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Coupable de violence conjugale, un Gatinois reçoit une absolution conditionn­elle

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Un Gatinois qui a reconnu avoir causé des lésions à sa conjointe après l'avoir étranglée, menacée et agressée a reçu une abso‐ lution conditionn­elle afin de protéger sa carrière et qu'il puisse continuer de voyager à l’étranger avec ses enfants.

Le juge Serge Laurin a don‐ né une absolution assortie de nombreuses conditions à Jo‐ shua Schoo le 27 juillet der‐ nier en chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec.

L’homme a reconnu avoir été violent lors d’une dispute en mars 2021 avec celle qui était son épouse depuis 17 ans ainsi que la mère de ses 4 enfants. Il a plaidé cou‐ pable à trois chefs d'accusa‐ tion de violence conjugale.

Au moment des faits, Jo‐ shua Schoo venait de réinté‐ grer la maison familiale après avoir eu une relation ex‐ traconjuga­le pendant plu‐ sieurs mois. Il avait d’ailleurs encouragé sa conjointe à for‐ mer elle-même une telle rela‐ tion.

Mais lorsque son épouse lui a annoncé qu’elle avait ren‐ contré un autre homme, M. Schoo l’a mal pris, détaille le jugement en anglais.

« Un coeur brisé »

L’homme, qui avait com‐ mencé à boire plus tôt cette même journée, s’est mis à in‐ sulter sa conjointe et à lancer des objets hors des fenêtres de la résidence. Il a défoncé la porte de la chambre à cou‐ cher où la femme s’était réfu‐ giée, s’est assis sur sa poitrine, a tenu un oreiller contre son visage et sa main contre son cou et son visage.

Des enfants du couple ont été témoins de l’agression. C’est d’ailleurs leur fille de 13 ans qui a appelé la police, rapportant que son père bat‐ tait sa mère et qu’il était in‐ toxiqué, indique le jugement.

Cette agression a laissé à la femme plusieurs ecchymoses aux bras et aux poignets, des égratignur­es aux épaules et de fortes marques rouges à la base du cou.

Dans un courriel présenté en cour, la victime dit avoir été brisée par cet événement pendant lequel elle croyait qu’elle allait mourir. « Je pleure pour mes enfants qui, je l'es‐ père, guériront un jour et pour ma famille que je pen‐ sais [inviolable]. C'est ma vie, ma nouvelle réalité. Un coeur brisé, une maison brisée, loin du rêve que j'avais autrefois », a-t-elle écrit.

Des circonstan­ces atté‐ nuantes

Le juge Serge Laurin a noté plusieurs circonstan­ces atté‐ nuantes.

La preuve n'a pas montré d'antécédent­s de violence conjugale pendant leur ma‐ riage. Les preuves ont montré quelques confrontat­ions entre eux mais pas de vio‐ lence physique. Il s'agissait d'un événement isolé au cours d'un mariage de 17 ans, a-t-il écrit.

Il note également que l’homme a déjà passé une im‐ portante période de temps en thérapie sans attendre que le jugement le lui impose, qu’il a arrêté de consommer de l’al‐ cool et qu’il a exprimé des re‐ mords sincères.

Alors que la Couronne ré‐ clamait six mois d’emprison‐ nement, le juge a estimé que cela mettrait en péril l’emploi de Joshua Schoo à la Ville d’Ottawa et par conséquent, les revenus de la famille.

M. Schoo évite également d'avoir un casier judiciaire pour ces infraction­s, puis‐ qu’avec un tel dossier, il de‐ vrait être impossible pour lui de rendre visite à sa soeur aux États-Unis et d'y passer des vacances avec ses enfants. De plus, cela [pourrait l'empê‐ cher] de faire des travaux communauta­ires dans son église, note le document.

Joshua Schoo sera soumis à une période de probation de deux ans, pendant laquelle il ne pourra contacter la vic‐ time d’aucune façon ni s’en approcher. Il devra également poursuivre ses thérapies, ef‐ fectuer 250 heures de travaux communauta­ires et verser 5000 $ à un organisme.

Le DPCP porte en appel la décision du juge

En soirée jeudi, le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) a annoncé qu’il portait en appel la peine imposée à Joshua Schoo et qu’un avis d’appel avait été déposé dans la journée.

En raison des procédures judiciaire­s qui se poursuiven­t, le DPCP ne peut commenter davantage cette cause pour le moment, peut-on lire dans un Tweet.

Un cas qui soulève beau‐ coup de questions

Soulignant la gravité de la situation, et rappelant qu’une tentative d'étrangleme­nt est souvent un facteur de risque important pour les homicides conjugaux ou intrafamil­iaux, Louise Riendeau, porte-parole du Regroupeme­nt des mai‐ sons pour femmes victimes de violence conjugale, sou‐ ligne que cette décision de justice soulève beaucoup de questions.

C’est comme une gifle au visage, à tout le travail que nous avons effectué, com‐ mente pour sa part la direc‐ trice d'Hébergemen­t femme Canada, Lise Martin. Nous avons la forte impression que les violences faites aux femmes sont un problème de société et non un problème personnel. Et une partie de cette décision m’envoie ce message, que cette personne a clairement le sentiment que l’emploi d’un homme est plus important que la vie de cette femme, poursuit-elle.

Coordonnat­rice aux com‐ munication­s et relations pu‐ bliques du Réseau des Centres d'aide aux victimes d'actes criminels (CAVAC), Ma‐ rie-Christine Villeneuve trouve également étonnant cette dé‐ cision dans un contexte où existe non seulement une prise de conscience de la gra‐ vité de ce type d’incidents, mais aussi de nombreux changement­s porteurs d’es‐ poir au sein du système de justice, des changement­s qui visent à mieux soutenir les personnes victimes .

Je pense qu’au moment où, en tout cas au Québec, on tente de rebâtir la confiance des victimes dans le système de justice, ce n’est certaine‐ ment pas un jugement qui va y contribuer, regrette pour sa part Louise Riendeau.

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