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Québec appelé à régler la pénurie de juges dans le Nord

- Daniel Leblanc

Les pressions se font sentir tant du milieu juridique que de la communauté inuit pour que Québec aug‐ mente le nombre de juges dans le nord de la province, à la suite de l’annulation d’une semaine d’audience prévue à Kuujjuaq.

Selon Makivik, qui est un des principaux acteurs du sys‐ tème judiciaire dans le Nord, les Inuit font les frais d’une pénurie de juges dans le dis‐ trict judiciaire de l’Abitibi, qui dessert les différente­s com‐ munautés du Nunavik.

Le groupe inuit craint non seulement les effets de l’annu‐ lation de la semaine d’au‐ dience qui devait commencer lundi, mais aussi d’une réduc‐ tion prévue de 20 % du nombre de jours d’audiences dans l’année à venir.

Au lieu de siéger 128 jours comme cette année, la Cour a seulement inscrit 101 jours à son calendrier d’audience en 2022-2023 dans les commu‐ nautés inuit de la baie d’Unga‐ va.

Il est clair que les Inuit du Nunavik sont injustemen­t pé‐ nalisés, affirme Makivik dans un communiqué envoyé à Ra‐ dio-Canada.

Dans ce document, Maki‐ vik demande spécifique­ment la nomination de nouveaux juges qui pourraient siéger au Nunavik.

Deux nouveaux postes demandés

Selon des sources au sein du milieu juridique, le nou‐ veau calendrier de la Cour du Québec suscite de nom‐ breuses préoccupat­ions par‐ mi les avocats qui travaillen­t au Nunavik.

La population

inuit

est beaucoup plus judiciaris­ée que le reste de la population québécoise, et le système ju‐ diciaire peine à traiter le vo‐ lume de dossiers avec le nombre actuel de jours d’au‐ dience.

Selon sa porte-parole, le Barreau du Québec appuie les demandes de la Cour du Qué‐ bec pour deux nouveaux postes de juges dans le dis‐ trict judiciaire de l’Abitibi.

Le Barreau recommande depuis déjà de nombreuses années la nomination de juges additionne­ls à la Cour du Québec pour desservir la Cour itinérante au Nunavik. Le Barreau a d’ailleurs réitéré sa demande en ce sens au‐ près du gouverneme­nt lors des consultati­ons pré-budgé‐ taires plus tôt cette année, af‐ firme Hélène Bisson.

Pénurie de juges

Il y a 13 postes de juges en Abitibi, mais un poste n’est pas pourvu et deux juges sont actuelleme­nt en arrêt de travail. Des juges suppléants viennent régulièrem­ent en renfort, mais ce n’est pas tou‐ jours suffisant pour assurer toutes les journées d’au‐ dience à l’horaire.

En raison du manque de juges, la Cour du Québec a été forcée d’annuler les audiences qui étaient à l’horaire dans la semaine du 18 juillet à Kuu‐ jjuaq. Des centaines de dos‐ siers ont été reportés, jus‐ qu’en juin 2023 dans certains cas, et plusieurs avocats de la défense préparent des re‐ quêtes en délais déraison‐ nables dans ces dossiers.

En raison de la grande vul‐ nérabilité des Inuit face au système judiciaire, le Nunavik ne doit pas subir une réduc‐

tion de la présence de la cour. Les retards actuels ont déjà un effet néfaste, et l'augmen‐ tation des délais ne fait qu'augmenter le niveau de vulnérabil­ité. En attente d’une décision, les accusés inuit sont souvent en détention et reçoivent très peu de services culturelle­ment appropriés.

Communiqué émis par Makivik

De plus, la Cour du Québec a décidé qu’à partir de cet au‐ tomne, ses juges bénéficie‐ ront d’un jour de délibéré pour chaque jour siégé en cour. À l’heure actuelle, les juges siègent deux jours pour chaque jour de délibéré.

Le cabinet du ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, répond qu'il re‐ vient à la Cour du Québec de coordonner l'assignatio­n de ses 319 juges et 61 juges sup‐ pléants.

Chaque juge a compé‐ tence sur tout le territoire du Québec et pour l'ensemble de la compétence de la Cour, quelle que soit la chambre à laquelle il est affecté, explique le porte-parole Pascal Ferland.

Le gouverneme­nt du Qué‐ bec a commandé un rapport sur l’état critique du système de justice au Nunavik, qui de‐ vrait inclure des solutions concrètes pour régler les pro‐ blèmes les plus urgents. Il se‐ ra rendu public prochaine‐ ment.

Réduction de services

Makivik craint qu’avec moins de jours d’audience dans plusieurs communauté­s du Nunavik, un nombre im‐ portant d’accusés, de victimes et de témoins doivent se dé‐ placer vers le Palais de justice Kuujjuaq dans des conditions difficiles.

La pénurie de logements et de chambres d’hôtel dans le Nord fait en sorte qu’il est difficile pour ces gens de trou‐ ver des endroits où habiter lorsqu’ils doivent se rendre devant la cour. Dans certains cas, les accusés et leurs vic‐ times alléguées doivent voya‐ ger dans le même avion, ce qui peut exacerber les ten‐ sions et/ou les traumatism­es, affirme Makivik.

Makivik demande donc au gouverneme­nt de mettre à ni‐ veau les locaux dans diverses communauté­s qui accueillen­t la cour itinérante. Formée d’un juge, de procureurs, d’avocats et d’employés du gouverneme­nt, cette cour se déplace périodique­ment dans les diverses communauté­s du Nunavik pour tenir des au‐ diences dans des dossiers cri‐ minels ou de protection de la jeunesse.

Makivik voudrait aussi que chaque communauté ait ac‐ cès à un système de compa‐ rutions virtuelles pour accélé‐ rer le traitement des diffé‐ rentes causes devant la Cour du Québec.

L’Associatio­n des procu‐ reurs aux poursuites crimi‐ nelles et pénales se préoc‐ cupe de l’état du système de justice dans le nord du Qué‐ bec, y inclus de la pénurie de personnel qui travaille dans le district de l’Abitibi.

L’annulation des audiences [durant la semaine du 18 juillet] est une autre diffi‐ culté qui s’ajoute et complexi‐ fie les problémati­ques avec lesquelles le Nord doit déjà composer. Les grandes per‐ dantes du manque de res‐ sources sont les personnes victimes puisqu’elles ne béné‐ ficient pas des services aux‐ quels elles ont droit, soutient son vice-président, Andy Drouin.

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