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La grande séduction de Terre-Neuveet-Labrador auprès des réfugiés ukrainiens

- Mathieu Papillon

L’appartemen­t est mo‐ deste. Mais pour Kateryna, Artem et Marharyta, ce de‐ mi-sous-sol de Saint-Jean n’est rien de moins qu’un refuge loin de la guerre qui dévaste leur pays, l’Ukraine. Et si ces trois jeunes au début de la ving‐ taine ont choisi de s’établir à Terre-Neuve-et-Labrador, c’est d’abord en raison du nom de la province.

La première chose qui m’est venue en tête, ce sont les chiens labrador, avoue Marharyta en riant. Cette ré‐ férence canine a été suffi‐ sante pour qu’elle entame les démarches qui ont mené les trois amis à bord d’un vol vers l’aéroport de Saint-Jean, le 9 mai.

Depuis leur arrivée dans la province, ce sont plutôt les mots Terre-Neuve qui prennent tout leur sens. Terre-Neuve, ça évoque un nouveau départ, un nouveau commenceme­nt. C’est proba‐ blement ce dont on a besoin, lance Marharyta.

Une province qui se dé‐ marque

Depuis le début de l’inva‐ sion russe, la mobilisati­on de Terre-Neuve-et-Labrador pour accueillir des réfugiés ukrainiens a été particuliè­re‐ ment vigoureuse. Le vol du 9 mai a été le premier à être nolisé par un gouverneme­nt au pays, devançant même ceux du gouverneme­nt fédé‐ ral. La province a aussi été la seule à ouvrir un bureau tem‐ poraire en Pologne pour mieux guider ceux qui ont fui l'Ukraine.

La situation des Ukrainiens est unique. Ils ont possible‐ ment besoin de plus d’aide que n’importe quel autre peuple. Alors, nous faisons notre part.

Gerry Byrne, ministre de l’Immigratio­n de Terre-Neuveet-Labrador

Cet effort s’explique aussi par l’objectif ambitieux que s'est fixé la province, dont la population est la plus vieillis‐ sante du pays : accueillir 5100 nouveaux arrivants par année d’ici 2026. On sait qu’en 2028 la moitié de notre population aura plus de 55 ans, explique Gerry Byrne. Et nous avons déjà de nom‐ breux postes vacants. Nous avons besoin de plus de jeunes pour que notre écono‐ mie soit prospère.

La solution de l’immigra‐ tion s’impose aussi pour Chris Evans, copropriét­aire du sa‐ lon de barbier Fogtown, à Saint-Jean. Le manque d’em‐ ployés qualifiés a été un pro‐ blème pour mon entreprise, admet-il. Heureuseme­nt, il a reçu, il y a quelques semaines, une candidatur­e rare et pré‐ cieuse : celle de Serhii Firsikov, qui avait de l’expérience comme barbier en Ukraine.

Depuis que les proprié‐ taires du salon de barbier ont annoncé l’arrivée de leur nou‐ veau collègue ukrainien sur les réseaux sociaux, les réac‐ tions ont été plus que posi‐ tives. Des Terre-Neuviens viennent même offrir des pourboires à Serhii, alors qu’ils ne sont pas ses clients.

J’ai rencontré ici beaucoup de bonnes personnes. Je di‐ rais que 9 personnes sur 10 sont de très bonnes per‐ sonnes.

Serhii Firsikov, d’origine ukrainienn­e

Une vague de soutien Ces démonstrat­ions de so‐ lidarité, on les voit un peu partout à Saint-Jean. Michelle

barbier

Delaney a par exemple accélé‐ ré les travaux de rénovation de son appartemen­t pour être en mesure d’accueillir Ka‐ teryna, Artem et Marharyta à leur arrivée au pays.

En les accueillan­t dans mon appartemen­t, je leur montre à quel point notre communauté et tous les Terre-Neuviens sont in‐ croyables, soutient Michelle. Parce que tout le monde mé‐ rite d’avoir un toit au-dessus de sa tête.

Des gestes profondéme­nt appréciés par ceux qui doivent repartir à zéro. On avait entendu dire que les gens ici étaient super gentils, dit Marharyta. Mais on ne s'attendait pas à ce qu’ils le soient autant.

L’un des meilleurs moyens de constater la générosité des Terre-Neuviens, c’est de jeter un oeil au groupe Facebook de soutien aux réfugiés ukrai‐ niens dans la province. Plus de 17 000 personnes en sont membres et jusqu’à une cin‐ quantaine d’offres, comme des emplois disponible­s ou des meubles à donner, y sont publiées chaque jour.

Notre hospitalit­é et notre générosité sont des grandes forces de la province, dit fière‐ ment Michael Holden, le créa‐ teur du groupe Facebook, qui espère que cet espace virtuel de générosité concernera bientôt l'ensemble des immi‐ grants, pas seulement ceux qui arrivent de l'Ukraine.

On espère que cette guerre va bientôt finir en Ukraine, explique-t-il, mais on voudra toujours accueillir qui‐ conque veut s’établir à TerreNeuve-et-Labrador. C’est l’ob‐ jectif à long terme.

Ceux qui, comme Serhii, ont pu profiter de cette ré‐ cente vague de solidarité es‐ pèrent d’ailleurs aussi que les prochains nouveaux arrivants de la province auront droit au même traitement. Parce que nous sommes tous humains et que nous avons tous par‐ fois besoin d’un coup de main, résume-t-il.

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