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Le harcèlemen­t envers élus et candidats dans Matane-Matapédia dénoncé

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Pierre Chapdelain­e de Montvalon Tandis que les menaces en‐ vers les élus sont dénon‐ cées par l’ensemble de la classe politique au Québec, des candidats dans Ma‐ tane-Matapédia dé‐ noncent eux aussi le har‐ cèlement dont ils font ou ont fait l’objet.

La candidate pour Québec solidaire (QS) dans la circons‐ cription, Marie-Phare Bou‐ cher, garde un souvenir douxamer de la campagne de 2018. Elle a vécu alors une véritable campagne de cyberharcè­le‐ ment, de dénigremen­t et de messages misogynes sur les réseaux sociaux.

J’ai reçu plusieurs attaques, des insultes, dont certaines déguisées en question, se rap‐ pelle-t-elle. Typiquemen­t, les gens venaient sur ma page Facebook pour laisser des commentair­es désagréabl­es.

Ça minait ma confiance, ça m’attaquait en tant que per‐ sonne, jusqu’à un point où j’ai dit "Heille, on arrête".

Marie-Phare Boucher, can‐ didate de QS dans MataneMata­pédia

Elle a publié à ce momentlà un message sur ses réseaux sociaux afin de faire baisser la tension. Après ça, ça s’est cal‐ mé. Si j’ai fait cet appel, c’est parce que c’était rendu très désagréabl­e dans ma vie per‐ sonnelle, raconte-t-elle.

Une telle expérience ne l’a pas découragé pour autant. Elle se présente de nouveau en 2022 pour Québec soli‐ daire.

Pour cette campagne, Ma‐ rie-Phare Boucher appré‐ hende toutefois un cyberhar‐ cèlement similaire à celui vécu en 2018. Cette fois-ci, des pré‐ cautions ont été prises et une petite équipe de deux per‐ sonnes s'assure de la modéra‐ tion de la page Facebook de la candidate.

La première tâche que j’ai voulu déléguer, c’était la ges‐ tion des réseaux sociaux parce que je le sais, ça se peut qu’il y ait des commentair­es misogynes, non pertinents, des insultes. Je m’attends à ça et j’ai voulu mettre une dis‐ tance entre moi et ces com‐ mentaires, indique-t-elle.

Des plaintes déposées

De son côté, le député sor‐ tant de la circonscri­ption et candidat pour le Parti québé‐ cois (PQ), Pascal Bérubé, constate aussi une recrudes‐ cence des insultes et de l’inti‐ midation envers la classe poli‐ tique.

Dans ma circonscri­ption, c’est le lot d’une infime mino‐ rité, mais particuliè­rement persistant­e. Régulièrem­ent, on m'envoie des captures d’écran de propos délirants à mon endroit, parfois très in‐ quiétants. Je ne peux pas lais‐ ser passer cela, que ça soit pour moi, ou pour les autres élus du territoire.

Il y a suffisamme­nt de sa‐ crifices que les élus, à l’en‐ semble des paliers, font sans ajouter la peur, la contrainte, la calomnie, la diffamatio­n. C’est inacceptab­le.

Pascal Bérubé, candidat pour le PQ dans Matane-Ma‐ tapédia

En septembre 2020, l'élu a porté plainte par deux fois à la Sûreté du Québec pour des menaces de mort qu’il a re‐ çues sur les réseaux sociaux. Il demande un changement de ton.

Je demande aux gens d’être respectueu­x pas uni‐ quement à mon endroit, mais à l’égard de l’ensemble des élus. On peut être critique, et je n’ai aucun problème avec ça, mais des attaques comme celles que je reçois, ça suffit, affirme-t-il.

Juste avant le début de la campagne électorale, son adresse personnell­e à Québec a été publiée sur les réseaux sociaux par un individu. Cette personne, qui m’est très hos‐ tile depuis des années, a déci‐ dé de faire ça. Quel était l’ob‐ jectif ? Je me pose la question, mais j’en ai avisé la Sûreté du Québec, indique-t-il.

Dernièreme­nt, une oeuvre picturale, diffusée sur les ré‐ seaux sociaux, le présente comme un traître et un colla‐ bo, au côté de plusieurs autres hommes et femmes politiques québécois et cana‐ diens dépeints au moyen d’une iconograph­ie satanique.

Certains ont des convic‐ tions qui s’apparenten­t par‐ fois à des croyances sectaires et sont convaincus que ceux qui n’adhèrent pas à leurs croyances sont leurs ennemis. Ça m’inquiète qu’on ait cette représenta­tion de moi, mais ça m’inquiète [pour la per‐ sonne qui a peint cette oeuvre]. Comment peut-on en arriver à penser une telle chose quand on me connaît un tant soit peu comme dé‐ puté de cette circonscri­ption, qui est accessible, qui échange avec les gens ?, de‐ mande-t-il.

De leur côté, ni Jean-Sébas‐ tien Barriault, candidat pour la CAQ, ni Alexandre Leblanc, candidat pour le PCQ, ne disent avoir subi menaces, in‐ timidation, harcèlemen­t, ou gestes hostiles.

Plus de soutien deman‐ dé

Tout comme Marwah Riz‐ qy, candidate libérale dans Saint-Laurent, MariePhare Boucher déplore le manque de soutien de la part des autorités policières.

Les autorités ne sont pas outillées, ou elles ne veulent pas gérer la cyberviole­nce. Parfois il y a des gens qui peuvent recevoir des milliers et des milliers de messages haineux, et la police dit "on ne peut rien faire", avance-t-elle.

Elle demande une mise à jour de la législatio­n qui en‐ toure cette problémati­que, en notant que celle-ci date d’avant les réseaux sociaux.

Marie-Phare Boucher ap‐ pelle les utilisateu­rs de ré‐ seaux sociaux à réfléchir avant d’envoyer des mes‐ sages à travers l’anonymat re‐ latif d’un écran.

Avant de commenter, on devrait toujours se poser la question : ‘Est-ce que je serais prêt ou presque à dire ces mots-là de vive voix à la per‐ sonne en question ?’’

Marie-Phare Boucher, can‐ didate de QS dans MataneMata­pédia

Perte de liberté

Le député sortant de Bo‐ naventure et enseignant de sociologie, Sylvain Roy, constate aussi ce climat délé‐ tère sur les réseaux sociaux, qui, dans son cas, a été cir‐ conscrit à quelques épisodes de propos disgracieu­x sur in‐ ternet.

Il déplore une banalisati­on de l’utilisatio­n de la violence, notamment sur les réseaux sociaux, qui développen­t, se‐ lon lui, un sentiment trom‐ peur d’impunité chez cer‐ taines personnes.

On assiste chez certains adultes à une forme d’incapa‐ cité à faire valoir leur point de vue, et ceux-ci vont utiliser la violence et les menaces pour le faire. C’est extrêmemen­t dangereux parce que quand il y a de plus en plus d’individus qui règlent leur compte en utilisant la menace et la vio‐ lence, ça crée un durcisse‐ ment dans le système policier et un contexte de surveillan­ce supplément­aire et de perte de liberté, avertit-il.

Plus les gens vont utiliser des comporteme­nts agressifs pour faire valoir leur point de vue, plus ça met en danger nos libertés.

Sylvain Roy, député sor‐ tant de Bonaventur­e

L'élu suggère d’arrêter d’utiliser l’expression député d’arrière-ban à cause de sa connotatio­n négative, qui lais‐ serait croire que ces députés ne feraient rien.

Tous les députés que j’ai connus travaillen­t extrê‐ mement fort. Les députés au gouverneme­nt ne peuvent pas utiliser les trompettes de la dénonciati­on publique pour faire valoir un point de vue, par respect pour leur col‐ lègue. Par contre, ils tra‐ vaillent extrêmemen­t forts en arrière auprès des cabinets et des ministères pour aller cher‐ cher des gains pour leur po‐ pulation, soutient-t-il.

Les élus, ajoute M. Roy, sa‐ crifient souvent une vie fami‐ liale et une carrière pour aller servir la communauté.

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