Boris Johnson jette l’éponge et annonce sa démission
Le premier ministre britan‐ nique Boris Johnson a an‐ noncé jeudi sa démission, mais en indiquant qu'il en‐ tend demeurer à la barre du gouvernement jusqu'à ce que le Parti conserva‐ teur se choisisse un nou‐ veau chef.
Le départ annoncé de M. Johnson, en poste depuis moins de trois ans, donne le coup d'envoi de cette course à la direction, qui devrait se dérouler sur quelques mois. Les modalités exactes seront dévoilées la semaine pro‐ chaine.
Je sais que beaucoup de gens seront soulagés [par ma démission] et peut-être que quelques-uns seront aussi dé‐ çus. Je veux vous dire à quel point je suis triste d'abandon‐ ner le meilleur emploi au monde.
Boris Johnson, premier mi‐ nistre britannique démission‐ naire
La chute du coloré premier ministre, rendue inévitable par une vague de démissions au sein de son Cabinet, sur‐ vient à peine deux ans et de‐ mi après qu'il eut dirigé ses troupes à une éclatante vic‐ toire aux élections législatives.
Un premier candidat se lance dans la course
Le député britannique conservateur Tom Tugendhat a annoncé jeudi soir qu'il se lançait dans la course pour succéder à Boris Johnson, ou‐ vrant ainsi le bal des candida‐ tures depuis l'annonce de la démission du premier mi‐ nistre.
Dans une tribune publiée dans le Daily Telegraph, M. Tugendhat, chef de la com‐ mission des Affaires étran‐ gères au Parlement, a confir‐ mé son intention déjà expri‐ mée auparavant, expliquant vouloir rassembler une large coalition pour un nouveau départ.
Je veux dire aux millions de personnes qui ont voté pour nous en 2019 [...] : merci pour ce mandat incroyable, avec la plus importante majorité conservatrice depuis 1987, et la plus importante part du vote depuis 1979, a déclaré le premier ministre lors d'une brève allocution devant sa ré‐ sidence officielle du 10, Dow‐ ning Street.
La raison pour laquelle je me suis battu si fort ces der‐ niers jours pour continuer de remplir ce mandat, ce n'était pas seulement parce que je le voulais, mais parce que je sen‐ tais que c'était mon travail, mon devoir, mon obligation, de continuer à faire ce que nous avions promis en 2019.
Boris Johnson, premier mi‐ nistre britannique démission‐ naire
La démission fracassante mardi soir des ministres des Finances et de la Santé, Rishi Sunak et Sajid Javid, suivie par celles de dizaines d'autres membres du Cabinet et de responsables au sein du gou‐ vernement, a sonné le glas pour M. Johnson.
Mercredi soir, le premier ministre résistait toujours obstinément aux pressions en faveur de son départ qui se multipliaient, en arguant qu'il devait remplir le mandat que lui avaient confié les élec‐ teurs. Les démissions qui se sont poursuivies ont cepen‐ dant fini par avoir raison de lui.
Plusieurs de ces ministres ont été remplacés par M. Johnson avant l'annonce de sa démission. Le premier mi‐ nistre a d'ailleurs réuni son nouveau Cabinet jeudi aprèsmidi. Au terme de la réunion, Downing Street a indiqué que M. Johnson y a fait savoir qu'il laisserait à son successeur les décisions budgétaires ma‐ jeures.
L'instinct de meute est puissant
En confirmant sa démis‐ sion, Boris Johnson a convenu que personne n'est indispen‐ sable en politique et que le système politique darwinien allait forcément désigner un successeur, mais il n'a pu dis‐ simuler une pointe d'amer‐ tume en évoquant le tumulte des derniers jours.
Je regrette de ne pas avoir remporté ce débat et, bien sûr, il est douloureux de ne pas pouvoir mettre en oeuvre ces idées et ces projets moi
même. Mais comme nous l'avons vu à Westminster [siège du Parlement, NDLR], l'instinct de meute est puis‐ sant, et quand la meute bouge, elle bouge.
Boris Johnson, premier mi‐ nistre britannique démission‐ naire
Le principal legs politique de Boris Johnson sera, sans contredit, d'avoir concrétisé le Brexit, dont il avait été un des plus farouches partisans, après des mois d'échecs dans les négociations menées par sa prédécesseure, Theresa May, et d'avoir négocié un ac‐ cord de divorce avec l'Union européenne.
Son règne aura cependant été marqué par de nombreux scandales, notamment celui du partygate, concernant les fêtes au 10, Downing Street auxquelles il a participé, alors que les Britanniques étaient tenus de respecter des règles sanitaires strictes en raison de la COVID-19.
Dans ce dossier, comme dans d'autres, M. Johnson au‐ ra souvent plaidé l'innocence, avant d'être contraint d'ad‐ mettre qu'il avait bel et bien fauté, quitte à s'excuser pro‐ fusément, soulevant des questions de plus en plus in‐ sistantes sur sa crédibilité et ses qualités de leader.
Le dernier scandale qu'il l'a emporté s'inscrivait dans cette tendance : après avoir affirmé ne pas avoir su qu'un whip adjoint qu'il a nommé en février était soupçonné d'inconduite sexuelle, il a dû faire marche arrière et ad‐ mettre qu'il en avait été dû‐ ment informé.
M. Johnson avait survécu le mois dernier à un vote de défiance, mais 40 % des dépu‐ tés conservateurs avaient re‐ fusé de lui accorder leur confiance. Il était en théorie à l'abri d'un nouveau vote pen‐ dant un an, mais le comité conservateur responsable des règles du parti était sous pres‐ sion pour en organiser un se‐ cond à brève échéance.
Réagissant au départ du premier ministre qui avait été ébruité par la BBC, le chef de l'opposition travailliste, Keir
Starmer, avait dit y voir une bonne nouvelle.
Mais nous n'avons pas be‐ soin d'un changement à la tête des Tories. Nous avons besoin d'un vrai changement de gouvernement, a-t-il fait valoir, menaçant d'organiser un vote de défiance à la Chambre si M. Johnson restait au pouvoir. Il doit partir com‐ plètement, avait-il insisté.
Quel successeur pour Johnson?
Les médias britanniques regorgent également de pro‐ pos de députés conserva‐ teurs qui doutent de la capa‐ cité de M. Johnson à mener les troupes conservatrices pour encore des mois à la Chambre des communes et qui auraient préféré qu'un lea‐ der intérimaire soit désigné.
L'ex-premier ministre conservateur John Major a notamment émis des doutes sur le bien-fondé d'agir de la sorte, dans une lettre qu'il a rendue publique. Il y fait va‐ loir qu'il serait malavisé et peut-être insoutenable que M. Johnson demeure chef du gouvernement pour une pé‐ riode qui pourrait durer trois mois.
Pour le bien-être du pays, M. Johnson ne devrait pas res‐ ter à Downing Street – alors qu'il est incapable d'avoir la confiance de la Chambre des communes – plus longtemps que nécessaire pour assurer une transition en douceur.
John Major, ex-premier mi‐ nistre britannique
Selon un sondage YouGov, 77 % des Britanniques pensent que Boris Johnson a eu raison de démissionner et 56 % veulent que l'intérim soit assuré par quelqu'un d'autre.
Jusqu'à nouvel ordre, les règles du Parti conservateur prévoient une course au lea‐ dership se déroulant en deux temps, dans le cadre d'un processus qui devrait norma‐ lement aboutir à l'automne.
Il revient d'abord aux membres du caucus de sélec‐ tionner les deux candidats qui pourront se battre pour le poste au terme d'une série de scrutins éliminatoires. Les membres du parti doivent en‐ suite faire leur choix lors d'un vote postal.
Pour l'heure, seule la pro‐ cureure générale pour l'Angle‐ terre et le Pays de Galles, Suel‐ la Braverman, a ouvertement déclaré son intention de bri‐ guer la chefferie du parti.
Les ministres démission‐ naires Shiri Sunak et Savid Ja‐ vid font aussi partie des favo‐ ris, tout comme la ministre des Affaires étrangères, Liz Truss, le ministre de la Dé‐ fense, Ben Wallace, et l'ancien ministre des Affaires étran‐ gères Jeremy Hunt, relégué aux banquettes d'arrière-ban après avoir terminé deuxième lors de la course au leadership remportée par M. Johnson.
Selon des médias britan‐ niques, Michael Gove, ex-se‐ crétaire d'État à l'Égalité des chances congédié mercredi par M. Johnson, ne sera pas de la course, tout comme Do‐ minic Raab, ministre de la Jus‐ tice et vice-premier ministre. Certains députés conserva‐ teurs souhaitent que M. Raab agisse comme leader intéri‐ maire en attendant l'élection d'un nouveau chef.