Radio-Canada Info

Nancy Pelosi veut montrer un « appui sans équivoque » à la démocratie taïwanaise

-

Malgré les menaces et la colère des autorités chi‐ noises, la présidente de la Chambre des représen‐ tants des États-Unis, Nancy Pelosi, est arrivée à Taï‐ wan, où elle se prépare pour une journée de ren‐ contres dans un contexte de vives tensions.

Selon des médias locaux, elle va s’entretenir avec la pré‐ sidente de Taïwan, Tsai Ingwen, mercredi, avant de re‐ partir en fin de journée pour poursuivre son voyage en Asie.

Dans une lettre ouverte publiée par le Washington Post quelques instants après son arrivée, Mme Pelosi écrit que cette visite montre l’ap‐ pui sans équivoque des ÉtatsUnis à la vibrante démocratie taïwanaise.

Nous ne pouvons rester immobiles pendant que le PCC [Parti communiste chi‐ nois] continue de menacer Taïwan, et la démocratie ellemême, ajoute-t-elle, évoquant notamment la répression bru‐ tale de Pékin contre des mani‐ festants prodémocra­tie à Hong Kong et le traitement de la minorité musulmane ouïgoure.

La solidarité de l'Amérique avec les 23 millions d'habi‐ tants de Taïwan est plus im‐ portante aujourd'hui que ja‐ mais, alors que le monde est confronté à un choix entre autocratie et démocratie.

Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représen‐ tants des États-Unis

Elle écrit toutefois que cette visite ne contredit en aucun cas la politique de longue date des États-Unis dans la région. Depuis 1979, les États-Unis ne recon‐ naissent qu'un seul gouverne‐ ment chinois, celui de Pékin, tout en continuant à apporter un soutien décisif à Taipei. De‐ puis des décennies, Washing‐ ton cultive également une ambiguïté stratégiqu­e à l’égard de Taïwan, s’abstenant de dire s’il défendrait ou non militairem­ent l’île en cas d’in‐ vasion des forces chinoises.

Au cours des derniers jours, des représenta­nts de l'administra­tion Biden ont tenté de minimiser la portée de cette visite.

Le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kir‐ by, a noté qu’elle n’était pas sans précédent, rappelant qu’un ancien président de la Chambre des représenta­nts, Newt Gingrich, s’était rendu à Taïwan en 1997.

S'exprimant après l'arrivée de Nancy Pelosi, il a ajouté que cette visite ne constituai­t pas une violation de la souve‐ raineté chinoise et ne contre‐ venait en rien à la politique américaine d'une seule Chine.

Il n'y a aucune raison pour que cette visite devienne l'élé‐ ment déclencheu­r d'une crise, d'un conflit ou d'un prétexte que les Chinois pourraient en‐ suite utiliser pour justifier une action militaire, a-t-il déclaré mardi sur les ondes de CNN.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a pour sa part expliqué que la décision de la présidente de la Chambre des représenta­nts de se rendre à Taïwan ne rele‐ vait pas de la Maison-Blanche, le Congrès étant une entité in‐ dépendante.

Menaces et représaill­es Quoi qu’il en soit, Pékin a immédiatem­ent dénoncé l'ar‐ rivée de la présidente de la Chambre américaine des re‐ présentant­s à Taïwan et a ar‐ gué une grave violation de la souveraine­té et de l'intégrité territoria­le de la Chine.

L'ambassadeu­r américain à Pékin, Nicholas Burns, a été convoqué pour lui reprocher le voyage choquant de Mme Pelosi, selon les médias d'État chinois.

Le ministère chinois des Affaires étrangères dit aussi y voir une atteinte aux fonde‐ ments politiques des relations entre la Chine et les ÉtatsUnis, alors que la question de Taïwan est la plus sensible et la plus importante de ces rela‐ tions bilatérale­s.

Pékin considère Taïwan comme une partie de son ter‐ ritoire à réunifier, par la force si nécessaire, et a plusieurs fois mis en garde Washington contre une visite de Nancy Pelosi, qu'il perçoit comme une provocatio­n majeure.

Signe de la colère de Pékin, des avions de chasse ont été aperçus dans le détroit de Taï‐ wan avant et après l'arrivée de Nancy Pelosi.

Le gouverneme­nt taïwa‐ nais a précisé que plus de 20 avions militaires chinois ont effectué une incursion dans sa zone de défense aé‐ rienne, mardi.

Ces incursions seront ap‐ pelées à se reproduire au cours des prochains jours, puisque la Chine a annoncé avoir placé son armée en état d'alerte et vouloir tenir des actions militaires ciblées en réponse à la visite de Mme Pelosi.

Une annonce aussitôt condamnée par le ministère taïwanais de la Défense sur Twitter. Le ministère a accusé la Chine de vouloir menacer les ports et les villes de Taïwan et de chercher à intimider psychologi­quement ses ci‐ toyens.

En plus des menaces et des démonstrat­ions de force, le gouverneme­nt chinois a ex‐ primé son mécontente­ment par la voie économique, lundi soir, interdisan­t l'importatio­n de 3000 produits alimentair­es taïwanais et de produits ali‐ mentaires de plus de 100 fa‐ bricants.

Des tensions « extrê‐ mement élevées »

À en croire le porte-parole du Conseil de sécurité natio‐ nale des États-Unis, John Kir‐ by, cela pourrait constituer la première de plusieurs rondes de sanctions. Ce dernier est d'avis que la Chine se posi‐ tionne de manière à imposer d’autres mesures de coerci‐ tion économique à Taïwan.

Ce qui n’empêchera pas les États-Unis, a-t-il assuré, de continuer de mener des acti‐ vités dans les cieux et les eaux de la mer de Chine orientale.

Professeur de relations in‐ ternationa­les à l'Université Temple à Tokyo, Benoît Har‐ dy-Chartrand s’attend pour sa part à voir la Chine multiplier les exercices militaires au cours des prochaines se‐ maines.

La Chine veut montrer qu’il y a une ligne rouge qui doit être respectée par les Américains et tous les autres pays du monde par rapport à Taïwan, a-t-il expliqué au mi‐ cro de Midi info.

S’il ne croit pas que la visite de Mme Pelosi constitue un point de rupture dans les rela‐ tions entre la Chine et les États-Unis, il estime qu’elle donnera lieu à l’une des pires périodes dans les relations si‐ no-américaine­s depuis la re‐ prise des relations diploma‐ tiques entre les deux pays en 1979.

Que ce soit sur le plan du commerce ou des pourparler­s sur le climat et d’autres en‐ jeux, il anticipe que l’ensemble des relations fonctionne­lles entre les pays seront très dif‐ ficiles dans les prochains mois.

C’est ce qui explique, d’après lui, la raison pour la‐ quelle des représenta­nts de la Maison-Blanche se sont éver‐ tués à dire qu'ils ne pouvaient rien faire pour empêcher la vi‐ site de Mme Pelosi.

Ils sont clairement incon‐ fortables face à cette visite, parce que ça vient tout sim‐ plement compliquer une rela‐ tion qui était déjà extrê‐ mement délicate entre les deux pays.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada