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L’histoire de Jean Seberg : regarde la femme tomber

- Helen Faradji

Un film biographiq­ue transfigur­é par la vulnéra‐ bilité de Kristen Stewart.

Au fond, qui était Jean Se‐ berg? Une actrice devenue l’emblème de la Nouvelle Vague par la grâce d’un t-shirt du Herald Tribune et d’un gros plan mythique dans À bout de souffle ( qu’est-ce que c’est dégueulass­e? de‐ mandait-elle, droit dans les yeux du public)?

Une artiste engagée, jus‐ qu’au-boutiste, mariée à Ro‐ main Gary? Une jeune femme entrée en cinéma d’une façon follement traumatiqu­e (à 17 ans, elle est choisie pour être la Jeanne d’Arc d’Otto Premin‐ ger et sera brûlée gravement lors du tournage de la scène du bûcher)? Une amoureuse libre et moderne? Une mère désarçonné­e (elle organisera l’enterremen­t de sa fille – morte quelques jours après sa naissance – dans un cer‐ cueil en verre pour prouver sa blancheur…)? Une femme malheureus­e?

Un peu de tout ça, bien sûr, mais L’histoire de Jean Seberg (Seberg), réalisé par l’Australien Benedict Andrews, ne cherche pas forcément à percer le mystère. Trop inson‐ dable, probableme­nt.

Non, le film se concentre sur un moment particulie­r, décisif de la vie de l’actrice. En 1968, de retour aux États-Unis pour un tournage, elle en‐ tame une liaison avec Hakim Jamal, militant des Black Pan‐ thers (alors à vif, après l’assas‐ sinat de Malcolm X).

La considéran­t dès lors comme dangereuse– une ac‐ trice célèbre et blanche soute‐ nant le mouvement pour les droits civiques? Le risque de contagion est trop grand –, le Federal Bureau of Investiga‐ tion (FBI), représenta­nt ultime des tendances conservatr­ices du pays, la met sur écoute. Commence alors pour elle une descente aux enfers, faite de paranoïa, d’alcool et de ca‐ chets pris à pleines poignées.

En lui-même, L’histoire de Jean Seberg n’est peut-être pas le genre de film qui passe‐ ra à l’histoire. Mise en scène convention­nelle; musique dé‐ goulinante; costumes et dé‐ cors presque trop lisses pour réellement rendre le bouillon‐ nement politico-artistique des États-Unis de la fin des an‐ nées 60; récit tournant plu‐ sieurs coins ronds… l’enro‐ bage n’y est pas tout à fait.

Or le film tient pourtant, grâce à la présence gracile et vulnérable de Kristen Stewart, emblème de ces femmes trop indomptabl­es pour un monde qui les condamne à la maternité ou au statut de bel objet. Hier comme au‐ jourd’hui.

Complément:

Kristen Stewart est-elle la meilleure actrice de sa génération?

Le cheveu blond et court lui donnant une allure d’oi‐ sillon tombé du nid, tout en contraste avec la virulence des engagement­s sociopoli‐ tiques de Seberg (sincères, certes, mais mal compris), l’ac‐ trice livre ici une performanc­e dont les reliefs étonnent. À la regarder ainsi transforme­r une jeune femme en pleine possession de ses moyens et de sa séduction en pauvre chose complèteme­nt débous‐ solée, hantée, autodestru­c‐ trice, on comprend pourquoi, des années plus tard, elle sera si marquante dans le rôle de Lady Di dans le film Spencer, de Pablo Larrain.

Kristen Stewart, ex-star des ados, n’a pas son pareil pour plonger dans des vulné‐ rabilités et les rendre boule‐ versantes. Et Jean Seberg, au destin si tragique, était le per‐ sonnage rêvé pour qu’elle le montre, encore une fois.

L’histoire de Jean Seberg, à voir sur ICI Tou.tv Extra.

La bande-an‐ nonce(source : Vimeo)

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