Radio-Canada Info

En corps, un film sur la danse par le réalisateu­r de L’Auberge espagnole

-

Vingt ans après L’Auberge espagnole, le réalisateu­r français Cédric Klapisch poursuit sa mission de pro‐ poser un cinéma thérapeu‐ tique avec son 14e long mé‐ trage, En corps. Mettant en scène des danseurs et des danseuses de haut niveau, le film suit l’histoire d’une jeune ballerine qui voit sa vie de rêve bouleversé­e par une blessure.

En corps retrace le par‐ cours d’Élise, une danseuse de ballet classique de 26 ans vouée à un avenir brillant, mais dont les rêves s’écroulent à la suite d’une blessure à la cheville. Elle re‐ trouvera son élan de vie entre Paris et la Bretagne, grâce à ses proches et sa rencontre avec une troupe de danse contempora­ine.

Ce film habitait les pen‐ sées de Cédric Klapisch depuis plusieurs années, lui qui connaît très bien le milieu de la danse. Depuis le début de sa carrière, le réalisateu­r a tourné de nombreuses capta‐ tions de spectacles de danse, des documentai­res sur le su‐ jet et s’est lié d’amitié au fil du temps avec certains des plus grands talents de l’industrie.

Le réalisateu­r n’a donc pas eu trop de difficulté à trouver la distributi­on de son nou‐ veau film. Après avoir passé en audition une quarantain­e de candidates, c’est Marion Barbeau, première danseuse de l’Opéra de Paris, qui s’est imposée pour le rôle principal du film.

Il tenait aussi à travailler avec Hofesh Shechter, dan‐ seur, chorégraph­e et batteur israélien de renommée inter‐ nationale qui joue son propre rôle dans le film. Il a un côté rock, je dirais, un côté très brutal, animal dans sa façon de danser, ce qui fait que c'est très humain, explique Cédric Klapisch.

En corps a connu un suc‐ cès inattendu en France de‐ puis sa sortie le 30 mars der‐ nier. Malgré un achalandag­e anémique dans les salles de cinéma de l'Hexagone dans les deux dernières années, le film a déjà rallié plus de 1,3 millions de cinéphiles.

Un portrait de la danse aux antipodes de Black Swan

Avec En corps, Cédric Kla‐ pisch a voulu faire tomber les idées préconçues sur la danse, autant classique que contempora­ine. Pour plein de gens, c’est soit ridicule, soit très aristocrat­ique. Il y a un décalage entre ce qu’on s’ima‐ gine de ce milieu-là et la réali‐ té des gens qui pratiquent la danse, affirme-t-il.

Le réalisateu­r souhaitait également s’éloigner du côté très rigide, voire militaire de la danse dépeint dans des films comme Le cygne noir (Black Swan) de Darren Aronofsky. S’il admet que c’est un art qui est rude sur le corps et qui de‐ mande énormément de disci‐ pline, il tient à rappeler que les danseurs et les danseuses le pratiquent d’abord par plai‐ sir.

Des films comme Black Swan ont beaucoup véhiculé l’idée de la souffrance, de la ri‐ valité. Je filme de la danse de‐ puis 20 ans et j’ai plus vu de complicité entre les danseurs que de rivalité. On ne peut pas être danseur sans avoir du plaisir à danser, résume-til.

Le film aborde donc le cô‐ té lumineux de la danse, et sa capacité, comme d’autres formes d’art, à nous sortir de nous-mêmes et à nous aider à traverser les épreuves de la vie.

Depuis le début de sa car‐ rière, le réalisateu­r s’efforce d’ailleurs de faire des films ré‐ confortant­s et inspirants; un certain acte de résistance à une époque difficile et em‐ preinte de cynisme.

Une filmograph­ie théra‐ peutique

Cette mission imprègne toute l'oeuvre de Cédric Kla‐ pisch, une particular­ité qui s’inscrit selon lui à contre-cou‐ rant de la mentalité française. On a un esprit négatif en France; on juge beaucoup, on est très critiques. Le côté uplifting, qui arrive à donner de l’enthousias­me, c’est un truc qui n’est pas très présent, explique-t-il.

L’une des fonctions du ci‐ néma est de fabriquer non pas du bonheur, mais un es‐ poir qu’on puisse traverser les épreuves et s’en sortir un peu mieux. Je trouve que la vie est dure. Le cinéma est fait pour nous aider à la traverser.

En corps est également un témoignage de l’idée selon la‐ quelle on peut avoir plusieurs vies, comme Élise, protago‐ niste du film, qui doit se re‐ construire après son accident. Cédric Klapisch a lui-même connu ce parcours, lui qui a abandonné un rêve de car‐ rière olympique à 18 ans.

De 11 ans à 18 ans, j’ai fait du saut à la perche. Au mo‐ ment où j’ai arrêté de faire du sport, j’ai eu l’impression de changer de vie. Je rêvais d’aller aux Jeux olympiques. Ce rêve s’est éteint, mais, c’est ce que j’explique dans le film, on peut déplacer nos rêves, conclut-il.

Le film En corps prendra l’affiche le 15 juillet au Qué‐ bec, avec une première au Ci‐ néma Beaubien le 11 juillet. Entre-temps, Cédric Klapisch continuera le montage de sa série Salade grecque, dérivée de la trilogie amorcée en 2002 avec L’Auberge espagnole. La série sera offerte sur Prime Vi‐ deo.

Ce texte a été écrit à partir d'une entrevue réalisée par Eugénie Lépine-Blondeau, animatrice de l'émission C'est ma tournée. Les propos ont pu être édités des fins de clarté ou de concision.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada