Une interface de Facebook maintenant disponible en inuktitut
Il est désormais possible d’apposer un « piugijara » plutôt qu’un « j’aime » sur des publications sur Face‐ book. Le géant du web a lancé vendredi une nou‐ velle interface traduite en inuktitut, un dialecte de l'inuktut, la langue inuit, quatre ans après en avoir fait l’annonce.
Meta a collaboré avec Nu‐ navut Tunngavik (NTI), l’orga‐ nisme représentant les Inuit du Nunavut, pour mettre en branle la traduction de l’inter‐ face.
C’est un pas très important pour donner une place à l’in‐ uktut sur les réseaux sociaux, affirme la présidente de NTI, Aluki Kotierk. « Il envoie le message selon lequel notre langue est aussi importante et valide que les autres langues disponibles sur ce géant des médias sociaux.
L’inuktut, qui regroupe plusieurs dialectes, dont l’in‐ uktitut et l’inuinnaqtun, comptait en 2016 environ 40 000 locuteurs répartis dans les quatre régions inuit du nord du Canada. Les termino‐ logies de plusieurs régions ont été utilisées, à savoir celles du sud et du nord de l’île de Baffin, ainsi que celle de la région de Kivalliq, dans le centre du Nunavut.
Aluki Kotierk croit que l’in‐ terface donne maintenant la possibilité à des Inuit bi‐ lingues d’activement choisir de naviguer sur le site web dans leur langue maternelle. Elle pense même que cela pourrait motiver des aînés unilingues à joindre le réseau social.
L’inuktitut est le deuxième dialecte de la langue inuit à faire son apparition sur l’inter‐ face de Facebook. Depuis 2018, l’inupiaq, majoritaire‐ ment parlé dans le nord de l’Alaska, a été ajouté aux choix de langues du réseau social tout comme d'autres langues autochtones l'ont été depuis.
C’est seulement le com‐ mencement, croit Aluki Ko‐ tierk, en ajoutant qu’elle es‐ père voir d’autres dialectes de la langue inuit s’y tailler une place un jour.
L’interface est offerte ex‐ clusivement aux usagers qui consultent le site sur un ordi‐ nateur, mais Aluki Kotierk croit que la prochaine étape sera de la rendre accessible sur des appareils mobiles.
C’est par ailleurs l’alphabet latin, plutôt que l’écriture syl‐ labique, qui est utilisé pour af‐ ficher en inuktitut les fils d’ac‐ tualité, les réglages et les pro‐ fils des usagers.
Plusieurs milliers de mots traduits
Le Centre Pirurvik d’Iqaluit, qui offre des cours d’inuktut, a été chargé de faire la traduc‐ tion. Un travail qui a parfois été complexe, explique la tra‐ ductrice Jeela Palluq Cloutier.
La plupart des défis étaient liés à l’espace », ex‐ plique-t-elle. « En inuktut, les mots écrits en alphabet ro‐ main peuvent être très longs. Des fois, nous avions un très bon mot, mais trop de carac‐ tères à placer dans l’espace que nous avions.
D’autres termes, dit-elle, ne disposaient pas d’équi‐ valent en inuktitut, ce qui l’a notamment amenée à se questionner sur le contexte dans lequel il allait être utilisé.
C’est très amusant d’utili‐ ser la terminologie tradition‐ nelle dans la technologie mo‐ derne.
Jeela Palluq Cloutier, tra‐ ductrice
Dans un contexte où la langue inuit connaît un déclin au profit de l’anglais, Jeela Pal‐ luq Cloutier croit que l’inter‐ face donnera la possibilité à ceux qui le souhaitent de l’ap‐ prendre ou, tout simplement, de le renforcer.
Le projet devait voir le jour en 2019, mais sa finalisation a pris plus de temps que prévu. En 2018, Facebook a invité des locuteurs de l’inuktitut à utiliser l’application Tradui‐ sons Facebook et à proposer des traductions de mots et de phrases pour composer la fu‐ ture interface. La traduction la plus populaire était retenue comme traduction officielle.
Nous souhaitions toute‐ fois nous assurer que ce qui figurait sur notre plateforme refléterait la langue qui est la plus communément utilisée par les Inuit, donc [le Centre] Pirurvik [...] a été sollicité pour orchestrer ce projet pilote et le processus de traduction, précise la gestionnaire des po‐ litiques autochtones pour Meta, Debbie Reid, par cour‐ riel.
De plus en plus d’entre‐ prises procèdent à des tra‐ ductions en langues autoch‐ tones, alors que s’est amorcée en 2022 la Décennie interna‐ tionale des langues autoch‐ tones. Au cours de la dernière année et demie, Microsoft a ajouté l’inuktitut et l’inuinnaq‐ tun à son application de tra‐ duction qui regroupe une centaine de langues.
L’inuktut est la langue ma‐ ternelle de moins en moins d’Inuit au Nunavut. En 2016, le dernier recensement de Statistique Canada relevait qu’elle l’était pour 65 % de la population, comparativement à 72 % en 2001.