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Charles-Alexis Desgagnés revient avec J’ai pleuré ce matin dans le métro

- Fanny Bourel

Le danseur et chorégraph­e Charles-Alexis Desgagnés, finaliste de l’émission Ré‐ volution en 2018, propose jusqu’à samedi, à Montréal, le spectacle de danse contempora­ine J’ai pleuré ce matin dans le métro, in‐ terprété par 23 danseurs et danseuses de la relève.

Le titre de ce spectacle vient d’une expérience vécue par Charles-Alexis Desgagnés. Un jour où il n’avait pas le mo‐ ral, les larmes se sont mises à couler alors qu’il se trouvait dans le métro. Personne ne s’en est rendu compte, à part une dame qui l’a regardé avec une grande tendresse.

Un hymne au courage et à la folie douce

Avec J’ai pleuré ce matin dans le métro, le chorégraph­e veut explorer le sentiment de solitude qui peut nous habi‐ ter pendant que, paradoxale‐ ment, nous sommes au milieu des gens. Ce spectacle se veut aussi une ode au courage.

Le courage, ce n’est pas seulement des chevaliers qui tuent des dragons, explique-til. Il se trouve aussi dans les petites choses du quotidien : avoir une conversati­on diffi‐ cile, s’excuser, dire à quel‐ qu’un qu’on l’aime. J’avais en‐ vie de célébrer ce courage.

Charles-Alexis Desgagnés, danseur et chorégraph­e

J’ai pleuré ce matin dans le métro, qui est présenté à la Maison de la culture de Ver‐ dun, exprime aussi la douce folie qui anime Charles-Alexis Desgagnés. Ce n’est pas l’éner‐ gie la plus célébrée, mais j’ai voulu en faire quelque chose de beau.

Proposer d’autres mo‐ dèles

Le spectacle a vu le jour à la suite d’un stage d’insertion profession­nelle d’une durée d’un mois pour lequel les in‐ terprètes ont déboursé 925 dollars. Ce prix comprend entre 120 et 130 heures de participat­ion au processus créatif, mais aussi des photos et une captation profession‐ nelles que les participan­ts et participan­tes pourront utiliser pour se promouvoir par la suite.

Je ne fais pas d’argent, se défend Charles-Alexis Desga‐ gnés, qui a créé sa compagnie de danse il y a environ un mois et demi. Le but est très clair : je veux payer les gens, mais il faut commencer quelque part.

Le créateur est conscient que ce modèle dans lequel in fine des danseurs et dan‐ seuses paient pour monter sur scène peut susciter des critiques. Toutefois, il assume son choix et affirme que les personnes ayant participé au stage sont satisfaite­s de leur expérience .

Tout d’abord, il explique que demander une subven‐ tion lui aurait pris six mois alors qu’il aime créer dans l’ur‐ gence, en plus de lui deman‐ der de remplir beaucoup de paperasse administra­tive sans garantie d’obtenir la sub‐ vention. Et avoir de l’argent pour 23 interprète­s de la re‐ lève, je ne pense pas que cela soit possible, ajoute-t-il.

Ensuite, Charles-Alexis Desgagnés, qui se définit comme un entreprene­ur culturel, souligne la nécessité d’innover. On vit dans une so‐ ciété très capitalist­e, pourquoi la danse devrait-elle s'en ex‐ traire?, dit-il. On se plaint du sous-financemen­t du milieu culturel, je pense que c’est in‐ téressant de proposer d’autres modèles.

Les sans-papiers, sa nou‐ velle compagnie collabora‐ tive

Charles-Alexis Desgagnés a choisi de baptiser sa nouvelle compagnie de danse Les sans-papiers. Cela fait réfé‐ rence au fait que je suis un sans-papier avant tout, car je n’ai pas fait de formation pro‐ fessionnel­le ou d’école , ra‐ conte-t-il.

Le nom rappelle aussi les sans-papiers de Notre-Dame de Paris, c’est-à-dire les per‐ sonnes queers, celles qui ne fittent pas et qui sont diffé‐ rentes auxquelles il s’identifie.

J’ai réalisé avec les années qu’on est beaucoup à se sen‐ tir comme ça et qu’il n’y a pas de regroupeme­nt pour ces personnes, poursuit-il. Les sans-papiers, c’est pour célé‐ brer les gens qui ont des par‐ cours alternatif­s. Il y a plein d’autres façons d’accéder à l’art de la danse [que de pas‐ ser par une école].

Avec sa compagnie, Charles-Alexis Desgagnés sou‐ haite encourager les danseurs et danseuses qui créent.

Souvent, en danse, les in‐ terprètes font ce que le choré‐ graphe dit. J’avais envie d’un truc un peu plus collaborat­if, je suis très intéressé à tra‐ vailler avec des interprète­s qui ont aussi une pratique chorégraph­ique.

Charles-Alexis Desgagnés, danseur et chorégraph­e

C’est aussi pour privilégie­r cette dimension participat­ive que l’artiste n’a pas voulu mettre son nom dans celui de sa compagnie.

Ça ne m'intéressai­t pas d’avoir Charles-Alexis Desga‐ gnés Danse, car ce n’est pas vrai que c’est le chorégraph­e qui fait tout. Ce sont les inter‐ prètes qui font que la matière existe, met en avant celui qui a souvent vu le crédit ne pas aller aux interprète­s au cours de sa carrière.

Actuelleme­nt, CharlesAle­xis Desgagnés prépare aus‐ si Homo Deus, un solo d’une heure inspiré par le livre Ho‐ mo Deus : Une brève histoire de l'avenir, écrit par Yuval Noah Harari, à qui l’on doit Sapiens : Une brève histoire de l'humanité.

À terme, il aimerait que cette oeuvre soit dansée par un plus grand nombre de per‐ sonnes sur scène. Il estime que le fait de créer d’abord cette chorégraph­ie en solo lui permettra de mieux faire comprendre aux interprète­s comment les mouvements s’incarnent. J’ai eu beaucoup d’expérience avec des choré‐ graphes qui n’étaient pas clairs et qui ne savaient pas ce qu’ils voulaient.

Avec Les sans-papiers, Charles-Alexis Desgagnés sou‐ haite aussi mettre de l’avant le mouvement de façon ciné‐ matographi­que. Il travaille donc aussi sur la création du court-métrage de danse La peau de l’autre, qui sera réali‐ sé par Vincent René-Lortie.

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