L’homme soupçonné d’avoir poignardé l’écrivain Salman Rushdie plaide non coupable
Le suspect de l'attaque contre Salman Rushdie a plaidé jeudi non coupable de tentative de meurtre et d'agression devant un tri‐ bunal de Mayville, dans l'État de New York.
Hadi Matar, 24 ans, est ac‐ cusé d'avoir poignardé Sal‐ man Rushdie, l'auteur des Versets sataniques, le 12 août, attaque qui a choqué en Occident, mais qui a été sa‐ luée par certains dans des pays musulmans comme l'Iran ou le Pakistan.
L'écrivain, poursuivi depuis 33 ans par une fatwa du guide suprême iranien le condam‐ nant à mort, était venu s'ex‐ primer dans la petite ville de Chautauqua, lieu d'un festival littéraire annuel depuis des décennies, tout près du lac Érié qui sépare les États-Unis du Canada.
Arrêté immédiatement après les faits, Hadi Matar avait déjà plaidé non cou‐ pable lors d'une audience de procédure samedi dernier, mais la comparution de jeudi, devant le tribunal de Mayville en présence de la presse, laisse augurer un procès dans plusieurs mois.
Tête baissée, masqué, me‐ notté et habillé d'une tenue de prisonnier aux rayures noires et blanches, M. Matar s'est exprimé jeudi par la voix de son avocat.
Il risque jusqu'à 25 ans de prison pour tentative de meurtre et jusqu'à 7 ans pour agression. Le juge a choisi de le maintenir en détention, sans possibilité de libération sous caution.
Lors de la précédente au‐ dience, les procureurs avaient qualifié l'attaque de prémédi‐ tée.
Son avocat Nathaniel Ba‐ rone a souligné jeudi que son client avait droit à un procès équitable et au respect de la présomption d'innocence.
Interrogé mercredi par le New York Post qui affirme l'avoir contacté en prison, Ha‐ di Matar s'est dit surpris que Salman Rushdie ait survécu à l'attaque.
L'auteur britannique de 75 ans, poignardé une dizaine de fois au cou et à l'abdomen et évacué en hélicoptère vers un hôpital, avait brièvement dû être placé sous respirateur avant que son état ne s'amé‐ liore.
M. Matar, 24 ans, n'a pas dit s'il avait été inspiré par la fatwa lancée par l'ayatollah Khomeini en 1989 depuis l'Iran.
Il a expliqué au New York Post avoir seulement de l'es‐ time pour l'ayatollah, quel‐ qu'un de remarquable.
Quant à Salman Rushdie, M. Matar a affirmé que ce n'est pas un homme bien. Je n'aime pas cette personne, at-il lancé.
C'est quelqu'un qui a atta‐ qué l'islam, a-t-il ajouté. En re‐ gardant des vidéos de l'au‐ teur sur YouTube, il l'a trouvé hypocrite.
Hadi Matar était revenu « changé » et davantage reli‐ gieux d'un voyage en 2018 au Liban, pays d'origine de sa fa‐ mille, avait affirmé lundi sa mère au site Internet du Daily Mail.
L'Iran rejette toute res‐ ponsabilité
Salman Rushdie, né en 1947 en Inde dans une famille d'intellectuels musulmans non pratiquants, avait provo‐ qué la colère d'une partie du monde musulman avec la pu‐ blication en 1988 des Versets sataniques, roman jugé par les plus rigoristes comme blasphématoire à l'égard du Coran et du prophète Maho‐ met.
L'ayatollah Khomeini, fon‐ dateur de la République isla‐ mique d'Iran, a lancé en 1989 une fatwa appelant au meurtre de Salman Rushdie, qui a vécu des années sous protection policière.
La fatwa de l'ayatollah Khomeini contre l'écrivain n'a jamais été levée et beaucoup de ses traducteurs ont subi des attaques.
Après trois jours de si‐ lence, l'Iran a nié lundi toute implication dans l'attaque, fai‐ sant porter la responsabilité à Salman Rushdie lui-même.
Dans cette attaque, seuls Salman Rushdie et ses parti‐ sans mériteraient d'être blâ‐ més et même condamnés, avait jugé Nasser Kanani, porte-parole du ministère ira‐ nien des Affaires étrangères.
Salman Rushdie, qui est installé à New York depuis 20 ans, est devenu citoyen américain en 2016.
En dépit de la menace, il était apparu de plus en plus fréquemment en public, sou‐ vent sans escorte visible, tout en continuant de défendre dans ses livres la satire et l'ir‐ révérence.
Lors d'un entretien donné au magazine allemand Stern quelques jours avant l'at‐ taque de vendredi, il s'était dit optimiste et avait confié : De‐ puis que je vis aux États-Unis, je n'ai plus de problèmes [...] Ma vie est de nouveau nor‐ male.
Hadi Matar doit de nou‐ veau comparaître devant la justice les 7 et 22 septembre, selon le juge Foley.
Mais le procureur du com‐ té de Chautauqua, Jason Schmidt, a reconnu devant la presse que sa petite juridic‐ tion n'était pas préparée au choc d'une telle affaire. Des enquêteurs de la police fédé‐ rale, le FBI, enquêtent égale‐ ment et rien n'exclut que l'af‐ faire soit un jour jugée à l'échelon fédéral.