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Kherson, région pivot qui pourrait faire basculer la guerre en Ukraine

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Alors que la guerre entrera bientôt dans son sixième mois, les autorités ukrai‐ niennes affichent de plus en plus ouvertemen­t leurs velléités à reprendre Kher‐ son, première grande ville conquise quelques jours après l’invasion russe.

Le président Volodymr Ze‐ lensky et les membres de son administra­tion ont exhorté les civils à s'écarter du che‐ min.

Je sais avec certitude qu'il ne devrait pas y avoir de femmes et d'enfants là-bas, et qu'ils ne devraient pas deve‐ nir des boucliers humains, a récemment déclaré la vicepremiè­re ministre Iryna Vere‐ shchuk.

Au cours des six dernières semaines, des assauts ukrai‐ niens ont permis à leurs sol‐ dats de s'approcher à moins de 20 km de Kherson.

L’Ukraine ne cache pas son intention de reprendre cette cité balnéaire et portuaire, où Moscou mène une politique de russificat­ion depuis son occupation il y a quatre mois : le rouble a été introduit, des passeports russes ont été dé‐ livrés, une première banque russe y a ouvert ses portes fin juin, les voix critiques sont ré‐ primées et l'activité écono‐ mique est largement sous contrôle de l'administra­tion d'occupation.

Début juillet, un respon‐ sable russe issu des puissants services de sécurité (FSB) a pris la tête du gouverneme­nt de la région de Kherson, autre preuve qu’elle constitue une cible stratégiqu­e pour chacun des deux camps militaires.

L'atout de l'armement

Le colonel ukrainien à la retraite Serhiy Grabsky af‐ firme que l’issue de la guerre menée par Vladimir Poutine dépend de la capacité de l’ar‐ mée russe à conserver Kher‐ son – et celle de l'Ukraine à la reconquéri­r.

Selon lui, l’expulsion de l’envahisseu­r russe de ce terri‐ toire précisémen­t mettrait fin à toute menace pour les autres villes ukrainienn­es, telles que Mykolaiv et Odessa, et mettrait les installati­ons militaires russes de la pénin‐ sule de Crimée à portée des nouvelles armes occidental­es de l'Ukraine, notamment des lance-roquettes américains à longue portée HIMARS (High Mobility Artillery Rocket Sys‐ tem).

M. Grabsky, qui a occupé plusieurs fonctions internatio‐ nales au cours d'une carrière de 28 ans, explique aussi que le front sud demeure très peu étendu, les forces ukrai‐ niennes et russes y étant plus ou moins égales. C'est la rai‐ son pour laquelle, selon lui, les commandant­s ukrainiens jouissent d’une opportunit­é de regrouper leurs forces et de percer les lignes russes.

Je suis absolument opti‐ miste, a-t-il déclaré à CBC News.

Guerre d'usure

Si l'Ukraine parvient à or‐ ganiser une contre-offensive dans le sud qui débouchera­it sur la libération du territoire tenu par les Russes, ce serait le premier succès de ce type pour l'armée ukrainienn­e de‐ puis l'invasion de février.

En comparaiso­n, lorsque les troupes russes ont été chassées de la région de Kiev et de certaines parties du nord de l'Ukraine autour de Kharkiv en avril, c'était après l'échec de leurs propres offen‐ sives.

D'autres observateu­rs mili‐ taires restent toutefois pru‐ dents sur une possible percée ukrainienn­e à Kherson.

Philip Breedlove, général retraité de l'armée de l'air américaine qui a occupé le poste de commandant su‐ prême des forces alliées de l'OTAN en Europe de 2013 à 2016, a déclaré cette se‐ maine à la BBC que la cam‐ pagne abrasive et aveugle menée par la Russie pour épuiser l'infrastruc­ture mili‐ taire et civile de l'Ukraine était efficace.

Toutefois, a-t-il ajouté, l'Ukraine peut probableme­nt encore déployer une armée importante contre Kherson.

Ils n'ont pas les effectifs imposants dont dispose la Russie dans tout le pays, mais je peux vous dire que l'Ukraine a des soldats beau‐ coup plus expériment­és que la Russie. Cela joue en faveur de l'Ukraine, a expliqué M. Breedlove.

Aux yeux de Rob Lee, ana‐ lyste au Foreign Policy Re‐ search Institute de Philadel‐ phie qui a méticuleus­ement suivi le déroulemen­t du conflit, l'Ukraine aura besoin de plus d'aide de la part de l'Occident pour réussir cette offensive.

Kiev aura probableme­nt besoin d'un programme d'en‐ traînement plus solide et de munitions si elle veut re‐ prendre une quantité appré‐ ciable de territoire, a-t-il écrit dans un message sur Twitter.

D’après Phillips O'Brien, professeur d'études straté‐ giques à l'Université de St An‐ drews en Écosse, les comman‐ dants ukrainiens auraient dé‐ cidé qu'il y avait davantage à gagner en se concentran­t sur Kherson qu'en contre-atta‐ quant dans le Donbass, où l'Ukraine cède régulièrem­ent des territoire­s.

Kherson est l'endroit où ils devraient être en mesure d'at‐ taquer avec la plus grande chance de succès – quand ils sont prêts.

Dans cette reprise territo‐ riale, les puissants HIMARS pourraient bien faire pencher la balance du conflit en faveur de l'Ukraine, anticipe le colo‐ nel à la retraite Serhiy Grabs‐ ky.

D'après les informatio­ns de Chris Brown, CBC

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