« Bonjour, it’s a pleasure to be here »
Daniel Leblanc, Louis Blouin
Le 23 mars, François-Phi‐ lippe Champagne prend le podium pour saluer l’arri‐ vée d’une importante usine de batteries de véhi‐ cules électriques à Wind‐ sor, en Ontario.
Good morning, everyone! lance au micro le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie avec sa fougue et son énergie habituelles.
Un autre élément qui ca‐ ractérise le député de SaintMaurice–Champlain, selon une analyse de Radio-Canada, c’est qu’il parle peu - ou pas en français lors de nom‐ breuses annonces de finance‐ ment à l’extérieur du Québec ou de la capitale fédérale.
Lors de celle dans le Sud de l’Ontario ce printemps, François-Philippe Champagne n’insère qu’un mot dans sa langue maternelle lors d’un discours de 11 minutes et 30 secondes, même si le do‐ maine de la batterie élec‐ trique mobilise des entre‐ prises partout au pays. Et ce mot est bonjour.
First of all, let me say, bon‐ jour, it’s a pleasure to be here.
François-Philippe Cham‐ pagne, ministre de l’Innova‐ tion, des Sciences et de l'In‐ dustrie
Dans le cas d’une annonce de 443 millions de dollars dans le domaine de l’intelli‐ gence artificielle, en juin, à To‐ ronto, François-Philippe Champagne parle unique‐ ment en anglais lors de son al‐ locution principale. Pourtant, le domaine de l’intelligence ar‐ tificielle est au coeur de l’ave‐ nir économique de Montréal, la métropole francophone qui profite aussi du financement fédéral.
En tout, Radio-Canada a analysé les enregistrements vidéo de neuf annonces de François-Philippe Champagne à l’extérieur du Québec ou d’Ottawa, de janvier à juillet, cette année.
Au total, il a parlé pendant environ 93 minutes - dont moins de 3 minutes en fran‐ çais.
Sur neuf discours, en 2022, à l’extérieur du Québec et d’Ottawa de François-Philippe Champagne :
1 ne contient aucun fran‐ çais 1 contient un mot de français 2 contiennent uni‐ quement des salutations ou remerciements en français 5 contiennent en moyenne 25 secondes de contenu en français ou 4 % du contenu
La norme du bilin‐ guisme
Selon plusieurs sources li‐ bérales de haut niveau, la norme pour les ministres fé‐ déraux francophones est d’in‐ clure des commentaires sub‐ stantiels en français lors de chaque apparition publique.
L’objectif est de communi‐ quer avec toutes les commu‐ nautés francophones du pays, ainsi que de tenter de démontrer l’importance du français au sein du gouverne‐ ment du Canada devant des auditoires composés de gens d’affaires et d’élus.
Dans le cas de l’annonce à Windsor, par exemple, le pre‐ mier ministre ontarien Doug Ford y participait avec le mi‐ nistre Champagne.
Si les ministres québécois ne mettent pas le français en valeur dans le reste du Cana‐ da, qui va le faire? demande une source libérale au sein du bureau d’un autre ministre québécois.
Plusieurs sources libérales au sein de différents minis‐ tères font valoir que les mi‐ nistres ont un rôle crucial au‐ près de leur personnel pour établir la part du français dans leurs allocutions en public.
Certains exigent 25 % de français pour les discours hors Québec, par exemple, ce qui correspond à peu près à la proportion de francophones au Canada.
Une autre source de haut niveau parle d’une coutume de parler les deux langues partout, ajoutant qu’il faut faire l’effort.
Prépondérance de l’an‐ glais
Lors de quatre des neuf discours analysés par RadioCanada, François-Philippe Champagne n’a pas parlé en français, hormis des banalités comme bonjour tout le monde, merci tout le monde et une salutation à l’ambassa‐ deur belge, sur place, lors d’une annonce.
Dans le cas d’une annonce liée à la construction d’une usine de potasse à Saskatoon, le 13 juin, François-Philippe Champagne n’a offert qu'un bonjour au début et un merci à la fin. Aussi présente ce jourlà, la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, MarieClaude Bibeau, a quant à elle résumé son annonce en fran‐ çais.
Dans cinq autres discours de François-Philippe Cham‐ pagne d’une durée moyenne de 10 minutes cette année, il a consacré 25 secondes en moyenne pour expliquer ses annonces en français. Lors d’une allocution de 12 mi‐ nutes à Burlington, en Onta‐ rio, il a parlé pendant 12 se‐ condes en français du plan d’action fédéral pour les petits réacteurs modulaires dans le domaine du nucléaire.
Radio-Canada a aussi ana‐ lysé les vidéos de deux an‐ nonces du ministre qui ont eu lieu au Québec, cette année, dans le domaine des vaccins avec Moderna et dans le do‐ maine des cathodes de batte‐ ries électriques avec GM. Dans les deux cas, il a parlé dans les deux langues officielles, accor‐ dant en moyenne 10 % de son temps de parole à l’an‐ glais.
Le ministre s’attire la critique
Politologue à l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier s’est dite surprise par les constats de Radio-Canada, af‐ firmant que les ministres bi‐ lingues devraient dire ce qu’ils ont à dire dans les deux langues.
Minimalement, tous les ministres québécois devraient parler en français d’une façon assez soutenue ailleurs au Ca‐ nada, affirme-t-elle en entre‐ vue à Radio-Canada. Il fau‐ drait enlever l’étiquette que le milieu des affaires, ça se passe en anglais. Je pense qu’au Québec, on a démontré que ce n’est pas le cas.
Selon la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FC‐ FA), le gouvernement Tru‐ deau rate de trop nom‐ breuses occasions de respec‐ ter sa promesse de longue date de défendre et de pro‐ mouvoir le français partout au Canada.
C’est très décevant quand on voit des gens qui normale‐ ment sont de grands défen‐ seurs de la langue française, ne pas se servir d’occasions comme ça pour justement faire des annonces ou faire des discours dans les deux langues officielles. Le français a une carence de visibilité.
Liane Roy, présidente de la FCFA
La FCFA ajoute qu’Ottawa doit agir face au déclin du français au Canada, qui a été confirmé par le dernier recen‐ sement.
Le gouvernement
doit