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Zombies, fantômes et démons font courir les foules à Taïwan

- Philippe Leblanc

Les esprits, les zombies et les monstres inspirent la peur et fascinent tout au‐ tant. Ils sont depuis tou‐ jours au coeur de l'imagi‐ naire dans plusieurs pays d'Asie. C'est ce que raconte une exposition présentée à Taïwan et qui attire des foules records à l'occasion du mois des fantômes.

Des dizaines de Taïwanais patientent devant le musée tout en marbre blanc de Tai‐ nan par un vendredi aprèsmidi ensoleillé. À l’intérieur, des centaines d’autres at‐ tendent de passer les portes de l’enfer pour pénétrer dans les pièces de l’exposition po‐ pulaire. Même après deux mois, les longues files de visi‐ teurs ne diminuent pas.

On surnomme souvent Tainan la ville des dieux, car c’est la ville taïwanaise où l’on retrouve le plus de temples religieux. Le musée d’art de

Tainan voulait faire le pont entre l’art et les croyances lo‐ cales.

L’exposition Enfer et fan‐ tômes d’Asie propose un fas‐ cinant voyage au Japon, en Thaïlande et ailleurs dans le continent à travers des siècles de représenta­tions culturelle­s des croyances et de l’imagi‐ naire.

Culte des esprits, vam‐ pires, esprits errants et affa‐ més. Les peuples asiatiques entretienn­ent une fascinatio­n pour la vie après la mort. Une section de l’exposition est d’ailleurs dédiée aux façons de se préparer ou de se pré‐ munir contre les risques après la mort.

Les interpréta­tions de la peur de l’inconnu sont illus‐ trées dans les arts tradition‐ nels comme les peintures ja‐ ponaises, mais aussi dans l’art contempora­in. On y retrouve des affiches et extraits de films de Hong Kong ainsi que des bandes dessinées manga.

La pièce maîtresse de l’ex‐ position, qui fait courir les foules, est une série de ré‐ pliques grandeur nature de zombies des vieux films can‐ tonnais, la première incarna‐ tion de ces créatures fantas‐ tiques errantes à la recherche du repos éternel. On est loin de l’image actuelle des zom‐ bies telle que présentée dans The Walking Dead.

Cohabitati­on entre les zombies et les humains

C’est la section de l’exposi‐ tion qui parle de la chasse aux esprits, explique Chen Hanyang qui a adapté cette expo‐ sition pour l’espace réduit du musée. Il ne s’agit pas de vrai‐ ment partir à la chasse, mais de comprendre comment nous réagissons face à l’incon‐ nu. Ces premiers films de zombies montraient des créa‐ tures cherchant à retourner sur leurs lieux de naissance pour y être enterrés. Il y avait un volet de cohabitati­on entre les zombies et les hu‐ mains.

L’exposition Enfer et fan‐ tômes d’Asie a d’abord été présentée au Musée du QuaiBranly-Jacques Chirac à Paris en 2018, puis modifiée pour le public taïwanais. En plus des objets prêtés par le musée français, des oeuvres contem‐ poraines taïwanaise­s issues des collection­s muséales ou commandées pour l’occasion ont une place de choix.

La société taïwanaise a été façonnée par plusieurs in‐ fluences et c’est pourquoi on retrouve des éléments des cultures populaires japonaise et cantonaise, mais aussi du bouddhisme et du taoïsme dans l’exposition, indique un des curateurs du musée d’art de Tainan, Chuang TongChiao.

Des milliers de visiteurs L’exposition s’annonçait déjà populaire. Mais avant même son ouverture offi‐ cielle, des groupes religieux l’ont dénoncée, ce qui a contribué à sa popularité. Lors de la première journée officielle, la vente de billets a dû être interrompu­e à trois reprises, car il y avait trop de visiteurs.

Certains demeuraien­t op‐ posés à la tenue de l’exposi‐ tion sans l’avoir vue. Ils récla‐ maient son annulation et crai‐ gnaient qu’elle ne ridiculise les religions ou qu’elle mette en

valeur les esprits errants.

C’est la diffusion sur nos réseaux sociaux de la photo des zombies qui a déclenché cette réponse, affirme Daisy

Wu du musée d’art de Tainan. Il n’y a pas que des symboles religieux, mais aussi de l’art contempora­in. Il s’agit simple‐ ment de susciter une ré‐ flexion sur les façons d’imagi‐ ner et d’affronter l’inconnu.

En Asie, les fantômes ne meurent jamais. La fascina‐ tion pour l’au-delà et ses créa‐ tures non plus. Cette exposi‐ tion qui attire des milliers de personnes chaque jour le confirme.

Notre correspond­ant en Asie Philippe Leblanc sera ba‐ sé à Taïwan pour les pro‐ chains mois, afin de nous faire découvrir cette île de près de 24 millions d'habitants, sa société et les défis qui l'animent. Et aussi afin de couvrir les enjeux d'actualité de toute la région Asie-Paci‐ fique.

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