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Stanley Février pointe du doigt l’invisibili­sation des artistes des minorités visibles

- L’exposition

Musée d’art ac‐ tuel / Départemen­t des in‐ visibles (MAADI) entend of‐ frir une vitrine à des ar‐ tistes qui souffrent d’une sous-représenta­tion au sein des institutio­ns cultu‐ relles. Cette installati­on iti‐ nérante de l’artiste multi‐ disciplina­ire Stanley Fé‐ vrier est présentée au Mu‐ sée des beaux-arts de Montréal (MBAM) jusqu’au 28 août 2022.

Stanley Février veut sur‐ tout activer la pensée critique pour s’attaquer aux causes profondes de l’exclusion sys‐ témique, aux déséquilib­res de pouvoir dans les arts et pour corriger les inégalités, tient-il à préciser en entrevue avec Eu‐ génie Lépine-Blondeau.

L’artiste veut aussi prouver au public qu’il existe un autre discours et une autre histoire artistique au Québec. Il en‐ tend également montrer aux musées que des artistes des minorités visibles accom‐ plissent des choses intéres‐ santes.

La notion d’invisibili­té dont je parle, c’est comment les structures institutio­nnelles invisibili­sent une partie de la population, que ce soit au ni‐ veau du genre ou de l’origine. Stanley Février La commissair­e invitée du MBAM Laura Delfino explique que pour Stanley Février, l’art est un outil de changement social. Avec le Musée d’art ac‐ tuel / Départemen­t des invi‐ sibles, il met en lumière l’ur‐ gence d’élaborer de nouvelles pratiques muséales afin de fa‐ voriser des relations équi‐ tables entre musées, artistes et publics, précise-t-elle par voie de communiqué.

25 artistes en vedette Dans cette exposition, on trouve des installati­ons, des sculptures, des photogra‐ phies, des peintures et des vi‐ déos de 25 artistes et ci‐ néastes : Muriel Ahmarani Jaouich, Shazia Ahmed, Tasha Aulls, Claudia Bernal, kimura byol-lemoine, Esther CalixteBéa, Jesús Castro Rosas, Cluca, CODE BLANC, My-Van Dam, Livia Daza-Paris, ClovisAlex­andre Desvarieux (dit Séadé), José Dupuis, Montser‐ rat Duran Muntadas, Maria Ezcurra, Wilman Gomez Ta‐ mayo, Maryam Izadifard, Joyce Joumaa, Anahita Norou‐ zi, Eliza Olkinitska­ya, Oski (Jo‐ seph Alex Olivier Vilaire), Emily Royer, Michaëlle Sergile et Va‐ nessa Suzanne. Le MAADI offre aussi des produits déri‐ vés.

Ces artistes ne sont pas tous et toutes des minorités visibles, mais ce sont des gens qui cultivent une certaine dif‐ férence. L’une d’elles, José Du‐ puis, est née au Québec. Elle a a étudié en théâtre et en art visuel. On n’a jamais su où la mettre et la classifier, ex‐ plique Stanley Février.

Une quête de longue ha‐ leine

Artiste québécois d’origine haïtienne, Stanley Février a profité de sa maîtrise à l’Uni‐ versité du Québec à Montréal pour étudier l’incidence de la couleur de sa peau sur sa car‐ rière. Il a analysé les musées, notamment le Musée d’art contempora­in (MAC) : Dans leurs collection­s, je voulais sa‐ voir où étaient situés des ar‐ tistes comme moi, venant d’ailleurs tout en étant québé‐ cois. J’ai découvert que sur une période de 50 ans, le MAC n’a acquis qu’une seule oeuvre d’un artiste noir.

Cette découverte l’a cho‐ qué. Puisque le mandat du musée est de conserver l’art québécois et canadien, il s’est demandé si on reconnaiss­ait les artistes des minorités comme faisant partie du Qué‐ bec et du Canada.

J’ai compris qu’il y avait une injustice profonde dans le système. Ma pratique artis‐ tique tourne autour de ça : ré‐ agir aux injustices.

Stanley Février

Toutefois, il précise que ce n’est pas une critique du MAC, mais une analyse qui a révélé des faits : Je ne dénonçais pas, mais j’exposais une réalité.

Après sa constatati­on, il s’est demandé où étaient les artistes des minorités visibles dans le réseau des musées. Stanley Février a fouillé les programmat­ions des galeries, des centres d’artistes et des musées. Il a aussi commencé à créer une collection d’oeuvres d’art par acquisitio­n. En tant que conservate­ur, il me fallait une collection. [...] Je voulais envoyer un message, car je n’ai pas de budget an‐ nuel, alors que les musées re‐ çoivent des subvention­s des contribuab­les. La population noire de Montréal participe, explique-t-il.

Une volonté de mobili‐ ser

Stanley Février aimerait mobiliser le milieu muséal et entamer des discussion­s afin de mettre en place des struc‐ tures pour changer les choses. Il faut que les commu‐ nautés artistique­s puissent avoir leur place au sein des institutio­ns, dit-il. Je ques‐ tionne aussi la notion de pou‐ voir.

Si Stanley Février veut faire bouger les choses, il ne veut pas qu’on le qualifie d’artiste engagé : Je travaille la réalité. Si vous voyez un enfant qui tombe, vous lui venez en aide. Je fais juste mon travail.

En juillet, Stanley Février sera présent au Musée les vendredis et les samedis, de 14 h à 17 h, et donnera vie à l’installati­on en jouant le rôle de directeur général et de conservate­ur en chef.

Stanley Février figure par‐ mi les artistes en lice pour le prix Sobey pour les arts 2022.

Ce texte a été écrit à partir de l’entrevue réalisée par Eu‐ génie Lépine-Blondeau, ani‐ matrice de l’émission C’est ma tournée. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté et de concision.

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