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Remplaceme­nt du test Pap : un décalage entre le politique et le terrain

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Des gynécologu­es de Qué‐ bec déplorent de ne jamais avoir été avisées du plan de Christian Dubé quant au déploiemen­t de tests VPH en remplaceme­nt des tests Pap alors que les retards accumulés dans le dépis‐ tage du cancer du col de l’utérus sont importants.

Un texte d'Alexane Dro‐ let

Le 31 mai dernier, le mi‐ nistre de la Santé et des Ser‐ vices sociaux, Christian Dubé, a annoncé que le test de dé‐ tection du virus du papillome humain (test VPH) serait of‐ fert à toutes les femmes de la province dès qu'elles ont 25 ans.

Cette journée fut une véri‐ table surprise pour la gynéco‐ logue et chercheuse Céline Bouchard. Nous n'avons pas du tout été mis au courant, nous les médecins sur le ter‐ rain, affirme-t-elle.

Une de ses collègues de la région, la Dre Isabelle Lé‐ vesque a également fut aussi surprise.

Les patientes arrivaient dans mon bureau le lende‐ main de l'annonce pour me demander si elles allaient avoir le nouveau test. Je leur apprenais que non. Il faut la mise en place de plusieurs choses et les laboratoir­es ne sont pas prêts à avoir un dé‐ bit comme ça, dit-elle.

La Dre Bouchard juge qu'elle et ses collègues de‐ vraient être les premiers infor‐ més d'un tel changement dans leur pratique. Elle ne s'attend pas à voir des résul‐ tats rapides dans les centres hospitalie­rs.

Le temps de déployer tout ça dans un système désorga‐ nisé comme nous avons ac‐ tuellement, ce sera très long.

Céline Bouchard, gynéco‐ logue et chercheuse

Elle croit que le déploie‐ ment pourrait prendre jus‐ qu'à plus d'un an.

Le test VPH est plus sen‐ sible que le test Pap, qui est actuelleme­nt utilisé pour dé‐ tecter le VPH et les lésions précancére­uses. Sans détec‐ tion, ces lésions peuvent me‐ ner au cancer du col de l’uté‐ rus, puisque le VPH est la cause de la quasi-totalité des cas de cancer du col de l’uté‐ rus.

Un projet pilote dans quelques mois

Selon la Dre Bouchard, près de 25 000 femmes de la région de Québec n'ont pas été dépistées en raison de la pandémie, seulement au cours de la dernière année.

Le ralentisse­ment de dé‐ pistage au cours de la pandé‐ mie et la lenteur dans l'im‐ plantation des nouveaux tests annoncés pourraient avoir des conséquenc­es graves pour des centaines de femmes au Québec.

J'informe mes patientes que malheureus­ement, elles doivent encore passer l'an‐ cien test Pap, qui est moins sensible. Il détecte 50 % moins de lésions, ajoute la Dre Bouchard.

Le gouverneme­nt affirme avoir toujours été clair depuis l'annonce que l'arrivée des nouveaux tests VPH pren‐ drait du temps.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux indique que l’ensemble des para‐ mètres de ce nouveau pro‐ gramme, de l'offre de dépis‐ tage jusqu'au diagnostic, de‐ vra être défini au cours des prochains mois avec un calen‐ drier d'implantati­on pour chaque étape.

Par ailleurs, avant de dé‐ ployer les tests VPH à l'en‐ semble du Québec, le gouver‐ nement souhaite réaliser un projet pilote dans quelques établissem­ents de santé.

Le ministère travaille ac‐ tuellement sur la nouvelle tra‐ jectoire clinique associée aux nouveaux tests. Cela nécessi‐ tera toute une réorganisa­tion des laboratoir­es de la pro‐ vince qui sont déjà fortement sollicités par les échantillo­ns de COVID-19.

Une protection à plus de 700 $

Outre le dépistage rapide, la vaccinatio­n est le seul moyen de prévention pour éviter des complicati­ons liées au VPH. Le seul vaccin dispo‐ nible est le Gardasil, mais une dose de ce dernier coûte

220 $ environ et il en faut trois pour assurer une protection maximale.

C'est très dispendieu­x et les femmes qui ont moins d'argent vont souvent refuser le vaccin parce qu'elles n'ont pas les moyens, regrette la Dre Bouchard qui souhaitera­it voir le médicament être cou‐ vert par la Régie de l'assu‐ rance maladie du Québec (RAMQ).

Sa collègue Isabelle Lé‐ vesque penche du même avis.

Le vaccin est notre princi‐ pale arme de prévention. Il faut qu'il soit accessible à tous.

Isabelle Lévesque, gynéco‐ logue

Les répercussi­ons du VPH se font majoritair­ement sentir chez les femmes de 30 ans et plus, puisque le programme de vaccinatio­n contre le VPH a été implanté en 2008 au Québec.

À ce moment-là, il était seulement administré aux jeunes filles du primaire, mais également du secondaire afin d'effectuer un rattrapage. Les plus vieilles à avoir reçu ce vaccin gratuiteme­nt en milieu scolaire sont aujourd'hui âgées entre 28 et 30 ans.

La Dre Céline Bouchard re‐ commande la vaccinatio­n pour les hommes et les femmes qui se jugent à risque de contracter le VPH. Elle donne en exemple, les di‐ vorces, les changement­s de partenaire­s sexuels fréquents.

À ce moment-là, le vaccin va très bien fonctionne­r à en‐ viron 98 %, affirme la gynéco‐ logue.

Briser les tabous

Les gynécologu­es constatent que le virus du pa‐ pillome humain est un tabou, principale­ment parce qu'il est transmis sexuelleme­nt. Pour‐ tant, 3 Canadiens sur 4 seront en contact avec le VPH dans leur vie.

75 % d'entre nous, c'est beaucoup. Donc il ne faut pas vraiment pénaliser ces femmes-là et leur dire qu'elles sont à part des autres, consi‐ dère la Dre Bouchard.

Une femme sur 168 qui se‐ ra infectée par le virus déve‐ loppera un cancer du col de l'utérus.

C'est hyper tabou, mais au moins, les patientes que l'on voit sont un peu plus infor‐ mées parce que leurs enfants au primaire se font vacciner, ajoute la Dre Lévesque.

Céline Bouchard remarque tous les jours l'impact psycho‐ logique d'un diagnostic, sur‐ tout chez les jeunes femmes.

Elles se sentent sales, elles se sentent vraiment à part des autres. Alors qu'elles ne sont pas à part des autres, elles sont dans la proportion de cas qui se manifesten­t et que l'on doit traiter, confie la docteure.

Si le virus est responsabl­e de la quasi-totalité des can‐ cers du col de l'utérus, il n'épargne pas les hommes. Pendant plusieurs années, la science ne permettait pas de confirmer que le VPH avait des répercussi­ons chez l'homme.

Maintenant, les médecins observent une augmentati­on des cancers de la gorge, reliés directemen­t au virus.

C'est pour ça que mainte‐ nant, les garçons se font vac‐ ciner à l'école en même temps que les filles, fait remarquer la Dre Bouchard.

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