Nucléaire iranien : une énième ronde de négociations à Vienne
Les négociateurs iraniens, européens et américains reprennent la route de Vienne pour entamer une nouvelle phase des négo‐ ciations en vue de ressusci‐ ter l’accord sur le nucléaire iranien.
Hormis une rencontre in‐ fructueuse à Doha, la capitale du Qatar, les négociations sont suspendues depuis le mois de mars.
En route vers Vienne pour discuter du retour à la pleine application du JCPOA, a twee‐ té mercredi le coordinateur de l'Union européenne En‐ rique Mora, en référence à l'acronyme anglais désignant l'accord de 2015 censé empê‐ cher la République islamique d’Iran de se doter de l'arme atomique et permettre une levée des sanctions contre Té‐ héran.
Le négociateur en chef ira‐ nien Ali Bagheri a tweeté de son côté : Direction Vienne pour faire avancer les négo‐ ciations, renvoyant la balle dans le camp de Washington.
L'émissaire américain Ro‐ bert Malley a également an‐ noncé son déplacement dans la capitale autrichienne. Nos attentes sont mesurées, mais les États-Unis accueillent avec bienveillance les efforts de l'UE et sont prêts de bonne foi à tenter de trouver un accord, a-t-il dit. Et d'ajouter, en écho aux avertissements de Téhé‐ ran : On sera vite fixés pour savoir si l'Iran est prêt à la même chose.
Le 26 juillet dernier, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a soumis un projet de compromis et a ap‐ pelé les parties à l'accepter pour éviter une dangereuse crise.
M. Borrell avait souligné que sa proposition abordait en détail la levée des sanc‐ tions imposées à l'Iran et les mesures nécessaires pour ré‐ tablir le pacte nucléaire de 2015.
L'Iran s'était dans la foulée montré optimiste, M. Bagheri se disant prêt à conclure les négociations dans de courts délais.
Négociations par mes‐ sages interposés
Même si les négociateurs n’étaient pas assis face à face, ils n’ont pas arrêté durant ces quelques mois de suspension de négocier à distance à coups de messages média‐ tiques dans un contexte géo‐ politique tumultueux.
L’ultime message envoyé par Téhéran à la partie améri‐ caine est la mise en service de centaines de centrifugeuses, y compris les centrifugeuses avancées IR-6. Cette informa‐ tion a été donnée par le porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie ato‐ mique (OIEA), Behrouz Kamal‐ vandi, et confirmée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui a été informée plus tôt.
Dans une entrevue à la chaîne qatarie Al-Jazira, Kamal Kharazi, le président du Conseil stratégique des rela‐ tions internationales, a décla‐ ré le 17 juillet dernier que l’Iran avait les capacités tech‐ niques de fabriquer une bombe nucléaire tout en pré‐ cisant que son pays n’avait pas pris la décision de fabri‐ quer une bombe.
Par ailleurs, M. Kharrazi a également mentionné que l’Iran avait mené de vastes manoeuvres pour pouvoir frapper Israël si ses installa‐ tions sensibles sont prises pour cibles.
Israël, qui s’oppose à l’ac‐ cord nucléaire, affirme régu‐ lièrement qu’elle se donne le droit d’agir pour empêcher Té‐ héran d’acquérir l’arme ato‐ mique.
Dans la foulée de ces dé‐ clarations, l’Iran a annoncé l’arrestation de trois étran‐ gers, dont un diplomate bri‐ tannique, pour « espion‐ nage ».
La semaine dernière, Téhé‐ ran a affirmé avoir arrêté cinq membres d’un groupe présu‐ mé d’espionnage lié au Mos‐ sad.
Les Américains, pour leur part, ont annoncé cette se‐ maine de nouvelles sanctions contre le secteur pétrolier ira‐ nien, déjà frappé par une série de sanctions, et qui repré‐ sente une source de revenus essentielle pour le pays.
Ainsi, six entreprises de transport pétrolier ont été vi‐ sées par les sanctions du dé‐ partement d’État et celui du Trésor.
Rapprochement avec la Russie
Lors de son voyage à Téhé‐ ran le 19 juillet dernier, le pré‐ sident russe Vladimir Poutine a reçu le soutien du guide de la Révolution iranienne dans la guerre contre l’Ukraine.
De son côté, M. Poutine a exprimé son soutien pour la levée complète des sanctions contre l’Iran.
Par ailleurs, un contrat d’une valeur de 4 milliards de dollars pour le développe‐ ment de sept champs pétro‐ liers iraniens a été annoncé lors de cette visite.
Conclu par l'Iran et par six puissances (Russie, États-Unis, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), le JCPOA vise à garantir le caractère civil du programme nucléaire de l'Iran, accusé de chercher à se doter de l'arme atomique malgré ses démentis.
À la suite du retrait unilaté‐ ral en 2018 des États-Unis sous l'impulsion de Donald Trump et du rétablissement des sanctions américaines, Té‐ héran s'est progressivement affranchi de ses obligations.
L'Iran a ainsi dépassé le taux d'enrichissement d'ura‐ nium de 3,67 % fixé par le JC‐ POA, montant à 20 % début 2021. Puis, il a franchi le seuil inédit de 60 %, se rappro‐ chant des 90 % nécessaires à la confection d'une bombe, tout en limitant l'accès aux inspecteurs de l'AIEA.