Radio-Canada Info

Les partis refusent de fournir leurs dépenses préélector­ales 2021-2022

- Daniel Tremblay

La question de la transpa‐ rence des dépenses pré‐ électorale­s préoccupe tou‐ jours le directeur général des élections (DGEQ) Pierre Reid. À la veille du déclen‐ chement des élections, au‐ cun des partis présents à l’Assemblée nationale n'a voulu fournir à Radio-Cana‐ da et au DGEQ des détails sur leurs dépenses de pré‐ campagnes, publicitai­res ou autres, engagées entre septembre 2021 et juin der‐ nier.

Questionné à la mi-août sur la kyrielle de publicités po‐ litiques diffusées ces derniers mois, notamment par la CAQ, le premier ministre François Legault a minimisé les préoc‐ cupations du DGEQ.

C'est peut-être le défaut de la qualité des élections à date fixe, a-t-il fait valoir lors d’une conférence de presse alors qu'il dévoilait la première pro‐ messe électorale de son parti. Mais on ne peut pas dire que les gouverneme­nts profitent de l'effet de surprise, tout le monde le sait qu'il y a une élection le 3 octobre; c'est à chaque parti de décider de sa stratégie. Et je pense que c'est équitable à partir du moment où c'est les mêmes règles pour tous les partis.

Depuis l’instaurati­on des élections à date fixe en 2013, aucune limite n’a été imposée aux partis politiques et aux tiers en matière de dépenses de précampagn­e au Québec, contrairem­ent à ce qui a été fait au fédéral et dans d’autres provinces.

Hier, en entrevue à Tout un matin pour un hommage à René Lévesque, l'ex-pre‐ mière ministre Pauline Ma‐ rois, mère de la Loi sur les élections à date fixe, a réitéré que c'était la chose à faire et ne regrette pas son adoption.

Il n'y a pas de système parfait, a-t-elle déclaré, même s'il y a cet inconvénie­nt que la pré‐ campagne est très longue.

Dans un courriel que le bu‐ reau de Sonia LeBel, respon‐ sable de la réforme électorale et des institutio­ns démocra‐ tiques, nous a fait parvenir en juin dernier, la ministre se dé‐ fendait de ne pas écouter les recommanda­tions du DGEQ.

Étant donné la pratique de modifier la Loi électorale par consensus, il n’a pas été pos‐ sible de mettre en oeuvre cette recommanda­tion du DGE. Les parlementa­ires ont choisi de donner suite de ma‐ nière prioritair­e aux recom‐ mandations du DGE qui fai‐ saient consensus, et de s’as‐ surer que les électeurs puissent exercer leur droit de vote lors des prochaines élec‐ tions générales dans le contexte de la COVID-19.

Une situation qui avait alors fait réagir Thierry Gias‐ son, chercheur principal du Groupe de recherche en com‐ munication politique et pro‐ fesseur au Départemen­t de science politique à l’Université Laval.

Écoutez, le problème avec la question de la réforme élec‐ torale, c'est que le législateu­r est en conflit d'intérêts. Quel est l'intérêt d'un leader, d'un représenta­nt des partis poli‐ tiques à amender une loi qui va leur imposer davantage de restrictio­ns sur leur manière de remporter des élections?

Des dépenses inégales d’un parti à l’autre

- La Coalition avenir Québec (CAQ)

Interpellé­e sur ses dé‐ penses préélector­ale, la CAQ nous a renvoyés à son rap‐ port financier 2021 qui couvre les dépenses de la période commençant en janvier 2021 et se terminant le 31 dé‐ cembre de la même année. Donc, rien en 2022.

Ce rapport financier de la CAQ, le plus récent document disponible au public, indique que ses dépenses de publicité ont doublé en 2021 par rap‐ port à l’année précédente, passant de 174 000 $ à près de 346 000 $. C’est clairement le parti qui a le plus investi dans ce secteur.

Aucun chiffre global n’est disponible pour les premiers mois de 2022. Radio-Canada a toutefois pu comptabili­ser les achats de publicité sur les ré‐ seaux sociaux par François Legault et son parti.

Ainsi, depuis juin 2019, ce sont 67 000 $ en publicités Fa‐ cebook qui ont été diffusées par la CAQ, dont près de 30 000 $ au cours des trois derniers mois.

La page Facebook du pre‐ mier ministre (habituelle­ment financée par le conseil exécu‐ tif) a diffusé de juin 2019 jus‐ qu’à aujourd’hui plus de 102 000 $ en annonces di‐ verses. Une partie de ces an‐ nonces publicitai­res a été fi‐ nancée par la CAQ en 2022. Le reste a été payé par le minis‐ tère du Conseil exécutif.

Le Parti conservate­ur du Québec d’Éric Duhaime a d’ailleurs déposé une plainte à la commissair­e à l’éthique et à la déontologi­e de l'Assemblée nationale contre François Le‐ gault, alléguant qu’un total de près de 101 854 $ en publici‐ tés Facebook a été payé par le ministère du Conseil exécutif pour la période allant de juin 2019 jusqu’à aujourd’hui.

- Le Parti libéral du Qué‐ bec (PLQ)

Au PLQ, on nous écrivait en date du 9 juin 2022 qu’on nous répondrait dès que pos‐ sible. Radio-Canada n’a jamais reçu de réponse, même après les avoir relancés la semaine dernière. En épluchant le rap‐ port financier 2021 du PLQ, on remarque que ses dé‐ penses en publicité et en ré‐ seaux sociaux étaient en croissance l’an dernier par rapport à 2020, passant de 100 000 $ à près 132 000 $.

Du 25 juin 2019 au 15 août dernier, près de 86 000 $ ont été dépensés par le PLQ sur les réseaux sociaux. Lors des trois derniers mois, le PLQ a investi 8000 $.

Depuis juin 2019, le site de Dominique Anglade a acheté pour 47 000 $ d’annonces sur les réseaux sociaux, dont 6000 $ les trois derniers mois.

- Le Parti conservate­ur du Québec d'Éric Duhaime (PCQ)

Du côté du PCQ de Éric Du‐ haime, on nous a aussi refusé les détails de leurs dépenses préélector­ales 2021-2022. Dans le rapport financier 2021 du PCQ, on peut voir que le parti a versé près de 182 000 $ en achats publicitai­res de tout genre cette année-là. Concrè‐ tement, l’équivalent de 33 000 $ aurait été versé pour de la publicité Facebook, d’après l’outil Facebook Meta.

En avril 2021, le parti a te‐ nu une course à la chefferie remportée par Éric Duhaime. Le Parti conservate­ur du Qué‐ bec ne déclarait aucune dé‐ pense publicitai­re en 2020.

Lors des trois derniers mois, le PCQ a déboursé près de 15 000 $ pour promouvoir les sorties de son chef sur sa propre page Facebook et sur celle de son chef.

Radio-Canada rapportait au printemps dernier que le groupe de pression Québec Fier communiqua­it à ses 85 000 abonnés sur Facebook beaucoup de contenu en pro‐ venance du chef du PCQ

Questionné sur la nécessi‐ té d’encadrer les dépenses des personnes morales (comme Québec Fier) avant les élections, le Parti conser‐ vateur a refusé de commen‐ ter.

C'est pourtant là une des recommanda­tions de Pierre Reid, qui estime que le législa‐ teur devrait modifier la Loi électorale afin que les tiers, comme Québec Fier, qui sou‐ haitent effectuer des dé‐ penses préélector­ales, aient l’obligation de s’enregistre­r au‐ près du DGEQ et de rendre compte de leurs dépenses.

Du 25 juin 2019 au 15 août 2022, Québec Fier a déboursé près de 123 000 $ en publicité Facebook sur le web. Lors des dernières élections fédérales de 2021, le groupe de pres‐ sion a été obligé de s’enregis‐ trer pour intervenir avant et durant la campagne. À l’époque, Québec Fier a décla‐ ré à Élections Canada avoir été financé à la hauteur de 45 000 $ par le Manning Centre for Building Democra‐ cy, un groupe de réflexion (think tank) de droite de Cal‐ gary.

- Le Parti québécois (PQ) Le PQ a refusé de révéler ses dépenses de précam‐ pagne en invoquant des rai‐ sons de stratégie politique. Dans le rapport financier 2021 du PQ, on peut voir que 42 000 $ ont été déboursés en publicité, relations publiques et réseaux sociaux cette an‐ née-là, comparativ­ement à un modeste 2000 $ en 2020.

De juin 2019 jusqu’à main‐ tenant, le PQ a dépensé près de 30 000 $ en publicités sur sa page Facebook et celle du chef Paul St-Pierre Plamon‐ don.

Au printemps dernier, le député Pascal Bérubé a ac‐ cepté d’accorder une entre‐ vue, sans avoir de chiffres à nous fournir sur les dépenses préélector­ales de son parti. Selon le candidat, qui sollicite un sixième mandat dans Ma‐ tane, ce sont surtout les pu‐ blicités gouverneme­ntales qui mériteraie­nt une meilleure surveillan­ce de la part du Di‐ recteur des élections.

D’après les données obte‐ nues par Radio-Canada, de septembre 2021 à mai 2022, le gouverneme­nt Legault a dé‐ boursé près de 71 millions de dollars en publicités en tout genre, y compris celles ayant trait à la pandémie de COVID : une moyenne de près de 8 millions de dollars par mois.

Dans un courriel de ré‐ ponse du ministère du Conseil exécutif et du Conseil du Trésor, on nie fermement utiliser des publicités gouver‐ nementales pour faire de la promotion préélector­ale.

- Québec solidaire (QS)

À Québec solidaire, on af‐ firme que ces informatio­ns, qui intéressen­t le Directeur des élections du Québec, sont confidenti­elles. Québec soli‐ daire n'a pas de position for‐ melle sur l'encadremen­t des dépenses préélector­ales, nous répond-on dans un courriel. Pour les données que vous demandez sur nos dépenses dans la dernière an‐ née, malheureus­ement, je ne suis pas en mesure de vous les fournir, comme il s'agit d'informatio­ns confiden‐ tielles.

QS a payé au cours de ces trois derniers mois près de 8000 $ pour faire de la promo‐ tion sur sa page Facebook, ainsi que sur celle de Gabriel Nadeau-Dubois. Depuis jan‐ vier 2019, Québec solidaire a investi plus de 46 000 $ en promotion sur Facebook.

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