Sur la côte ouest, l’érablière de la Première Nation Hupacasath vise l’expansion
Un pionnier dans la pro‐ duction du sirop issu des érables de la côte ouest, l’érablière de la Première Nation Hupacasath, au centre de l’île de Vancou‐ ver, a reçu un financement de 112 000 $ du gouverne‐ ment provincial pour amé‐ liorer ses technologies.
Cette entreprise, nommée Kleekhoot Gold, est à la fine pointe d’une industrie qui en est encore à ses débuts. Klee‐ hoot désigne l'une des terres ancestrales de la Première Na‐ tion.
Son sirop d’érable est diffé‐ rent de son homologue de l’est du continent : la sève des érables à grandes feuilles, d’où il provient, est beaucoup moins sucrée, ce qui nécessite la récolte de deux fois plus de sève pour obtenir la même quantité de sirop.
L’érablière créée en 2015 fi‐ gure parmi la poignée de pe‐ tites érablières commerciales de la Colombie-Britannique, estime Gary Backlund, auteur de Bigleaf Sugaring, un guide sur l’acériculture des érables aux grandes feuilles. L’indus‐ trie essaie encore de se tailler une place, dit-il.
Est-ce un produit viable? En 2019, des chercheurs au département des études envi‐ ronnementales et forestières de l'Université de Washington ont lancé un projet pour dé‐ terminer si le sirop des érables à grandes feuilles peut être exploité à une échelle commerciale.
Aux États-Unis, il y avait alors une seule érablière com‐ merciale de ce type, à deux heures au nord de Seattle.
Quand j’ai commencé ce projet de recherche, je n’avais pas de grands espoirs. Hon‐ nêtement, je n’ai jamais cru qu’il se rendrait aussi loin, dit Indroneil Ganguly, un profes‐ seur du département, qui croit maintenant à la viabilité de l'industrie.
L'exploitation du sirop qui provient des érables à grandes feuilles permet de voir l’espèce d’un nouvel oeil, dit-il.
L'arbre qui pousse en abondance sur la côte ouest est souvent vu comme une mauvaise herbe par l’industrie forestière en raison de la faible qualité de son bois. Toutefois, il a d’importants bienfaits pour son environne‐ ment, notamment parce qu’il génère de l’ombre, empêche l’érosion de la terre, et joue un rôle dans l’écosystème.
Selon une étude réalisée
par un étudiant d’Indroneil Ganguly, son sirop pourrait représenter une industrie de 20 millions de dollars dans l’État de Washington, un chiffre comparable à la taille de l’industrie des citrouilles dans cet État.
Pour profiter de ces re‐ cherches, la nation Hupaca‐ sath a envoyé un de ses membres, son gestionnaire de production, Bryan Read, travailler à l’Université de Wa‐ shington, cette année. Pen‐ dant trois mois, il a pu s’im‐ prégner des connaissances du groupe de recherche de
M. Ganguly et a aussi pu tra‐ vailler sur la côte est, dans des érablières traditionnelles.
Ces érablières des États de New York et du Vermont ont environ 160 000 arbres. C’est colossal. Nous, nous sommes de petits joueurs. On essaie de grandir du mieux qu'on peut. Cette expérience d’ap‐ prentissage, c’était essentiel.
Bryan Read, gestionnaire de la production à l'érablière Kleekhoot Gold
Il a beaucoup appris de nous, mais moi, j’apprécie combien on a aussi appris de lui, grâce à son expérience dans sa Première Nation, ex‐ plique Indroneil Ganguly. Il ajoute que les experts que l’université avait embauchés pour le projet venaient de l’est et ne connaissaient pas l’érable aux grandes feuilles.
Un chemin semé d’em‐ bûches
Pendant que Bryan Read travaillait à l’Université de Wa‐ shington, Kleekhoot Gold n’a rien produit, laissant un hiver de repos aux érables entaillés quatre ans d'affilée.
En s’appuyant sur les études que Bryan Read a faites à l’Université de Wa‐ shington, la Première Nation a décidé d’utiliser le nouveau financement provincial pour acheter un réservoir de sto‐ ckage réfrigéré, car les tempé‐ ratures plus douces de la côte ouest font pourrir la sève ra‐ pidement. La réfrigération permet alors de la conserver en attendant qu’il y en ait as‐ sez pour entamer le proces‐ sus de transformation.
La Première Nation inves‐ tira d’autres parties du finan‐ cement dans des technolo‐ gies telles qu’une pompe à sève à l’énergie solaire, une technologie qui est monnaie courante dans l'est.
Il reste tout de même plu‐ sieurs défis à surmonter, no‐ tamment celui de la distance. Bryan Read explique que, contrairement aux grandes érablières de l’est, les diffé‐ rents terrains de Kleekhoot Gold sont éloignés les uns des autres et il doit utiliser un ca‐ mion pour aller récolter la sève à chaque endroit.
Il a toutefois hâte d'enta‐ mer une nouvelle saison de production, et espère pro‐ duire 200 gallons de sirop à partir de 3000 arbres, cette année. À titre de comparai‐ son, l’érablière a entaillé 500 arbres lors de sa dernière année de production, en 2021.