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Permis de travail au Canada : une frustratio­n croissante devant la lenteur du processus

- Denis Babin

Au Canada, la route em‐ pruntée par les entreprise­s pour embaucher des tra‐ vailleurs étrangers peut souvent être tortueuse. L’étirement des délais de traitement des demandes de permis de travail, obser‐ vé depuis le début de la pandémie de COVID-19, ne fait qu’empirer les choses.

Farah Louis, coordonna‐ trice de projets au Centre de services à l’emploi de Prescott et Russell (CSEPR), en sait quelque chose.

L’Haïtienne d’origine, qui a déposé ses valises dans l’est ontarien il y a trois ans, aide les nouveaux arrivants à navi‐ guer à travers les méandres du système.

Des gens attendent envi‐ ron sept mois pour obtenir leur permis de travail. [...] Je trouve que [le processus] est un peu long, que ça génère du stress, indique-t-elle.

À ce chapitre, Farah Louis peut parler en connaissan­ce de cause, elle-même ayant vé‐ cu tout récemment une situa‐ tion où son propre permis de travail a frôlé la péremption.

On devrait pouvoir trou‐ ver une solution, parce que ça tarde trop, c’est trop lent, ajoute-t-elle.

Son employeur exhorte d’ailleurs le gouverneme­nt fé‐ déral à modifier son approche afin d’accélérer le traitement des demandes, alors que sa banque d’emplois contient ac‐ tuellement quelque 1000 postes vacants.

La situation est catastro‐ phique. C’est comme ça que je la qualifie, car on a des entre‐ prises qui doivent fermer leurs portes, explique la direc‐ trice générale du CSEPR, Caro‐ line Arcand.

Des entreprise­s doivent ré‐ duire leurs heures d'opéra‐ tion.

Caroline Arcand, directrice générale du CSEPR

Cette dernière propose, entre autres, de suspendre temporaire­ment les études d’impact sur le marché du tra‐ vail (EIMT), une exigence à la‐ quelle une entreprise cana‐ dienne pourrait devoir ré‐ pondre si elle désire embau‐ cher un travailleu­r étranger.

Une EIMT permet de dé‐ terminer si un emploi dispo‐ nible peut être ou non com‐ blé par un travailleu­r cana‐ dien ou un résident perma‐ nent.

Pourquoi est-ce nécessaire dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre qui est gé‐ néralisée [...] [de] forcer en‐ core les entreprise­s à se taper des [EIMT] qui coûtent très chers pour démontrer le be‐ soin d’embaucher à l’interna‐ tional? se demande Caroline Arcand.

La grande patronne du CSEPR considère également que l’employeur devrait jouer un rôle plus actif dans le cadre d’un renouvelle­ment de per‐ mis de travail.

Ça aurait du sens [d’impli‐ quer] l’employeur pour qu’il puisse [avoir] son mot [à dire]. [...] L’employeur peut témoi‐ gner du bien-fondé de retenir [son employé] ici, renchérit Caroline Arcand.

Des demandes principa‐ lement en ligne

Avec la pandémie de CO‐ VID-19 qui est loin d’être ter‐ minée, les démarches pour l’obtention d’un permis de tra‐ vail se font essentiell­ement en ligne compte tenu du nombre toujours important de fonc‐ tionnaires fédéraux en télé‐ travail.

L’avocat Ruhanamiri­ndi Se‐ bantu, spécialisé en droit de l’immigratio­n, estime que les délais dans les traitement­s des demandes pourraient perdurer tant et aussi long‐ temps qu’il en sera ainsi.

À Ottawa, avant la pandé‐ mie, [Immigratio­n, Réfugiés et Citoyennet­é Canada (IRCC)] recevait entre 10 et 20 per‐ sonnes par jour. Ça roulait. Aujourd’hui, IRCC ne reçoit pas les gens ici à Ottawa. [Les demandeurs] doivent aller à Montréal, raconte-t-il.

De son côté, Farah Louis a entamé un autre processus, soit celui menant vers la rési‐ dence permanente.

Encore une fois, ce n’est pas la lourdeur des formalités administra­tives ou l’attente interminab­le d’une réponse favorable qui aura raison de sa déterminat­ion.

J’ai [quitté mon pays d’ori‐ gine] dans un contexte d’insé‐ curité qui fait fuir beaucoup d’Haïtiens. J’ai dû faire ce choix [...] On vient avec l’idée de res‐ ter et on fait ce qu’il faut pour réaliser son projet de vie ici au Canada, conclut-elle.

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