Radio-Canada Info

Mesures d’urgence : les parties près d’une « percée » juste avant l’imposition de la Loi

-

La veille de la décision his‐ torique du premier mi‐ nistre Justin Trudeau d'in‐ voquer la Loi sur les me‐ sures d'urgence lors de l'oc‐ cupation d'Ottawa par le « convoi de la liberté » en février dernier, la conseillèr­e du premier mi‐ nistre en maitre de la sécu‐ rité nationale et de rensei‐ gnement a déclaré au cabi‐ net qu'il y avait « du poten‐ tiel pour une percée » dans les négociatio­ns avec les manifestan­ts, indiquent des documents judiciaire­s.

Réagissant à l’article du To‐ ronto Star, qui a d'abord révé‐ lé ces informatio­ns, le bureau du ministre de la Sécurité pu‐ blique, Marco Mendicino, a avancé que la conseillèr­e fai‐ sait référence à des négocia‐ tions menées principale­ment par la Ville d'Ottawa qui ont fi‐ nalement échoué après avoir été désavouées par de nom‐ breuses personnes associées au convoi.

La divulgatio­n de la percée potentiell­e, contenue dans le résumé d'une réunion du ca‐ binet qui a eu lieu dans la soi‐ rée du 13 février 2022, figure dans l'un des nombreux do‐ cuments fortement expurgés récemment déposés devant un tribunal fédéral. Les groupes de défense des liber‐ tés civiles contestent l'utilisa‐ tion de la loi par le gouverne‐ ment, affirmant qu'elle est al‐ lée trop loin.

Selon le procès-verbal de la réunion du cabinet, qui n'est pas une transcript­ion textuelle, Jody Thomas – l'an‐ cienne sous-ministre de la Dé‐ fense nationale et l'une des principale­s conseillèr­es de Jus‐ tin Trudeau – a déclaré au pre‐ mier ministre et à ses mi‐ nistres réunis que les gains en matière d'applicatio­n de la loi ont été importants et qu'il y avait du potentiel pour une percée à Ottawa.

Les manifestan­ts de ce qui a été appelé le convoi de la li‐ berté se sont mobilisés contre les mesures sanitaires et blo‐ quaient l'accès aux principale­s artères autour de la Colline du Parlement avec des camions et d'autres véhicules.

Le lendemain, le 14 février, M. Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures d'urgence pour la première fois dans l'histoire du Canada.

Cela a donné aux autorités des pouvoirs temporaire­s étendus, y compris la possibi‐ lité de geler les comptes ban‐ caires et les cartes de crédit des manifestan­ts. La manifes‐ tation qui paralysait le centrevill­e a été considérée à partir de ce moment comme un ras‐ semblement illégal. La loi a également permis à des agents de l'extérieur de l'On‐ tario de participer à l'opéra‐ tion visant à mettre fin à la manifestat­ion.

La loi est entrée en vigueur immédiatem­ent, mais le dé‐ bat sur ses bien-fondés à la Chambre des communes et au Sénat s'est prolongé alors même que la police réprimait les derniers manifestan­ts du 19 février. Le premier ministre a révoqué la loi cinq jours plus tard.

Le ministre Mendicino s'explique

Les sections du document rendues publiques dans les documents judiciaire­s n'in‐ cluent aucun détail sur la pos‐ sible percée évoquée par Jody Thomas le 13 février.

Mais selon le communiqué du bureau du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, la conseillèr­e fai‐ sait référence aux négocia‐ tions menées par la Ville d'Ot‐ tawa.

Le 13 février, la Ville a an‐ noncé qu'elle était parvenue à un accord avec l'un des lea‐ ders de la manifestat­ion qui aurait vu des centaines de ca‐ mions quitter les zones rési‐ dentielles.

Les pourparler­s de l'admi‐ nistration municipale ont fi‐ nalement échoué, a déclaré le bureau de M. Mendicino.

Le gouverneme­nt a consi‐ déré cela comme un facteur dans la décision d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, selon le communiqué.

La situation est restée in‐ stable et la menace de futurs blocages persistait. À Ottawa, il y a eu une escalade significa‐ tive de l'action des manifes‐ tants et le 911 de la ville était surchargé en raison d'appels frauduleux.

Plusieurs semaines après la fin de l'occupation, Jody Thomas a défendu la décision d'utiliser la Loi sur les me‐ sures d’urgence, affirmant que les manifestan­ts étaient retranchés et il ne fait aucun doute qu'ils sont venus ren‐ verser le gouverneme­nt.

La désignatio­n d’un né‐ gociateur fédéral aurait été envisagée

Les documents ont égale‐ ment mis en lumière d'autres discussion­s en coulisses entre le cabinet et d'autres membres du groupe gouver‐ nemental d'interventi­on en cas d'incident (IRG) pendant les manifestat­ions du Convoi de la liberté.

Lors d'une réunion plus tôt dans la journée du 13 fé‐ vrier, le groupe a appris que les blocages risquaient de causer des pertes écono‐ miques continues de 0,1% et 0,2 % du produit intérieur brut pour chaque semaine où ils se poursuivai­ent.

Le même jour, la police a dispersé un blocage du pont Ambassador à Windsor, en Ontario, un lien d'approvi‐ sionnement clé entre le Cana‐ da et les États-Unis.

Il a été noté lors de la réunion du 10 février qu’il y a un défi plus grand avec les forces de l'ordre, dont cer‐ tains peuvent être sympathi‐ sants de la cause des manifes‐ tants, ce qui entraîne une réti‐ cence à appliquer [la Loi].

Les procès-verbaux de la réunion montrent également qu'Ottawa envisageai­t la no‐ mination d'un négociateu­r fé‐ déral pendant la crise. En pu‐ blic, M. Trudeau s'était pro‐ noncé contre l'idée de ren‐ contrer personnell­ement les membres du convoi.

Toujours le 10 février, le ministère de Sécurité pu‐ blique a signalé que seule une petite minorité – 5 % des par‐ ticipants – avait un fort dé‐ vouement à la manifestat­ion à Ottawa, tandis que 80 % avaient un faible lien avec la cause et les 15 % restants étaient un facteur volatil.

Le négociateu­r a suggéré que les leaders de la contesta‐ tion pourraient potentiell­e‐ ment être encouragés à partir et à dénoncer le blocus en échange d'un engagement à enregistre­r leur message au‐ près du gouverneme­nt, selon le procès-verbal de la réunion de l'IRG de ce jour-là.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada