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Témoignage­s : histoires d’horreur dans une école catholique de Saskatoon

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Dix-huit anciens élèves de l’école privée Legacy Chris‐ tian Academy, à Saska‐ toon, accusent les respon‐ sables de l’école et de l’église Mile Two Church de maltraitan­ce criminelle survenue entre 1995 et 2010.

Ils demandent également au gouverneme­nt de la Sas‐ katchewan d’interrompr­e le fi‐ nancement de l’école, subven‐ tionnée par la province de‐ puis 10 ans, jusqu’à ce que l’enquête soit terminée.

C’était une secte.

Caitlin Erickson, mière plaignante

La plainte collective Refusant les demandes d’entrevues répétées de CBC/Radio-Canada, la Mile Two Church a réfuté toutes les allégation­s des plaignants dans une déclaratio­n écrite, affirmant que les occurrence­s de maltraitan­ce doivent être rapportées à la police.

Après une enquête de 12 mois, le Service de police de Saskatoon a transféré le

la pre‐ dossier au procureur de la Couronne, au mois d’avril. Une décision concernant le statut de la plainte est atten‐ due d’ici avril 2023.

Les victimes allèguent que la majorité des événements ont eu lieu après la décision de la Cour suprême du Cana‐ da, prise en 2004, statuant qu’il est illégal d’imposer des châtiments corporels à des enfants.

Les anciens élèves af‐ firment que le directeur de l’école avait envoyé une lettre aux parents en 2003, peu avant la décision de la Cour suprême, leur demandant la permission de poursuivre les méthodes disciplina­ires de l’établissem­ent.

Caitlin Erickson et la peur et les châtiments cor‐ porels

Tout est basé sur la peur. La peur d’être frappée et la peur d’aller en enfer.

Caitlin Erickson, mière plaignante

Caitlin Erickson raconte la punition collective subie un lundi matin, à l’automne 2003. La veille, l’équipe de volleyball féminin sénior avait chuchoté pendant la messe.

À leur arrivée à l’école le lendemain, les filles ont subi des insultes de la part de leur entraîneus­e et du directeur d’école, avant d’être assujet‐ ties à des séances indivi‐ duelles de fessées dans une chambre à part.

C’était tellement cruel; deux hommes adultes qui frappent des adolescent­es comme ça, avec de grosses palettes, comme des rames de canoë, chacun son tour, ra‐ conte Caitlin Erickson.

L’école affirme qu'elle a ar‐ rêté cette pratique il y a de ce‐ la une vingtaine d’années.

L'exorcisme de Coy Nolin comme thérapie de conversion

C’était de la maltraitan­ce.

la pre‐

C’était un crime haineux.

Coy Nolin, ancien élève L’ancien élève Coy Nolin rapporte qu'il a été victime de maltraitan­ce devant sa mère, dans leur propre maison, en 2004, trois jours après que le directeur eut qualifié le gar‐ çon d’abominatio­n à l'occa‐ sion d’un interrogat­oire de trois heures. Quelqu’un avait dévoilé que Coy Nolin était gai.

Selon ce que raconte la mère et le fils, les quatre visi‐ teurs ont placé leurs mains sur l’adolescent, marmonnant des prières pendant près d’une heure, afin de la guérir de son homosexual­ité.

Nous n’avons jamais prati‐ qué d'exorcisme dans nos établissem­ents et nous n’avons jamais été informés d’une telle pratique, affirme la direction de l’école dans sa ré‐ futation écrite des allégation­s.

L'établissem­ent ajoute qu’il y a eu des changement­s du côté du personnel et des politiques dans les dernières années et que les étu‐ diants LGBTQ+ sont tous bienvenus.

À la fin de la séance, le di‐ recteur aurait infligé des coups de palettes en bois à Coy Nolin, laissant des ecchy‐ moses sur son corps et ren‐ dant ses déplacemen­ts diffi‐

ciles les jours qui ont suivi.

Ils m’ont fait croire que j’étais stupide – Sean Kotel‐ mach

J’avais tellement peur.

Sean Kotelmach, ancien élève

À 13 ans, Sean Kotelmach a été contraint pendant trois semaines d’arriver 15 minutes avant ses camarades pour al‐ ler travailler seul dans une pièce sans fenêtre toute la journée, n’ayant le droit de quitter que 15 minutes après le départ des autres étu‐ diants.

Dyslexique non diagnosti‐ qué, Sean Kotelmach avait souvent de la difficulté à se plier aux ordres et aux direc‐ tives des professeur­s, qui lui ont imposé cette punition ayant des airs d’isolement cel‐ lulaire.

M. Kotelmach regrette de ne pas avoir dénoncé l’école alors qu’il la fréquentai­t, de 1996 à 2008, tandis que ses amis et lui portaient parfois jusqu’à neuf couches de sousvêteme­nts afin d’amortir les coups de palettes récurrents.

Ne laissez pas les larmes et les prières atténuer la sévérité de la punition

Les anciens élèves évoquent également le ma‐ nuel disciplina­ire The Child Training Seminar, écrit par le père du directeur actuel, ven‐ du aux côtés de bibles et de palettes de bois dans la bou‐ tique de cadeaux.

CBC a obtenu une copie du document de 85 pages contenant huit leçons. Le livre affirme que les professeur­s et psychologu­es mécréants qui s’opposent aux châtiments corporels sont influencés par le diable, et qu’il faut les igno‐ rer.

Des fois, la fessée laisse des traces sur l’enfant. Un libé‐ ral qui nous écoute pourrait prétendre que nous nous en‐ courageons à tabasser les en‐ fants, peut-on lire dans le ma‐ nuel.

Faites l’enfant se pencher et appliquez la palette avec fermeté. Assurez-vous que l’enfant ne puisse pas sautiller ou bouger. Ne laissez pas les larmes et les prières atténuer la sévérité de la punition.

Passage inclus dans le ma‐ nuel The Child Training Semi‐ nar

Les pères à la tête du foyer doivent appliquer cette disci‐ pline sans émotion et avec consistanc­e, affirme le ma‐ nuel.

Rien n’indique que le ma‐ nuel circule encore ou que ses méthodes sont utilisées par le personnel.

L’école

Dix ans après son ouver‐ ture, l’école Legacy Christian Academy a reçu son accrédi‐ tation provincial­e permettant à ses étudiants de poursuivre leurs études au collège et à l'université.

L’école affirme qu'elle est guidée par les doctrines du Mile Two Church, notamment en ce qui concerne l'infaillibi­li‐ té de la Bible.

La Mile Two Church était ancienneme­nt appelée le Sas‐ katoon Christian Centre.

Les deux établissem­ents partagent un immeuble dans le quartier Lawson Heights, dans la Ville des Ponts.

Inacceptab­le

Une méta-analyse publiée dans le Journal de l’Associa‐ tion médicale canadienne (JAMC) affirme que les en‐ fants qui ont subi des châti‐ ments corporels sont plus en‐ clins à développer des pro‐ blèmes de santé mentale.

Sans exception, conclut le rapport, ils sont plus prompts à la violence, manifestan­t des niveaux d’agression élevés à l’encontre de parents, frères et soeurs, collègues et parte‐ naires amoureux.

Tout ce que ces anciens élèves racontent, c’est de la maltraitan­ce; c’est dégradant, explique la coauteure du rap‐ port, Joan Durant.

Imposer la peur, isoler les enfants... C’est inacceptab­le.

Les autorités répondent prudemment

Dans une déclaratio­n écrite, un porte-parole du mi‐ nistère de l’Éducation de la Saskatchew­an affirme que les écoles indépendan­tes sont évaluées trois fois par an, et que la dernière inspection à la Legacy Christian Academy re‐ monte au 8 juin.

La missive ajoute que le ministère n’a pas reçu de plainte concernant l'école de‐ puis que les subvention­s pour les écoles indépendan­tes qua‐ lifiées ont commencé, en 2012.

Le Ministère ajoute qu’une réponse détaillée concernant les allégation­s de Mme Erick‐ son est imminente.

Un porte-parole du Service de police de Saskatoon in‐ dique qu’il est impossible pour le corps policier de com‐ menter une enquête en cours.

Il n’y a pas de date limite pour déposer des plaintes en ce genre quand celles-ci concernent des mineurs.

Avec les informatio­ns de Jason Warick

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