Ces métiers de l’ombre très en demande dans l’industrie du cinéma
La vague de tournages continue de déferler sur l'Alberta au point que cer‐ taines professions de l'ombre sont submergées de demandes. Le manque de personnel qualifié risque de ralentir le sec‐ teur.
Je suis très, très occupé au point de refuser des contrats les uns après les autres, avoue Jason Nolan. Ce qua‐ dragénaire, originaire d’Otta‐ wa, est repéreur pour l’indus‐ trie du cinéma, un métier peu connu du grand public.
Il explore l’Alberta pour trouver des lieux et paysages atypiques qui plairaient aux réalisateurs de prochaines productions.
Je conduis près de 40 000km par an, avoue Jason Nolan au volant de sa voiture. Ce matin-là, il se dirige vers les montagnes à l'ouest de Calga‐ ry. Sur la banquette arrière, son sac est rempli d’appareils photo et d’accessoires.
Son bureau, c’est la nature. Quand des producteurs lui envoient des scénarios, il les étudie avant de partir sur les routes pour prendre des cli‐ chés d’endroits qui colleraient avec l’histoire. Si ses photos sont convaincantes, il y a de fortes chances que le film se fasse en Alberta.
J’ai les laissez-passer de tous les parcs nationaux et provinciaux. Je suis en contact avec beaucoup de fermiers et de Premières Nations. Chez moi, j’ai un pot avec une cen‐ taine de clés qui ouvrent des portails et des barrières. L'Al‐ berta a une variété de pay‐ sages idéaux pour répondre à toutes les demandes, dit-il.
La série The Last of Us, le film Le revenant avec Leonar‐ do DiCaprio… Jason Nolan en‐ chaîne les gros projets améri‐ cains à plusieurs millions de dollars.
Selon lui, le nombre de tournages en Alberta a été multiplié par quatre en dix ans et leur budget ne cesse de grossir, tout comme les exigences. La province ne compte cependant que six re‐ péreurs expérimentés, trop peu pour répondre à la de‐ mande actuelle.
Attirer les tournages
Ce manque de talents risque de gêner le boom de l'industrie, craint-il. Si les pro‐ ductions ne trouvent pas de personnes qualifiées, elles risquent d’embaucher hors de la province ou d’aller filmer ailleurs.
Cette hypothèse peut être un problème pour le secteur et pour la province qui profite des retombées économiques des tournages. L'industrie du cinéma a généré 560 millions de dollars de retombées di‐ rectes sur l'économie alber‐ taine en 2021. Un montant qui a doublé en seulement deux ans.
Les espoirs sont si grands qu’en 2021, le gouvernement de Jason Kenney a retiré un plafonnement qui limitait les productions à un crédit d’im‐ pôt maximal de 10 millions de dollars.
Près d’un tiers des impôts et taxes payées sur les sa‐ laires et les dépenses sont ainsi remboursés par le gou‐ vernement, à condition qu’au minimum 60 % des coûts aient lieu en Alberta ou qu’au moins 70 % des salaires soient versés à des Albertains.
Ce geste incitatif nous a permis d’être compétitifs na‐ tionalement et internationale‐ ment, avoue Luke Azevedo, commissaire à la cinémato‐ graphie au Conseil du déve‐ loppement économique de Calgary et responsable d’atti‐ rer les capitaux étrangers.
Pour créer un écosystème mettant l’Alberta sur le de‐ vant de la scène, nous devons avoir plus de talents locaux à faire travailler, ajoute-t-il. Si nous ne les avons pas, nous ne pouvons pas attirer les studios.
Effets secondaires de la pandémie
Les protocoles sanitaires d’après-pandémie ont relancé l’activité sur les plateaux, mais ont créé un nouveau pro‐ blème : le recrutement. On ne peut pas ramener les sta‐ giaires sur les plateaux à cause des stricts protocoles en place, explique Gerry Dub‐ bin, superviseur de scénario et formateur.
C'est pourtant une étape indispensable pour qu'ils aient leur certification profes‐ sionnelle et qu'ils travaillent. C'est le serpent qui se mord la queue, résume-t-il.
Repéreur, superviseur de scénario ou décorateur... plu‐ sieurs professions spécialisées vivent le même problème.
Pas d'expérience, pas de contrat
Une solution serait un changement de mentalité, se‐ lon Damian Petti, président de la section locale 212 de l'Al‐ liance internationale des em‐ ployés de la scène, du théâtre et du cinéma.
Nos nouvelles recrues for‐ mées et disponibles ont du mal à décrocher des contrats parce que les producteurs ne veulent engager que des gens avec de l'expérience. Il faut qu’on leur fasse comprendre qu’ils peuvent leur faire confiance, dit-il.
Luke Azevedo assure que les problèmes de personnel se régleront avec le temps. Il compte travailler avec les ins‐ titutions postsecondaires pour que plus de vocations se créent chez les jeunes.
Calgary veut rattraper son retard face à Toronto et Van‐ couver qui attirent pour l'ins‐ tant plus de productions. La ville albertaine est en bon chemin, mais sans les talents nécessaires, son avenir est li‐ mité.