Travailler à 12 ans avec un trouble du spectre de l’autisme
Au bar laitier Pinocchio de Jonquière, un nouvel em‐ ployé fait fureur cet été. Du haut de ses 12 ans, Ja‐ cob Karivelil, qui vit avec un trouble du spectre de l'autisme, a déniché le bou‐ lot de ses rêves.
Je prends les commandes. Je fais le caissier , explique-t-il.
Dès qu’un client entre dans le commerce, Jacob le sa‐ lue, puis lui pose en rafale toutes les questions de base : Qu’est-ce que vous voulez? Une crème molle? Petite? Moyenne? Grande? Quel trempage? Chocolat noir? Blanc? Lait?.
Sitôt ses réponses obte‐ nues, Jacob appuie sur les boutons de la caisse enregis‐ treuse à une vitesse phéno‐ ménale. Il fait payer les gens et leur rend leur monnaie en faisant très peu d’erreurs.
Des fois, je me trompe, mais pas souvent.
Jacob Karivelil, 12 ans Le travail peut sembler simple, mais c’est une réussite pour le garçon qui vit avec un TSA de niveau 1.
Ça veut dire avec un haut niveau de fonctionnement. Si quelqu’un ne le sait pas, bien il va peut-être s’en rendre compte, mais peut-être pas tout de suite , explique en souriant sa mère, Marie-Ève Lachance.
C’est Jacob qui voulait ab‐ solument faire de la caisse ici.
L’été dernier, il en a fait la demande à la propriétaire qu’il connaissait déjà puis‐ qu’elle a été son éducatrice quand il fréquentait la garde‐ rie. Anick Arsenault lui a pro‐ mis qu’il pourrait travailler avec elle quand il aurait 12 ans. Promesse tenue.
Elle salue la bonne humeur contagieuse de son protégé. Il vient ici par plaisir. Il ne vient pas travailler nécessairement , mentionne-t-elle.
Anick Arsenault estime que Jacob sera capable de tra‐ vailler pratiquement sans su‐ pervision avant la fin de l’été.
Souvent, quand on est juste nous deux, c’est lui qui prend les commandes puis il me les dit. Je les fais et je n’ai même plus besoin d’être der‐ rière la caisse. La première de‐ mi-heure, il a une insécurité quand il revient, mais après, il gère tout, tout seul , affirme-telle. Gagner en autonomie Jacob a des centres d’inté‐ rêt assez restreints en raison de son TSA. Les chiffres et les boutons le fascinent. C’est pourquoi il se montre aussi efficace derrière la caisse en‐ registreuse.
Il est très bon avec les chiffres, la mémoire, ces choses-là alors je ne suis pas surpris du tout, mais je trouve qu’il fait très très bien ça , in‐ dique son père, Manoj Karive‐ lil.
Vu le jeune âge de Jacob, ses parents ont hésité à le laisser travailler, mais il ne fait que quelques heures par se‐ maine et son enthousiasme débordant les conforte dans leur décision. D’autant plus que chaque quart de travail de Jacob lui permet de déve‐ lopper sa confiance en lui et l’oblige à entrer en contact avec des gens qu’il ne connaît pas, ce qui peut représenter un défi pour lui.
Il rencontre des nouvelles personnes tous les jours quand il est ici. Il faut qu’il in‐ teragisse avec elles. Donc, pour la socialisation, c’est ex‐ cellent , pointe son père.
Pour Manoj Karivelil et Ma‐ rie-Ève Lachance, il est impé‐ ratif que Jacob fasse partie in‐ tégrante de la société. Le voir s’épanouir dans un rôle qui lui plaît est pour eux un bon pré‐ sage pour l’avenir.
C’est toujours l’inconnu avec l’autisme. On ne sait ja‐ mais. Là, on sait qu’il est ca‐ pable de le faire puis ça va être dans son CV. Moi, en tout cas, ça me rassure vraiment beaucoup , conclut sa mère.