Sanimax menace de quitter Rivière-des-Prairies
Un nouveau règlement de la Communauté métropoli‐ taine de Montréal (CMM) pousse Sanimax à évoquer pour la première fois la possibilité de fermer son usine de transformation de carcasses animales de Ri‐ vière-des-Prairies, à Mont‐ réal.
Autant ce départ ferait le bonheur des riverains, qui se plaignent depuis deux ans des odeurs nauséabondes émises par les activités d'équarrissage de l'entreprise, autant il aurait d'importantes répercussions sur l'ensemble de l'industrie agroalimentaire québécoise.
Sanimax se plaint que le nouveau règlement sur la pol‐ lution atmosphérique de la CMM l'obligera notamment à respecter un seuil d’odeur en tout temps et qu'il donnera le pouvoir aux autorités munici‐ pales de suspendre ou de ré‐ voquer des permis en cas de non-conformité.
Mais surtout, ledit règle‐ ment forcera l'entreprise à construire d'ici 18 mois un ga‐ rage ventilé afin d'accueillir les camions qui viennent à l'usine pour décharger leur marchan‐ dise – des camions non réfri‐ gérés, qui sont la source d'émanations particulière‐ ment pénibles pour le voisi‐ nage lors des chaudes jour‐ nées d'été.
De telles exigences sont trop contraignantes au goût de la compagnie, qui était éta‐ blie dans le secteur bien avant que la Ville de Montréal ne permette la construction de résidences à proximité.
La situation est très préoc‐ cupante, a-t-elle déclaré par courriel, mardi, reprenant l'es‐ sentiel d'un argumentaire présenté en primeur au quoti‐ dien Le Devoir.
Nous pouvons vous confirmer qu’appliqué tel quel et de façon stricte, le règle‐ ment aurait bel et bien pour impact direct de révoquer nos permis, ce qui mettrait fin à nos opérations à Montréal, avec des répercussions envi‐ ronnementales, sanitaires et agroalimentaires importantes partout au Québec. L'industrie s'inquiète
Le Conseil de l'industrie de la transformation alimentaire aimerait que l'usine puisse continuer à opérer, comme c'est le cas en ce moment, de manière à pouvoir répondre aux exigences environnemen‐ tales.
Selon son vice-président
Dimitri Frayes, la fermeture des installations de Sanimax à Montréal équivaudrait à arrê‐ ter la valorisation de ce qu'on appelle les sous-produits de viande, principalement le porc et le poulet.
Ça aurait un impact envi‐ ronnemental, car il faudrait que ces produits soient diri‐ gés vers les sites d'enfouisse‐ ment, et ça aurait un impact économique, parce que, dans le cadre des principes de dé‐ veloppement durable, [une telle usine] permet de récupé‐ rer et de valoriser la matière, allègue-t-il.
Si l'usine de Sanimax de‐ vait fermer, ce serait 25 000 camions qui seraient dirigés vers des sites d'en‐ fouissement. Est-ce que ça règle la situation? Je ne pense pas. Ça ferait juste la déplacer.
Dimitri Frayes, vice-pré‐ sident innovation et affaires économiques, Conseil de la transformation alimentaire du Québec
L'administration Plante, elle, demeure déterminée à serrer la vis à Sanimax et tient mordicus à freiner les pro‐ blèmes d'odeur qui émanent des activités de l'entreprise. Son cabinet déplore notam‐ ment que des discussions s'étant échelonnées sur deux ans n'aient pas permis aux parties de s'entendre.
Nous ne pouvons faire de compromis sur la qualité de vie de nos citoyens et sur l’im‐ pact environnemental qu’ont les activités de l’entreprise sur notre territoire, a-t-il argué dans une longue déclaration transmise à Radio-Canada. Ce que nous souhaitons, c’est qu’elle se conforme aux normes et réduise ses nui‐ sances.
De son côté, Sanimax af‐ firme notamment que la construction d'un garage ven‐ tilé fait partie des engage‐ ments que [ses dirigeants sont] prêts à prendre.
L'entreprise soutient tou‐ tefois que les conditions ne sont pas réunies pour procé‐ der à un tel investissement, contrairement à celui annon‐ cé en avril lors du dévoile‐ ment du plan d’action gouver‐ nemental pour réduire les odeurs et améliorer la qualité de vie des riverains de l'usine de Charny, à Lévis.
Elle affirme entre autres que le zonage actuel ne lui permettrait pas d'entre‐ prendre de tels travaux – ce à quoi le cabinet de la mairesse Plante rétorque que l'entre‐ prise pourra déposer de plein droit une demande de permis pour construire son garage dès septembre.
Une atmosphère ten‐ due
Officiellement, la Ville et Sanimax se disent disposées à discuter. Mais les relations entre les deux parties sont pour le moins crispées, no‐ tamment en raison d'un com‐ bat juridique parallèle qui les oppose. La Ville a transmis plusieurs avis de non-confor‐ mité à l'entreprise, que celle-ci conteste devant les tribu‐ naux.
De fait, les discussions ont été mises sur pause en 2021 et sont actuellement au point mort, ont confirmé les deux parties mardi.
Le climat s'est à ce point dégradé que, plus tôt cet été, les élus ont été exclus du co‐ mité de bon voisinage créé par Sanimax pour favoriser une cohabitation harmo‐ nieuse avec la communauté.
À preuve que le sujet est délicat : outre le Conseil de l'industrie de la transforma‐ tion alimentaire, aucune des parties concernées n'a sou‐ haité accorder d'entrevue à Radio-Canada sur le sujet mardi.
Un dénouement cet au‐ tomne?
Adopté le 16 juin dernier, le règlement honni de Sani‐ max doit encore être approu‐ vé par Québec avant d'entrer en vigueur. La CMM a deman‐ dé au ministère de l'Environ‐ nement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) de lui remettre son avis de conformité d'ici la miaoût, si possible, mais la déci‐ sion n'a pas encore été prise.
Pour le ministère [...], il est important que les différents acteurs concernés arrivent à trouver un terrain d’entente qui tient compte à la fois des impacts sur les populations avoisinantes, sur l’environne‐ ment et sur la chaîne agroali‐ mentaire, a indiqué Rosalie Tremblay-Cloutier, l’attachée de presse du ministre Benoit Charette.
Sanimax affirme qu'il est inexact de dire qu'elle est in‐ tervenue auprès du MELCC pour le convaincre de ne pas donner suite au règlement, mais admet du même souffle avoir communiqué [ses] pré‐ occupations au gouverne‐ ment quant aux impacts envi‐ ronnementaux, sanitaires et agroalimentaires qu'il pour‐ rait avoir.
Les élections québécoises devant être déclenchées au plus tard le 29 août, il n'est pas exclu que les parties concernées doivent attendre après le scrutin du 3 octobre pour savoir si le règlement se‐ ra approuvé par le gouverne‐ ment.
Le cas échéant, une séance d’information publique sera [...] tenue pour expliquer les modifications apportées, a fait savoir la CMM mardi.
Avec les informations d'Olivier Bachand, de Jérémie Bergeron et de Benoît Chap‐ delaine