plus profondes de mon être, la petite fille rejetée dans un trio.

Pourtant, la comédienne et humoriste a nourri un sen‐ timent de l’imposteur pour la première fois de sa carrière, notamment car elle n’a pas passé d’audition pour décro‐ cher ce rôle.

Quand Catherine m’a dit : "c’est toi le personnage", je n’y croyais pas. Et quand j’ai vu le film, je me suis dit : "oui, c’est moi".

Catherine Chabot confirme que Mariana Mazza s’est imposée comme une évi‐ dence. Quand elle a lu le scé‐ nario, le personnage de Sabi‐ na était présent devant moi, se rappelle-t-elle.

Cela prenait une pres‐ tance, une sensibilit­é et une douceur pour ce personnage, ajoute-t-elle. Mariana Mazza livre une performanc­e extra‐ ordinaire [dans le film]. Elle va dans des émotions, on passe du rire aux larmes avec elle.

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