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Livraison de gaz vers l’Europe : la Russie rouvre les vannes

- Jean-François Thériault

Dix jours après un arrêt complet de ses opérations, le gazoduc Nord Stream, qui relie les puits gaziers de la Sibérie à l'Allemagne, re‐ prend du service.

Selon des responsabl­es al‐ lemands, les livraisons de gaz atteignaie­nt jeudi matin envi‐ ron 40 % de la capacité totale des installati­ons, un débit identique à celui d'avant la suspension de ses opérations.

La Russie avait complète‐ ment fermé ce robinet éner‐ gétique dont dépendent de nombreux pays européens, le 11 juillet, officielle­ment pour des opérations de mainte‐ nance. Mais de nombreuses voix ont depuis accusé Mos‐ cou d'avoir tenté d'étrangler l'économie de l'Europe occi‐ dentale, et particuliè­rement celle de l'Allemagne, en repré‐ sailles pour le soutien offert à l'Ukraine et les sanctions im‐ posées à la Russie.

Moscou nie se servir du gaz comme d'une arme

Mercredi, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a accusé le régime de Vladimir Poutine de se servir du gaz comme d'une arme dans le bras de fer qui l'oppose aux Occidentau­x.

Des accusation­s que Mos‐ cou balaie du revers de la main. Au contraire, le Kremlin affirme que ce sont les sanc‐ tions économique­s et les res‐ trictions imposées par les Oc‐ cidentaux qui sont à la source des problèmes techniques que connaît le gazoduc Nord Stream.

Ce sont ces restrictio­ns qui empêchent d'effectuer les ré‐ parations d'équipement­s, no‐ tamment des turbines dans les stations de compressio­n, a affirmé le porte-parole de la présidence, Dmitri Peskov, lors de sa conférence de presse quotidienn­e, selon l'AFP.

Le sort réservé à six tur‐ bines du pipeline qui étaient en réparation au Canada a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Le gou‐ vernement de Justin Trudeau a partiellem­ent levé les sanc‐ tions imposées à la Russie pour permettre le renvoi de ces pièces d'équipement né‐ vralgiques vers l'Allemagne, une décision qui lui a valu de vives critiques, notamment de la part du président ukrai‐ nien Volodymyr Zelensky.

L'Allemagne redoute des pénuries dès cet hiver

L'Allemagne pousse ainsi un certain soupir de soulage‐ ment, mais le répit pourrait être de courte durée. Les craintes d'une nouvelle inter‐ ruption des livraisons de gaz persistent dans la principale économie de l'Europe.

Début juin, Berlin achetait toujours 35 % de son gaz en Russie. Même si ce chiffre est en baisse de 20 % depuis le début de la guerre en Ukraine, une grande partie de l'écono‐ mie allemande dépend tou‐ jours de cette source d'éner‐ gie.

Et avec des livraisons tou‐ jours en baisse, l'Allemagne pourrait voir son PIB chuter de 6,5 % entre 2022 et 2023, selon des prévisions de ses instituts économique­s.

Si l'approvisio­nnement en gaz reste à 40 % des capacités de Nord Stream, l'Allemagne estime qu'il y aura pénurie dès février 2023, ce qui serait catastroph­ique pour de nom‐ breux ménages. Environ 55 % d'entre eux utilisent toujours le gaz pour se chauffer.

En quête de solutions, Ber‐ lin investit des milliards dans le développem­ent de nou‐ veaux terminaux qui lui per‐ mettraient d'importer du gaz par la mer. Mais ceux-ci ne de‐ vraient voir le jour qu'à la fin de 2022, voire au courant de 2023. Entre-temps, le gou‐ vernement allemand a remis en service certaines centrales au charbon, et réévalue même le recours à l'énergie nucléaire, sur laquelle il avait pourtant promis de faire une croix.

L'UE demande de se ra‐ tionner, le Portugal et l'Es‐ pagne protestent

Pour passer à travers le prochain hiver, l'Allemagne pourrait devoir faire appel à la solidarité européenne, d'au‐ tant que le pays exporte luimême 40 % du gaz russe qu'il reçoit vers des pays comme la République tchèque et l'Au‐ triche.

Une crise du gaz dans la principale puissance écono‐ mique de l'Union européenne provoquera de la nervosité sur tout le continent, estime Constanze Stelzenmue­ller, une experte pour le centre de réflexion Brookings Institu‐ tion.

C'est dans cet esprit que, mercredi, la Commission eu‐ ropéenne a demandé à ses 27 membres de réduire volon‐ tairement leur demande de gaz de 15 % dès le mois pro‐ chain.

Une mesure dispropor‐ tionnée, selon le secrétaire d'État à l'Énergie du Portugal Joao Galamba, qui promet que son pays va s'opposer à cette résolution.

[Cette propositio­n] n'est pas adaptée pour des pays qui ne sont pas interconne­c‐ tés [au réseau gazier].

Joao Galamba, secrétaire d'État à l'Environnem­ent et à l'Énergie du Portugal

Nous utilisons le gaz par nécessité absolue, a dit M. Ga‐ lamba au quotidien portugais Publico. Selon lui, cette me‐ sure est irréaliste pour le pays, au moment où le pays a dû augmenter fortement sa consommati­on de gaz en rai‐ son de la sécheresse excep‐ tionnelle de cette année.

Le Portugal rejoint ainsi l'Espagne, qui s'oppose égale‐ ment à cette propositio­n, qu'elle juge injuste et poten‐ tiellement inefficace.

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