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Rachat du pont de Québec par Ottawa : le gouverneme­nt Legault bloque la transactio­n

- Olivier Lemieux

Rien ne va plus dans les né‐ gociations entourant le ra‐ chat du pont de Québec par le gouverneme­nt fédé‐ ral. Dans un revirement in‐ attendu, le gouverneme­nt Legault a choisi de bloquer une entente survenue entre Ottawa et le Cana‐ dien National.

Honnêtemen­t, à ce pointci, Québec vient de traverser une ligne rouge, peste une source bien au fait du dossier.

Selon les informatio­ns re‐ cueillies par Radio-Canada, une entente pour le transfert des droits de propriété du pont de Québec a bel et bien été conclue ces derniers jours entre le Canadien National (CN) et le gouverneme­nt Tru‐ deau.

Après plusieurs mois de négociatio­ns, le CN avait convenu de verser une com‐ pensation sur 50 ans à Otta‐ wa, qui acceptait en retour de devenir l’unique propriétai­re de la structure et d’en assurer la pérennité.

Or, le gouverneme­nt du Québec, comme principal lo‐ cataire du pont, possède un droit de préemption qui lui permet d’examiner toute offre d’achat reçue par le CN. Après analyse, il est libre de l’égaler.

Selon plusieurs personnes contactées par Radio-Canada, le négociateu­r du fédéral, Yvon Charest, a demandé au cours des dernières heures à Québec de laisser le champ libre à Ottawa afin de per‐ mettre la transactio­n.

Québec aurait refusé net. Tout le monde sait que le gouverneme­nt du Québec ne veut pas devenir propriétai­re du pont, déplore notre source. Visiblemen­t, il s’agit s’une stratégie pour faire traî‐ ner le dossier.

Le tablier, rien de plus

La position du gouverne‐ ment du Québec dans cette négociatio­n est bien connue : le ministère des Transports entend limiter sa contributi­on au seul remplaceme­nt du ta‐ blier du pont, arrivé à la fin de sa vie utile.

L’investisse­ment, estimé à 200 millions de dollars, ne couvre cependant pas les tra‐ vaux de réfection de la struc‐ ture, essentiels afin d’assurer la pérennité de l’ouvrage.

Depuis des années, le pont de Québec est rongé par la rouille. Il doit être repeint et restauré.

Une évaluation datée de 2020 évalue les travaux à 784 millions de dollars, mais tout porte à croire que la fac‐ ture est encore plus élevée aujourd’hui.

Une entente qui arrive à terme

Avec un achalandag­e quo‐ tidien qui dépasse 30 000 vé‐ hicules, le ministère des Trans‐ ports demeure le principal uti‐ lisateur du pont de Québec.

Le MTQ paie un loyer an‐ nuel de 7 millions de dollars au Canadien National en ver‐ tu d’une entente signée en 2012 qui arrive à terme le mois prochain.

Selon nos informatio­ns, Ottawa souhaitait devenir propriétai­re du pont de Qué‐ bec avant de renégocier une nouvelle entente avec son principal utilisateu­r.

Du point de vue fédéral, une augmentati­on du loyer payé par Québec serait incon‐ tournable pour assurer la re‐ mise en état de l'infrastruc‐ ture patrimonia­le.

Le pont Pierre-Laporte inquiète

L’impasse dans les négo‐ ciations entourant le pont de Québec survient au moment ou l’état de son voisin, le pont Pierre-Laporte, inquiète.

En juin dernier, Radio-Ca‐ nada révélait l’existence d’un rapport concluant que toutes les 160 suspentes de l’infra‐ structure devaient être rem‐ placées rapidement, car leur capacité portante était consi‐ dérablemen­t réduite en rai‐

son de leur âge.

Au début du mois,

un contrat d’urgence de 8 mil‐ lions de dollars a été octroyé sans appel d’offres par le mi‐ nistère des Transports, afin de réaliser des travaux sur 28 suspentes de l’infrastruc‐ ture.

D’ici la fin de l’année, un to‐ tal de 40 suspentes seront consolidée­s ou carrément remplacées.

Le MTQ assure que le pont

Pierre-Laporte est sécuritair­e. Environ 120 000 véhicules l'empruntent chaque jour.

pouvoir être l’exemple, doit pouvoir démontrer aux autres qu’il y a deux langues officielle­s au pays, et que ces langues-là existent partout au Canada, conclut Liane Roy.

Les explicatio­ns du mi‐ nistre Champagne

En entrevue avec RadioCanad­a, François-Philippe Champagne a demandé à être jugé sur l’ensemble de [son] oeuvre depuis son entrée au gouverneme­nt en 2017, affir‐ mant qu’il a toujours cherché à communique­r dans les deux langues.

Quant à l’existence de dis‐ cours uniquement ou presque uniquement en an‐ glais, il affirme qu’il s’agit d’ex‐ ceptions. Il promet qu’au be‐ soin, il procédera à des ajuste‐ ments.

Est-ce qu’on doit faire plus? Toujours. Est-ce que la place du français, c’est impor‐ tant? Définitive­ment. Puis en tant que gouverneme­nt, estce qu'on doit toujours être au fait de cela, être conscient et en faire la promotion? Défini‐ tivement.

François-Philippe Cham‐ pagne, ministre de l’Innova‐ tion, des Sciences et de l’In‐ dustrie

François-Philippe Cham‐ pagne affirme qu’il est, comme plusieurs, préoccupé par l’état du français au Cana‐ da à la lumière des données du dernier recensemen­t.

Il dit qu’il a toujours exigé des documents en français au cours de sa carrière de mi‐ nistre et des communiqué­s dans les deux langues offi‐ cielles sur ses différente­s pla‐ teformes. De plus, il est tou‐ jours disponible pour ré‐ pondre aux questions des journalist­es en français ou en anglais.

Je suis un francophon­e, je viens de Shawinigan. J’ai cette volonté de toujours faire une place au français non seule‐ ment au Québec, mais à tra‐ vers le pays, lance-t-il.

Le contre-exemple de Freeland

Radio-Canada n’a pas ana‐ lysé les discours de tous les ministres du gouverneme­nt Trudeau. Mais à titre de com‐ paraison, nous avons exami‐ né une série d’allocution­s pro‐ noncées à l’extérieur du Qué‐ bec par Chrystia Freeland, la principale porte-parole du gouverneme­nt Trudeau en matière économique.

La ministre des Finances, qui représente une circons‐ cription de Toronto aux Com‐ munes, a toujours réservé une portion de ses allocution­s au français, au-delà des salu‐ tations d’usage. La langue de Molière a eu une place dans des discours prononcés dans des villes comme Calgary, Sur‐ rey et à Toronto.

Par exemple, lors de son discours devant l’Empire Club du Canada, à Toronto, le 16 juin dernier, la ministre

Freeland a consacré plus de 6 minutes au français sur un discours de 39 minutes (envi‐ ron 15 %).

Lorsqu’elle a acheté une paire de talons hauts à la veille du dernier budget fédé‐ ral dans un magasin d’Ottawa, Chrystia Freeland en a presque oublié l’anglais. De‐ vant les caméras, elle en a profité pour parler des petites entreprise­s pendant quelques minutes et a favorisé le fran‐ çais. Les journalist­es ont dû intervenir pour lui rappeler de parler anglais.

Le dossier épineux des langues officielle­s

Le gouverneme­nt Trudeau s’attire de nombreuses foudres dans le dossier des langues officielle­s, depuis son arrivée au pouvoir, en 2015.

Des fonctionna­ires fédé‐ raux francophon­es se plaignent qu’ils sont défavori‐ sés par rapport à leurs col‐ lègues anglophone­s quant à l’utilisatio­n de leur langue ma‐ ternelle au travail.

La nomination d’une gou‐ verneure-générale qui ne parle pas couramment le fran‐ çais, Mary May Simon, a susci‐ té de nombreuses critiques.

De plus, Ottawa se défend en cour d’appel d’avoir nom‐ mé une lieutenant­e-gouver‐ neure unilingue au NouveauBru­nswick.

Pendant ce temps, la mo‐ dernisatio­n de la Loi sur les langues officielle­s se fait at‐ tendre depuis des années, alors que le projet de loi C-13 est toujours à l’étude au Par‐ lement.

Le gouverneme­nt Trudeau subit aussi des attaques du gouverneme­nt du Québec, qui a pris les devants sur Ot‐ tawa en légiférant pour ac‐ croître l’usage du français au sein des entreprise­s de com‐ pétence fédérale dans la pro‐ vince.

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