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Pas de dépôt du projet Onimiki dans l’appel d’offres d’Hydro-Québec

- Guillaume Renaud

Le projet Onimiki ne sera finalement pas déposé dans le cadre de l'appel d'offres d'Hydro-Québec, qui arrivait à échéance le 21 juillet.

Onimiki est un projet de deux minicentra­les hydroélec‐ triques qui auraient une capa‐ cité de 42 MW, pour un inves‐ tissement de 200 millions de dollars. Il s’agit d’un projet au fil de l’eau, c’est-à-dire qu’au‐ cune retenue d’eau addition‐ nelle ne serait nécessaire pour la production d’électricit­é.

Les promoteurs du projet, soit la MRC de Témisca‐ mingue ainsi que les Pre‐ mières Nations de Kebaowek, de Wolf Lake et de Mash‐ teuiatsh, annoncent toutefois la création de la société en commandite Énergie renou‐ velable Onimiki, qui agira in‐ dépendamme­nt à titre de maître d’oeuvre du projet tant pour la phase de développe‐ ment que lors de l’exploita‐ tion des aménagemen­ts.

Les trois Premières Na‐ tions commandita­ires dé‐ tiennent chacune 20 % des parts de la société, alors que la MRC de Témiscamin­gue possède les 40 % restants.

C’est important que la poli‐ tique ne soit pas au coeur des opérations. La société ne sera pas influencée par les diffé‐ rents promoteurs. Ce sera une gestion complèteme­nt in‐ dépendante. J’ai vraiment l’im‐ pression qu’on a manqué le bateau en ne s’organisant pas comme ça dans les dernières années.

David McLaren, porte-pa‐ role d'Énergie renouvelab­le Onimiki et directeur de Santé et Services sociaux de Kebao‐ wek

Des conditions défavo‐ rables

Alors que le projet, sur la table depuis plus de 20 ans, suscitait déjà des préoccupa‐ tions chez certains acteurs du milieu, la société dit souhaiter la concrétisa­tion de l'initiative dans les meilleures circons‐ tances possibles.

« La création de la société en commandite était une étape cruciale, souligne Claire Bolduc, préfète de la MRC de Témiscamin­gue.

« Si les conditions de pré‐ sentation du projet commu‐ nautaire avaient été appro‐ priées dans l’actuel appel de projets, il est fort probable que la société en commandite aurait déposé le projet. Je pense qu’ils ont eu la sagesse de faire leurs devoirs et de re‐ porter le tout », ajoute-t-elle.

La pénurie de maind'oeuvre, la cherté des maté‐ riaux de constructi­on, « cer‐ tains éléments contraigna­nts de l’appel d’offres » ainsi que les inquiétude­s de certains or‐ ganismes environnem­entaux et municipali­tés impliqués font partie des conditions dé‐ favorables évoquées par Mme Bolduc.

David McLaren soutient que plusieurs rencontres avec des organismes communau‐ taires, la Société des établisse‐ ments de plein air du Qué‐ bec (SÉPAQ) et des représen‐ tants de municipali­tés, entre autres, ont été tenues dans les derniers mois.

Ils nous ont fait part de quelques inquiétude­s, ce qui nous aide à affiner nos études et nos recherches. On veut éventuelle­ment avoir un co‐ mité qui suivra le projet et on espère que certains de ces gens-là vont s’y impliquer, mentionne-t-il.

Un report accueilli posi‐ tivement

Pour Yves Grafteaux, direc‐ teur général de l’Organisme de bassin versant du Témisca‐ mingue, le délai imposé dans le cadre de l’appel d’offres d’Hydro-Québec était beau‐ coup trop court pour arriver à des études environnem­en‐ tales satisfaisa­ntes.

Bien que le projet Onimiki ne prévoit pas l’aménage‐ ment de nouveaux barrages, des turbines seraient instal‐ lées dans le lac Kipawa, qui possède deux sorties : la ri‐ vière Kipawa et le ruis‐ seau Gordon.

Selon M. Grafteaux, les promoteurs du projet souhai‐ taient diminuer considérab­le‐ ment le débit de la rivière Ki‐ pawa pour augmenter celui du ruisseau Gordon. Les conséquenc­es liées à ces changement­s de quantité d’eau inquiètent particuliè­re‐ ment l’organisme, qui consi‐ dère ne pas avoir suffisam‐ ment d’informatio­ns pour supporter l’initiative.

Le biologiste craint notam‐ ment que l’augmentati­on si‐ gnificativ­e du débit du ruis‐ seau Gordon ait comme effet la remise en suspension des sédiments, contenant plu‐ sieurs métaux lourds en pro‐ venance du lac aux Brochets, en amont du barrage Lum‐ sden. Selon lui, ces contami‐ nants pourraient être trans‐ portés jusqu’à la ri‐ vière des Outaouais, affectant potentiell­ement la source d’eau potable de plusieurs milliers de personnes.

Diminuer le débit de la ri‐ vière Kipawa en plein hiver si‐ gnifie l’assèchemen­t des por‐ tions du cours d’eau, ce qui priverait certains animaux de leur refuge d’hibernatio­n, comme les tortues qui hi‐ vernent dans la boue. Ça peut aussi perturber le régime de reproducti­on des poissons, entre autres , prévient égale‐ ment M. Grafteaux.

Kipawa toujours cente

Le maire de Kipawa, Nor‐

réti‐ man Young, estime que le projet est encore loin de la phase de consultati­on. Le conseil municipal approuvait d’ailleurs, le 16 juillet dernier, une résolution demandant le report du projet Onimiki.

Il n’y a pas de projet. Com‐ ment veux-tu nous consulter s’il n’y a pas de projet? Ils n’avaient pas de réponses à nos questions. Ça prend des réponses et un projet solide avant de passer en consulta‐ tion.

Norman Young, maire de Kipawa

M. Young se dit déçu que les représenta­nts de la com‐ munauté de Kebaowek semblent se prononcer au nom des Premières Nations de la région.

Je suis algonquin. Le pro‐ jet, tel qu’il était présenté, ne tombe pas dans mes valeurs. C’était difficile d’accepter que des leaders algonquins locaux disent le contraire en parlant au nom des Premières Na‐ tions, déplore-t-il.

Norman Young reven‐ dique la création d’un comité impliquant davantage la mu‐ nicipalité de Kipawa, sans quoi le projet pourrait diffici‐ lement avancer.

Des rencontres d’échanges publiques avec les commu‐ nautés sont prévues par les promoteurs du projet dès l’automne prochain.

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