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Dépourvus d’abattoir en Gaspésie, des éleveurs de volailles prennent les choses en main

- Alice Proulx

Le peu d'abattoirs à proxi‐ mité de la Gaspésie force des éleveurs de volailles de la Baie-des-Chaleurs à ré‐ fléchir à un modèle d'af‐ faires qui leur permettrai­t d'être rentables, tout en li‐ mitant les impacts du transport sur leurs bêtes et sur l'environnem­ent. Cer‐ tains d'entre eux sou‐ haitent pouvoir abattre leurs animaux directe‐ ment à la ferme.

Récemment établis à Pas‐ pébiac, Vincent Mathieu-Ca‐ dieux et Alexandra HébertDufo­ur exploitent nouvelle‐ ment une entreprise de pro‐ duction de viande de poule, de canard et d'oie.

Comme plusieurs éleveurs dans la région, ils font face à un défi de taille : l'abattoir de volailles le plus proche se trouve à l'île d'Orléans, près de Québec.

On donne beaucoup d’amour et de respect à nos animaux et les faire déplacer cinq heures pour aller les faire tuer, ça cause beaucoup de stress.

Vincent Mathieu-Cadieux, futur éleveur de volailles

On a fait un grand travail pour leur donner un pâturage et pour leur donner de la nourriture qu’ils aiment, et on veut continuer ce processus d’un bout à l’autre. Donc, si on avait un abattoir plus proche ou si on pouvait avoir des ins‐ tallations adaptées pour tuer nos animaux, ça nous aiderait beaucoup, affirme Vincent Mathieu-Cadieux.

La Ferme Le Caprivore à Bonaventur­e souhaitera­it aussi exploiter la chair de ses poules pondeuses, une fois leur vie productive terminée.

Depuis le mois de juin, nous avons le droit d’avoir 500 poules pondeuses et d’en vendre les oeufs. C’est des ani‐ maux qu’on va garder jusqu’à leur fin de vie productive, mais éventuelle­ment, on de‐ vra abattre une certaine por‐ tion d’animaux pour renouve‐ ler les plus vieilles poules et, en même temps, s’assurer qu’il n’y a pas d’arrêt dans la production d’oeufs, explique le propriétai­re de la ferme, Vincent-Olivier Bastien.

Bien qu'il indique que la chair des poules pondeuses ne soit pas particuliè­rement incroyable au goût, par souci de respecter l'animal et l'envi‐ ronnement, M. Bastien espère éviter de la gaspiller.

On ne veut pas avoir à je‐ ter la viande, donc on préfère aller faire abattre même si en‐ core là c’est un stress pour l’animal et que c’est des coûts qui rendent l’activité non ren‐ table.

Vincent-Olivier propriétai­re de

Ferme Le Caprivore

Pour lui, la distance que ses poules devront parcourir pour être tuées à l'abattoir rend caduque la notion de production locale.

C’est des kilomètres qui rendent difficile la justificat­ion d’une viande locale. On veut

Bastien,

la pouvoir nourrir les gens, rap‐ procher les sources d’aliments des gens, mais on leur [les poules] fait faire des centaines de kilomètres, soulève-t-il.

M. Bastien rappelle que les producteur­s doivent assumer les frais de transport de l’ani‐ mal vers l'abattoir, les frais d’abattage ainsi que les frais de transport pour rapporter les carcasses vers la ferme.

De plus petits abattoirs Les nouveaux éleveurs de Paspébiac militent pour implanter un petit abattoir dans la région qui pourrait desservir des fermes comme la leur.

De cette façon, le temps d'attente avant de faire abattre les animaux serait moins important et les pro‐ ducteurs pourraient jouir d'une meilleure accessibil­ité aux services d'abattage.

Dans un gros abattoir, on ne peut pas juste dire on va envoyer 20 à 40 animaux parce qu'on va attendre deux ans. La priorité n’est pas don‐ née aux petits producteur­s, la priorité est donnée aux grosses industries, mentionne la future productric­e de vo‐ laille Alexandra Hébert-Du‐ four.

On veut éliminer les grands transports, on veut éli‐ miner aussi les distribute­urs, on veut vendre directemen­t à la ferme. C’est un meilleur pro‐ fit pour nous et les clients peuvent voir ce qu’on fait, il y a une relation directe avec ce qu'ils mangent.

Vincent Mathieu-Cadieux, futur éleveur de volailles

Les espoirs sont toutefois minces pour un abattoir de grande taille sur le territoire.

Quand on a un abattoir, ça prend quand même un vétéri‐ naire, des inspection­s, ça prend des employés. Et, avoir des employés aujourd’hui, je ne sais pas si vous savez, mais c’est très difficile, lance la pré‐ sidente de l'Union des pro‐ ducteurs agricoles de Gaspé‐ sie-Les-Îles, Michèle Poirier.

Elle ajoute que les volumes doivent être plus élevés pour justifier la constructi­on d'un abattoir rentable sur le terri‐ toire.

Un projet-pilote pour abattre soi-même ses bêtes

Le duo d'éleveur de Paspé‐ biac réfléchit à l'idée de déve‐ lopper leur propre abattoir en format réduit. On pense que dans un an et demi, on de‐ vrait être capable d'avoir ça, estime Mme Hébert-Dufour.

Quant à lui, Vincent-Oli‐ vier Bastien de la Ferme La Caprivore, a soumis sa can‐ didature pour faire partie du projet-pilote du ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Qué‐ bec (MAPAQ) qui concerne l'abattage de volailles à la ferme.

Ce projet s'adresse aux éle‐ veurs qui produisent moins de 300 poulets par année et font exclusivem­ent de la vente sur place.

Ce serait une installati­on qui est aux normes, qui est sécuritair­e pour les employés et les consommate­urs, mais en même temps, qui permet‐ trait d’avoir un suivi de A à Z de la production, explique M. Bastien.

Ce projet-pilote permet‐ trait entre autres des initia‐ tives qui favorisent le déve‐ loppement durable et les cir‐ cuits de proximité, selon le MAPAQ.

Avec les informatio­ns de Louis Pelchat-Labelle

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