Gérard Depardieu dans le film Maigret, présenté à Fantasia

Patrice Leconte, à qui l’on doit notamment la saga Les Bronzés, a porté au grand écran les aventures du commissaire Maigret, personnage emblématique de George Simenon, avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre. Le film sera pré‐ senté mardi soir en pre‐ mière nord-américaine au Festival Fantasia, à Mont‐ réal, avant de sortir à la grandeur du Québec ven‐ dredi.

Sorti en France au prin‐ temps, le long métrage est une adaptation libre du ro‐ man Maigret et la jeune morte, qui tourne autour de la découverte du corps d’une jeune fille sans papiers au Square des Batignolles, dans le Paris des années 1950.

Cela faisait plus de six dé‐ cennies que le personnage créé par George Simenon n’avait pas fait la transition du papier au grand écran, Jules Maigret ayant été personnifié pour la dernière fois au ciné‐ ma par Jean Gabin dans trois films sortis dans les an‐ nées 1950 et 1960. Cette foisci, c’est le monstre sacré du ci‐ néma français Gérard Depar‐ dieu qui prend les traits du rondelet et bourru commis‐ saire, chef de la brigade crimi‐ nelle de la police judiciaire de

Paris.

Pourquoi Patrice Leconte a-t-il choisi de travailler avec

Gérard Depardieu, qui malgré son talent évident s’est empê‐ tré dans toutes sortes de scandales dans les dernières années? L’acteur a notam‐ ment été mis en examen par la justice française au mois de mars pour des viols et des agressions sexuelles dont l'ac‐ cuse depuis l'été 2018 la co‐ médienne Charlotte Arnould.

Sincèrement, même si je suis au courant de tout ça, j’ai voulu faire égoïstement ce film avec Gérard Depardieu dans le rôle du commissaire Maigret, explique le réalisa‐ teur, qui ne voyait personne d’autre pour incarner le héros de Simenon.

Maigret et Depardieu, deux grands observateurs

De Dominique StraussKhan

à Cyrano de Bergerac en passant par Obélix, Gérard Depardieu est connu pour ses rôles plus grands que nature. Toutefois, dans Maigret, son jeu est tout en retenue, à l’image du personnage qu’il in‐ carne, un homme simple à l’attitude placide, selon Pa‐ trice Leconte. Maigret et De‐ pardieu sont d’ailleurs simi‐ laires sur plusieurs plans, poursuit le cinéaste.

Maigret adore se poser. Il aime écouter, regarder, noter, que rien ne lui échappe, mais il ne force jamais les choses. Et c’est vrai que Depardieu est comme ça, explique le réalisa‐ teur. Sur un tournage, il voit tout; ses yeux sont des lasers. Il remarque tout, il note tout et il s’intéresse à tout.

Au-delà de cet esprit analy‐ tique commun et des ressem‐ blances physiques entre le personnage et l’acteur, Patrice Leconte avoue qu’il tenait aussi à travailler avec Gérard Depardieu pour sa générosité sur les plateaux de tournage, un corollaire de sa grande passion pour le jeu.

J’ai compris un truc en tra‐ vaillant avec lui : il adore jouer, explique le réalisateur. Il adore être acteur, c’est sa vie. Le dimanche, pendant le tournage, quand je l’appelais pour lui demander "ça va Gé‐ rard?" Il répondait "non, ça ne va pas, je me fais chier. C’est dimanche, on ne tourne pas. Vivement demain."

Quant à savoir s’il y aura une suite à Maigret, Pierre Le‐ conte est catégorique : ce sera son seul film sur le commis‐ saire. La question se pose puisque George Simenon a écrit 75 romans de Maigret; du matériel pour plusieurs suites.

J’ai voulu faire délibéré‐ ment un film de cinéma. C’est pour ça que j’ai appelé le film Maigret et non Maigret et la jeune morte, c’est pour échapper à la notion de série. Mais peut-être qu’un jour je ferai Maigret fait du ski, a conclu le réalisateur, en clin d'oeil au deuxième film de sa trilogie Les Bronzés.

Ce texte a été écrit à partir d'une entrevue réalisée par Isabelle Craig pour l'émission Pénélope. Les propos ont pu être édités à des fins de clar‐ té ou de concision.