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Et si l’inflation avait permis aux entreprise­s de majorer leurs profits?

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Dans une nouvelle étude publiée jeudi, l'Institut de recherche et d'informa‐ tions socioécono­miques (IRIS) souligne que les pro‐ fits des entreprise­s cana‐ diennes n'ont jamais été aussi élevés en plus de 20 ans, dans un contexte où l'inflation est pourtant en forte poussée depuis plusieurs mois.

L'IRIS dit en fait avoir ob‐ servé une augmentati­on de plus de 10 % des profits des entreprise­s canadienne­s au cours des quatre derniers tri‐ mestres, bien supérieure à la hausse des salaires. Le coau‐ teur de la recherche Guillaume Hébert soutient que les entreprise­s semblent avoir largement profité du contexte d'inflation pour ma‐ jorer leurs prix, une ma‐ noeuvre qui leur aurait permis d'engranger des profits re‐ cords tout en contribuan­t à l'accélérati­on de l'inflation.

C'est ce qu'il a expliqué en entrevue à RDI, jeudi matin. Le contexte inflationn­iste a probableme­nt permis à cer‐ taines entreprise­s dans cer‐ tains secteurs de faire un peu plus qu'ajuster les prix en fonction des coûts de produc‐ tion, a soutenu M. Hébert.

Une entreprise, quand elle est confrontée à l'inflation, ses coûts de production vont augmenter, a-t-il expliqué. Ce‐ la étant dit, manifestem­ent, il y a eu certains secteurs où les prix ont augmenté encore plus que ce que justifiait l'in‐ flation et donc c'est une des hypothèses qui permet d'ex‐ pliquer que les entreprise­s se retrouvent à ce point plus profitable­s que ce qu'elles étaient avant même la pandé‐ mie.

Son collègue chercheur de l'IRIS Pierre-Antoine Harvey invite par ailleurs les gouver‐ nements à s'assurer de proté‐ ger le pouvoir d'achat des mé‐ nages face aux hausses de prix. À son avis, l'augmenta‐ tion des salaires au niveau de l'inflation est la mesure la plus efficace pour contrer les pro‐ blèmes causés par l'augmen‐ tation générale des prix.

Face aux craintes que la hausse des salaires contribue à l'installati­on d'une spirale où l'inflation nourrirait des augmentati­ons de salaire qui entraînera­ient à leur tour une inflation élevée sur une plus longue période, M. Harvey ré‐ pond que l'ajustement des sa‐ laires au coût de la vie n'a pas d'effet amplificat­eur durable sur l'inflation.

Guillaume Hébert suggère aussi aux gouverneme­nts de compenser l'inflation géné‐ rale en réduisant les tarifs et les prix qu'ils contrôlent tels que les tarifs d'hydroélect­rici‐ té ou le coût des services de garde. Ils peuvent aussi sou‐ tenir les municipali­tés pour qu'elles instaurent la gratuité du transport en commun sur leur territoire.

L'étude réclame aussi la mise en place de mesures pour limiter la capacité des entreprise­s d'augmenter exa‐ gérément les prix, comme la surveillan­ce accrue de la concentrat­ion des secteurs et la lutte contre les pratiques de concertati­on sur les prix.

Une solution pire que le problème?

Mais l'IRIS ne s'arrête pas là. Il estime également que la

Banque du Canada fait fausse route en voulant contrôler la poussée inflationn­iste par une succession d'augmenta‐ tions importante­s des taux d'intérêt. Une solution que Guillaume Hébert compare à une massue qui frappe indis‐ tinctement sur tous les pans de l'économie à la fois.

L'Institut de recherche et d'informatio­ns socioécono‐ miques croit que cette straté‐ gie de hausse des taux d'inté‐ rêt pour provoquer un ralen‐ tissement de l'inflation favo‐ rise en fait les milieux finan‐ ciers et fait porter aux mé‐ nages canadiens le poids éco‐ nomique de la lutte contre l'inflation.

On pourrait donner un mandat légèrement différent à la banque centrale et lui in‐ diquer qu'elle peut tolérer un taux d'inflation un peu plus élevé avant de hausser de manière importante les taux d'intérêt comme elle est en train de le faire présenteme­nt, avance Guillaume Hébert.

Depuis le début des an‐ nées 80, à chaque fois, systé‐ matiquemen­t, que la Banque du Canada a tenté de dimi‐ nuer l'inflation en haussant le taux directeur, elle a provo‐ qué une récession. [...] C'est ça le danger. Elle pourrait, la Banque du Canada, avoir un remède qui est pire que le problème que l'on essaie de régler, a ajouté M. Hébert.

Il affirme que certains sec‐ teurs montrent déjà des signes de stabilisat­ion. Soyons patients plutôt que de taper sur l'économie avec une grosse massue.

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