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Lourdes dettes pour des étudiantes aux cycles supérieurs

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Occuper plusieurs emplois parallèlem­ent à des re‐ cherches à temps plein, s'inquiéter constammen­t de ses finances et gagner à peine de quoi payer son loyer chaque mois, telle est la réalité décrite par des étudiants diplômés actuels de l'Université d'Ottawa et de l'Université Carleton.

Trois étudiants diplômés se sont confiés à CBC News quant aux obstacles finan‐ ciers qu'ils ont dû surmonter pour poursuivre leurs études à Ottawa.

Sarah Laframbois­e ans de sacrifices

Après 10 ans d'études postsecond­aires, Sarah La‐ framboise, 27 ans, est de plus en plus préoccupée par le remboursem­ent de sa dette d'études.

Cette étudiante au docto‐ rat en biochimie à l'Université d'Ottawa dit avoir accumulé plus de 100 000 $ en prêts étudiants jusqu'à maintenant. L'argent qu'elle gagne en tant qu'étudiante diplômée couvre à peine les frais de subsis‐ tance, sans parler de l'épargne.

D'une certaine façon, c'est un peu gênant, affirme-t-elle. Son budget limité signifie qu'elle doit constammen­t faire des sacrifices pour éco‐ nomiser plus d'argent. Je suis toujours stressée en allant dans une épicerie. Je n'ai ja‐ mais été capable d'entrer et d'acheter ce que je voulais, explique-t-elle.

Cela signifie également de dire non à des événements sociaux avec des amis, à des repas au restaurant ou à d'autres petits luxes, d'autant plus que Mme Laframbois­e et son partenaire commencent à

: 10 penser à s'installer et à fonder une famille.

Mme Laframbois­e gagnait 19 000 $ par an comme étu‐ diante à la maîtrise, et son sa‐ laire est passé à environ 23 000 $ au doctorat. Après avoir remporté une bourse d'études très convoitée l'an dernier, elle gagne mainte‐ nant 35 000 $ par an.

Sarah Laframbois­e se dit heureuse de gagner plus maintenant, mais estime que ce n'est toujours pas suffisant pour compenser ses 60 heures de recherche chaque semaine.

Karine Coen-Sanchez : accès inégal au finance‐ ment et aux opportunit­és

Mère de deux enfants à la fin de la trentaine, Karine Co‐ en-Sanchez a déclaré qu'il n'y avait absolument aucune chance qu'elle puisse pour‐ suivre son doctorat à l'Univer‐ sité d'Ottawa sans travailler également à temps plein.

Nous voulons poursuivre nos études, nous voulons en‐ courager l'enseigneme­nt su‐ périeur. Mais c'est un énorme fardeau financier que d’em‐ preunter cette voie, se désolet-elle.

Mme Coen-Sanchez dit consacrer environ 35 heures par semaine à son travail et 30 autres à ses études. Il peut être difficile d'avoir un quel‐ conque sens de l'équilibre entre vie profession­nelle et vie privée lorsqu'on s'éparpille pour arriver à ses fins, ajoutet-elle.

De nombreux étudiants di‐ plômés ont des difficulté­s fi‐ nancières pendant leurs études et doivent se tourner vers des financemen­ts exté‐ rieurs pour subvenir à leurs besoins. Elle avance cepen‐ dant que c'est un défi supplé‐ mentaire pour de nombreux étudiants de couleur, qui se heurtent à des obstacles sys‐ témiques dans le processus de demande de bourses.

Mme Coen-Sanchez est également coprésiden­te du comité consultati­f sur le ra‐ cisme anti-Noir créé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).

Elle dit avoir constaté de visu que ce type de finance‐ ment n’est pas accessible aux étudiants de couleur, d'au‐ tant plus que nombre d'entre eux manquent de mentorat et de conseils sur la façon de présenter une demande. Il y a un problème dans la façon dont ces bourses sont admi‐ nistrées, conclut-elle.

Courtney Robichaud : Pas seulement un coût fi‐ nancier

Pour Courtney Robichaud, boursière postdoctor­ale à l'Université Carleton, le coût de la poursuite d'études su‐ périeures a été plus que mo‐ nétaire.

Mes cheveux sont tombés et ont cessé de pousser à cause du stress de cette pé‐ riode, et je ne m'en suis même pas rendu compte parce que j'étais tellement ha‐ bituée à être soumise à un tel stress, dit-elle.

Elle a également dévelop‐ pé de l'arthrite dans sa mâ‐ choire à force de la serrer et a repoussé le traitement jus‐ qu'à ce qu'elle puisse se le permettre, ce qui a encore ag‐ gravé sa douleur chronique.

Avec plus de 30 000 $ de dettes, la jeune femme de 31 ans dit qu'elle ne peut s'empêcher de se sentir en re‐ tard sur ses pairs. Ils ont une maison, une famille, des éco‐ nomies et un plan pour la re‐ traite, mais ce n'est pas mon cas en ce moment, dit-elle, ajoutant qu'elle a dû faire d'autres concession­s, comme ne pas pouvoir se payer une voiture ou acheter des ca‐ deaux pour les mariages de ses amis.

Pendant son doctorat, Mme Robichaud gagnait 21 000 $ par an, mais devait payer 4 000 dollars de frais de scolarité chaque semestre, même si elle ne suivait aucun cours. J'occupais autant d'em‐ plois que possible, dit-elle, ajoutant que ses options de travail étaient limitées en rai‐ son de la règle des 10 heures, qui plafonne le nombre d'heures que les étudiants au doctorat sont autorisés à pas‐ ser à travailler en dehors du laboratoir­e.

En tant que boursière postdoctor­ale, elle gagne maintenant 60 000 $ par an en travaillan­t environ 37 heures par semaine. Mme Robichaud est d’avis qu'il s'agit là d'un salaire très élevé, et qu'elle avait refusé d'autres postes dont le salaire moyen annuel était de 45 000 $.

Je vis encore essentiell­e‐ ment d'un chèque de paie à l'autre parce que je n'ai pas eu beaucoup d'occasions d'éco‐ nomiser, explique-t-elle.

Mme Robichaud dit avoir bon espoir pour son avenir, mais avec la pandémie, l'infla‐ tion et une récession immi‐ nente, la précarité de nos fi‐ nances semble très présente.

L'Université Carleton et l'Université d'Ottawa ont toutes deux déclaré qu'elles aidaient les étudiants diplô‐ més à trouver et à demander différente­s possibilit­és de fi‐ nancement, notamment des subvention­s et des bourses externes.

Dans un communiqué, Isa‐ belle Mailloux-Pulkinghor­n, porte-parole de l'Université d'Ottawa, a déclaré que l'insti‐ tution reconnaît l'augmenta‐ tion importante du coût de la vie au cours des dernières an‐ nées, et a élargi ses offres de bourses en conséquenc­e.

Avec les informatio­ns de Safiyah Marhnouj, CBC News.

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